MAGAZINE CONSTAS

Environnement et carrières

Une gestion de plus en plus complexe

Les entreprises spécialisées dans le domaine des carrières et sablières doivent aujourd’hui composer avec un encadrement environnemental particulièrement contraignant, ce qui rend les sites disponibles pour de l’exploitation de plus en plus rares. Explications.

Par Florence Sara G. Ferraris

Difficile d’imaginer un monde sans pierre ou sans agrégat. « On ne se rend pas toujours compte, mais ce que l’on tire des carrières est essentiel à notre vie quotidienne, insiste Gervais Simard, président de Ressources Environnement, une firme de consultants spécialisée dans la gestion environnementale des carrières et des sablières. Vous n’avez qu’à regarder autour de vous : nos ponts, nos routes, nos bâtiments… L’ensemble de nos villes modernes repose sur ces matériaux. »

« On a dû apprendre à travailler en amont et à monter des dossiers pas mal plus imposants pour obtenir les autorisations nécessaires. » — Gervais Simard

Et entre les travaux de réfection des infrastructures et les nouveaux investissements, les choses ne semblent pas être sur le point de changer. « Les acteurs de cette industrie n’ont pas à se demander s’ils trouveront du travail, précise le technologue de profession. Le défi est plutôt de trouver des sites où l’exploitation est encore possible. »
Au cours des dernières années, les normes environnementales se sont resserrées autour des carrières, notamment en ce qui concerne le zonage et la protection des milieux humides. « Notre travail s’est beaucoup complexifié au fil des ans, soutient Gervais Simard. On a dû apprendre à travailler en amont et à monter des dossiers pas mal plus imposants pour obtenir les autorisations nécessaires. »

En 2017, il est difficile d’imaginer un monde sans pierre ou sans agrégat. «Ponts, routes et bâtiments… l’ensemble de nos villes modernes repose sur ces matériaux», rappelle Gervais Simard. CR: Photo Gervais Simard ; Montage Constas

Naissance de la règlementation

Avant le début des années 1970, aucun encadrement légal ne limitait l’exploitation des carrières et des sablières québécoises. Moins urbanisé qu’aujourd’hui, le territoire offrait de multiples possibilités, parfois en plein cœur des municipalités. « À l’époque, la seule préoccupation était d’avoir accès à une ressource de qualité à proximité des sites d’utilisation, comme un chantier ou une usine par exemple, explique Gervais Simard. C’est ce qui dictait le choix des sites d’exploitation. »

Adoptée le 21 décembre 1972, la version initiale de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) pose de premières balises. Dès lors elle impose notamment l’obligation d’obtenir des certificats d’autorisation avant de procéder à toute forme d’exploitation. Ces derniers peuvent être délivrés par le ministère de l’Environnement, la Commission de la protection du territoire agricole et les différentes municipalités touchées par le projet.

 « Les acteurs de cette industrie n’ont pas à se demander s’ils trouveront du travail. Le défi est plutôt de trouver des sites où l’exploitation est encore possible. »

Il faut toutefois attendre la fin des années 1970 pour qu’un règlement plus précis, spécifique aux carrières et sablières, voie finalement le jour. Adopté en 1977, celui-ci clarifie alors les contraintes de localisation des sites et détermine, pour la première fois, ce qui doit advenir des différents rejets à l’environnement, que ces derniers soient sonores, atmosphériques ou hydrauliques. « Ce règlement est également le premier à avoir inclus l’obligation de restauration des sites, précise Gervais Simard. Avant, en vertu de la LQE, le gouvernement pouvait le demander, mais il n’y avait pas de façon de faire définie. »

«La demande en granulat et autres matériaux bruts tirés des carrières de la province ne risque donc pas de s’essouffler au cours des prochaines années.»

Depuis, le cadre règlementaire s’est fortement bonifié, notamment en ce qui concerne la protection des territoires agricoles et des eaux de surface et souterraine. Les promoteurs doivent ainsi démontrer que l’exploitation de leur site n’affectera pas l’environnement. « Et la seule obtention d’une autorisation n’est pas suffisante, insiste Gervais Simard. Un suivi serré est fait tant que la carrière demeure active et des promoteurs qui ne se conforment pas aux normes s’exposent à de lourdes amendes. »

Changements envisagés

La Loi sur la qualité de l’environnement, qui encadre en grande partie l’exploitation des carrières québécoises, célèbre, cette année, ses 45 ans. Elle devrait cependant faire l’objet d’une révision au cours de la prochaine année. À terme, ces changements légaux pourraient avoir d’importants impacts sur l’exploitation de ces sites.

« Il est encore difficile de savoir exactement comment ces modifications vont affecter notre travail sur le terrain », précise l’avocat Claude Lapierre (cabinet TSL), qui se spécialise en droit de l’environnement et de l’urbanisme. Ce qui est certain c’est que les exploitants espèrent que le Ministère clarifie certains éléments de sa loi. « À l’heure actuelle, une grosse partie de l’encadrement relève du pouvoir discrétionnaire qui incombe au ministre et, par conséquent, aux fonctionnaires, renchérit Gervais Simard. Ça laisse place à beaucoup d’interprétations. »  •