MAGAZINE CONSTAS

La Guerre en Ukraine

Quelles conséquences pour les infrastructures ?

À la suite de l’agression russe, l’Ukraine subit une destruction massive de ses infrastructures, destruction dont les conséquences se feront sentir des années après la fin du conflit, lequel est encore loin d’être résolu.

Depuis le 24 février 2022, l’Ukraine subit la campagne militaire déclenchée par la Russie. Si, à raison, les coûts humains de cette guerre occupent les premières pages des journaux, les répercussions sur les infrastructures sont elles aussi majeures. Bien que la guerre soit loin d’être terminée, on peut d’ores et déjà faire un premier bilan et s’interroger sur les effets futurs de ces destructions.

Par Elsa Bourdot

Destruction des infrastructures en Ukraine : ce qu’on sait et ce qu’on ignore

Mi-mars, le Programme des Nations Unies pour le Développement (ou PNUD) faisait déjà état de plus de 100 milliards de dollars de dommages aux infrastructures en Ukraine. La Kyiv School of Economics, qui s’est donnée pour mission de comptabiliser toutes les destructions imputables à la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine, indiquait quant à elle, fin février, que 8265 kilomètres de route, 12 aéroports, 260 ponts et 2 infrastructures portuaires avaient été détruits.

Irpin, Ukraine, le 9 mars 2022. Chaos et dévastation à la périphérie d’Irpin. Pont endommagé par l’attaque de roquettes et les bombardements de la ville.

 

Statista (une entreprise privée allemande spécialiste de la collecte de données) faisait état en date du 10 mai de pertes estimées à 1646 millions de dollars US pour les ponts, 3572 millions de dollars US pour les gares, 29761 millions de dollars US pour les routes, 6017 millions de dollars US pour les aéroports et 622 millions de dollars US pour les infrastructures portuaires.



Si ces chiffres sont tributaires des méthodologies propres à chaque source et si aucun bilan définitif ne peut être connu avant la fin de la guerre, force est de constater que les infrastructures (routes, aéroports, ponts et ports notamment) subissent des destructions massives. Même dans l’hypothèse où le conflit toucherait bientôt à sa fin (ce que rien ne laisse présager), l’Ukraine paiera pendant des décennies le coût financier et humain de ces destructions.



Au-delà du prix à payer, la régression

Le PNUD (qui est présent sur le terrain) estime, selon les chiffres actuellement en sa possession, que la guerre expose 90 % des Ukrainiens et des Ukrainiennes à une pauvreté extrême et que la destruction des infrastructures entraînera un retour en arrière en matière de développement qui ne fera que s’accentuer au fil du conflit.

Depuis le début de la guerre, la Kyiv School of Economics a mis en place (conjointement avec le cabinet de Volodymyr Zelensky et le ministère de l’Économie) un outil en ligne qui permet à tous les citoyens sur place de témoigner (preuves à l’appui) des destructions d’infrastructures qu’ils constatent. L’objectif ? « Dresser la liste la plus complète possible de toutes les destructions dans le pays attribuables à la Russie, en vue des futurs procès internationaux », comme il est précisé sur le site de l’organisme.

« Dans le scénario où toute l’Ukraine était libérée et où l’État serait sous son contrôle, il pourrait y avoir une sorte de plan Marshall [comme après la Seconde Guerre mondiale], qui coûterait probablement un trillion de dollars », a expliqué Daniel Bilak, ancien conseiller en chef au sujet des investissements auprès du premier ministre ukrainien, dans une entrevue avec The Investment Monitor. Une estimation supérieure à celle du premier ministre ukrainien (qui parle de 565 milliards de dollars) et à celle du Centre for Economic Policy Research (qui fait mention d’un montant de 220 à 540 milliards de dollars, soit plus de trois fois le PIB de l’Ukraine avant la guerre).

Ukraine, avril 2022. Les secours humanitaires ont beaucoup à faire pour aller à la rescousse des civils, alors que les infrastructures routières majeures sont en grande partie détruites par endroits.

Comme l’explique Macartan Humphreys dans ses travaux sur les aspects économiques des guerres, le coût de la destruction du « capital physique » (dont font partie les ponts et les infrastructures) se mesure, entre autres, par l’abaissement (post-conflit) des niveaux de vie, un mode de calcul bien plus juste que celui qui se base sur le seul PIB (produit intérieur brut). Une analyse que partage le PNUD, qui indique dans un article publié sur son site le 16 mars que, si la guerre ne prend pas bientôt fin et si l’Ukraine ne reçoit pas l’aide dont elle a besoin de ses alliés, le pays pourrait perdre « près de deux décennies de progrès économique ».



Dans un communiqué émis début avril, le premier ministre, Denys Shmyhal, a indiqué qu’un plan pour le « renouvellement » de l’Ukraine (le plan « U-24 ») était déjà en cours de préparation. La troisième étape de ce plan prévoit un « renouvellement à part entière des villes, des infrastructures et du pays dans son ensemble ».

L’Ukraine et ses infrastructures se préparent donc à l’après, mais une question demeure : quand les bombes cesseront-elles de pleuvoir ? ■