MAGAZINE CONSTAS

Les Québécois en faveur des grands projets énergétiques

De quelles infrastructures énergétiques le Québec a-t-il besoin ?

Plus de 60 ans après la construction des grands barrages hydroélectriques de la Révolution tranquille, les Québécois sont à nouveau prêts pour des projets d’infrastructures énergétiques d’envergure, notamment la force éolienne et l’hydroélectricité, pour compenser le manque à gagner en électricité prévu d’ici quelques années.

par Marie-Ève Martel

 

 

C’est ce qui ressort d’un sondage Ipsos commandé par l’Institut économique de Montréal (IEDM), réalisé auprès d’un échan­tillon représentatif de 1 161 répondants canadiens, avec un sur-échantillon de 403 Québécois.

En août 2022, le premier ministre François Legault a évoqué le fait que le Québec manquerait d’électricité dans un horizon de cinq ans. Dans ses prévisions, Hydro-Québec a indiqué que la demande croissante en électricité entraînerait la fin de ses surplus en 2027 et un manque à gagner deux mois plus tard. Par conséquent, il faut songer à aménager de nouvelles infrastructures pour produire davantage d’électricité.

«Le sondage a été réalisé dans la foulée de la présentation du plan 2035 d’Hydro-Québec, met en contexte Gabriel Giguère, analyste sénior en politiques publiques à l’IEDM. C’est là qu’on a appris que le Québec avait besoin de construire de nouvelles structures pour augmenter la production en électricité.»

Oui aux éoliennes et aux barrages au Québec

Gabriel Giguère, analyste sénior en politiques publiques à l’IEDM

Une forte majorité des répondants québécois au sondage (82%) se sont prononcés en faveur de la construction d’un plus grand nombre de parcs éoliens. Les barrages hydroélectriques ont obtenu pour leur part un taux d’appui de 70%.

La production d’électricité au moyen de centrales nucléaires semble toutefois diviser la population. Selon le sondage de l’IEDM, 40% des répondants québécois seraient en faveur de miser sur des installations nucléaires existantes ou nouvellement construites pour pallier la fin des surplus; à l’inverse, ceux qui s’y opposent comptent pour 44% des personnes sondées dans la province.

Selon un sondage IPSOS pour le compte de l’Institut économique de Montréal, 7 Québécois sur 10 sont en faveur de la construction de nouveaux barrages hydroélectriques. Ici, le barrage hydroélectrique de Manic-5, dans le nord de la province.

Le débat sur l’énergie nucléaire est loin d’être clos, ajoute l’analyste. «Le futur qu’on souhaite carboneutre ne pourra pas se permettre l’économie d’une telle forme d’énergie […] Si on veut conjuguer prospérité et réduction de GES, le nucléaire va faire partie du bouquet de mesures», prédit Gabriel Giguère.

Ressusciter GNL Québec suscite peu d’enthousiasme

Par ailleurs, 51% des répondants ont exprimé leur accord quant à la relance du projet GNL Québec, contre 30% qui s’y opposent. Près d’une personne sur cinq (19%) est toutefois indécise, révèle le sondage.

Le projet GNL-Québec souhaite profiter de la profondeur des eaux du Fjord du Saguenay pour permettre l’exportation de gaz naturel liquéfié via méthaniers.

Le projet de GNL Québec visait à exploiter un complexe de gaz naturel liquéfié (GNL) dans la région du Saguenay–Lac‑Saint-Jean. Aussi appelé Énergie Saguenay, il était dans les cartons depuis 2014. On souhaitait permettre l’exportation, une fois qu’il aurait été réalisé, de 11 millions de tonnes de GNL chaque année grâce à un pipeline de 780 kilomètres reliant la ligne de TransCanada de l’Ontario et Saguenay.

Mais devant la forte opposition que suscitait le projet, notamment pour des raisons environnementales, le gouvernement de François Legault a enterré le projet de gazoduc une fois pour toutes à l’été 2021.

Les répondants québécois à l’enquête sont divisés à propos de la relance du projet GNL Québec, qui n’obtient que 51 % des appuis. Et l’idée de se tourner vers le nucléaire ne plaît qu’à 40 % des personnes sondées.

Modifier la tarification pour conserver l’énergie

Le sondage a également pris le pouls des Québécois sur leur appui à l’introduction de nouveaux mécanismes de prix pour encourager la conservation de l’énergie.

Deux répondants sur trois (66%) se sont dit en faveur et environ un sur quatre (24%) a fait part de sa réticence.

Des corridors énergétiques méconnus

Au Québec comme ailleurs au pays, la notion de corridors énergétiques demeure méconnue ou mal comprise. À peine 38% des répondants au sondage s’estiment familiers avec ce concept, dont 7% à peine se considèrent comme «très» familiers. À l’inverse, 26% des répondants se sont dits peu familiers et 30% «très peu» familiers.

Cette méconnaissance était surtout observable au Québec, où 68% des répondants ont indiqué ne pas bien saisir ce qu’est un corridor énergétique.

Le fait de ne pas comprendre de quoi il s’agit n’empêche pas les deux tiers des personnes sondées au Canada (66%) – et 63% au Québec – d’appuyer le développement de corridors éner­gé­tiques, qui sont essentiellement des réseaux de transmission de l’énergie permettant de relier plusieurs régions ou provinces entre elles pour assurer une alimentation plus soutenue en électricité.

Une question d’âge

Si on ventile les résultats du sondage par tranches d’âge, on apprend que ce sont les Québécois de 18 à 34 ans qui sont le plus en faveur des parcs éoliens, avec 79% d’appuis et 15% en opposition.

Du côté des barrages, les personnes âgées de 55 ans et plus sont les plus réticentes, avec une adhésion à 67% et une opposition à 20%. Ce sont aussi les aînés qui sont les moins à l’aise avec un possible recours à des installations nucléaires: à peine 37% d’entre eux y sont favorables. De ce nombre, les femmes sont majoritaires : à peine 35% d’entre elles soutiennent cette idée, les hommes étant 10% plus nombreux à l’appuyer.

L’IEDM publiera dans quelques semaines un nouveau sondage et continuera de prendre le pouls des Québécois sur la question, alors que le dossier évolue rapidement.

Une position qui évolue

Le départ du ministre Pierre Fitzgibbon, au début de septembre, a provoqué une levée de boucliers contre son projet de loi 69, qu’il ne défendra pas en commission parlementaire.

«Mais ce n’est pas parce qu’un ministre a quitté [le gouvernement] que la situation énergétique du Québec a changé du jour au lendemain, nuance Gabriel Giguère. Le travail de consultation et les recherches en amont demeurent.»

L’IEDM publiera dans quelques semaines un nouveau sondage et continuera de prendre le pouls des Québécois sur la question, alors que le dossier évolue rapidement.

«Rappelons-nous qu’au moment de ce premier sondage, il n’y avait pas encore eu le dépôt du projet de loi sur l’énergie, rappelle Gabriel Giguère. Il sera intéressant d’entendre les conversations démocratiques à son sujet lors de la commission parlementaire à venir. Les informations qui percoleront dans l’espace public vont informer davantage la population.» ■