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Fin du projet pilote visant à faciliter les paiements dans l’industrie de la construction

Qu’en est-il maintenant ? 

Chronique juridique / AVIS D’expert

Les retards de paiement dans l’industrie de la construction sont des éléments majeurs touchant tous les entrepreneurs à tous les niveaux. Ce dossier est tellement d’importance qu’en 2013, les principales associations de l’industrie de la construction ont créé la Coalition contre les retards de paiement dans la construction (ci-après « La Coalition ») afin de s’attaquer à cette problématique, dont les travaux se poursuivent à ce jour.

Par Me Mathieu Tremblay*

Forte d’une étude d’impact réa­lisée en 2015, concernant les délais de paiement (1), et de la recommandation 15 du rapport final de la Commission Charbonneau (2) qui conseillait de réduire les délais de paiement aux entrepreneurs en construction, la Coalition a effectué une multitude de démarches auprès des donneurs d’ouvrage publics et du gouvernement afin que soient adoptées des mesures législatives ou réglementaires pour remédier aux retards de paiement.

En réponse à ces démarches, le 18 juillet 2018, le gouvernement publiait l’Arrêté 2018-01 du Président du Conseil du trésor concernant un projet pilote visant à faciliter le paiement aux entreprises parties à des contrats publics de travaux de construction ainsi qu’aux sous-contrats publics qui y sont liés (ci-après « projet pilote »). Ce projet prévoyait différentes dispositions qui se résument essentiellement en deux grandes nouveautés : un calendrier de paiements à dates fixes et le recours à un intervenant-expert pour régler les litiges en cours d’exécution des travaux, qui doit être choisi dans le répertoire des intervenants-experts de l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ).

Un projet échu

Le projet pilote, d’une durée de trois ans, est arrivé à échéance le 2 août 2021. Afin de permettre au Conseil du trésor de rédiger son rapport, la Coalition, de même que l’IMAQ, devaient présenter leur rapport suivant l’échéance du projet pilote. Chaque partie devait également communiquer une reddition de comptes au Conseil du trésor à la fin de chaque contrat public soumis au projet pilote.



Ainsi, en septembre 2021, la Coalition, prenant en considération les suivis et consultations effectuées auprès des entrepreneurs dans les dernières années et les redditions de comptes reçues de ces entrepreneurs à la fin du projet, a déposé son bilan auprès du Conseil du trésor.

Les effets positifs

Il est constaté par l’industrie que le projet pilote a eu des effets positifs sur les délais de paiement et l’expérience s’est avérée en grande partie bénéfique. En outre, les constatations de la Coalition sont à l’effet que les contrats soumis au projet pilote se sont déroulés en général de manière plus efficace et harmonieuse que pour les contrats non visés. Le projet pilote a favorisé et accéléré les ententes entre les parties concernant les demandes de paiement et plus particulièrement le paiement des changements au contrat, en prévoyant des délais définis pour l’approbation de ces changements et la possibilité de mettre fin rapidement à tout litige pouvant intervenir durant l’exécution des contrats. De plus, l’assurance d’obtenir un paiement dans un délai déterminé a favorisé l’intérêt des entrepreneurs et des sous-traitants pour ces contrats.

Il est constaté par l’industrie que le projet pilote a eu des effets positifs sur les délais de paiement et l’expérience s’est avérée en grande partie bénéfique.

Vers des modifications

Bien que plusieurs effets positifs aient été constatés, le projet pilote ne pourrait cependant devenir une loi sans quelques modifications. Différentes propositions ont ainsi été soumises par l’industrie quant à l’applicabilité du projet pilote, notamment la possibilité d’appeler un tiers en garantie et de regrouper plus d’un différend lorsqu’une partie fait une demande à l’intervenant-expert, afin de clarifier spécifiquement que les travaux effectués suivant un ordre de changement, approuvé ou non, soient facturables à chaque mois et que des conséquences s’appliquent si les délais de paiement ne sont pas respectés.

Au moment d’écrire ces lignes, le rapport du Conseil du trésor n’a pas encore été publié. C’est avec enthousiasme et optimisme que l’industrie attend la publication, en début d’année 2022, de ce rapport qui lui permettra de poursuivre ses démarches en vue de s’approcher de l’objectif poursuivi depuis bientôt huit ans, celui d’un cadre législatif ou réglementaire permanent qui facilitera le paiement aux entrepreneurs et le règlement des différends.

* Me Mathieu Tremblay est avocat à l’ACRGTQ


(1) Étude d’impact des retards de paiement dans l’industrie de la construction au Québec, par Raymond Chabot Grant Thornton, 26 février 2015.
(2) Rapport final de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, novembre 2015.