MAGAZINE CONSTAS

Intelligentes, écologiques, autonomes: les routes du futur

Chercheurs et institutions pavent la voie

Des biomatériaux à la peinture luminescente, de la route énergétique à toiture solaire (ou à capteurs photovoltaïques) au revêtement en verre pilé à fluide caloporteur, la route se réinvente. À toute vitesse.

La construction et l’exploitation des routes posent plus que jamais des défis aux chercheurs sur la base des préoccupations environnementales et énergétiques, des lacunes de sécurité et de mobilité, incluant l’intelligence appliquée aux moyens de transport. Petit aperçu de ce que les chercheurs mijotent pour transformer nos routes et leurs usages dans le futur.

Par Jean Garon

Quand il est question de routes du futur, ça ne sous-entend pas celles d’un 22e ou d’un 23e siècle éloigné, mais plutôt celles de demain, au cours des prochaines décennies. Donc, des routes plus près des préoccupations et des avancées technologiques actuelles et en développement.

Qu’il s’agisse de nouveaux composants écologiques pour les matériaux constituant les chaussées, de méthodes de conception et d’entretien de routes, d’exploitation d’infrastructures routières sur le plan énergétique, de gestion intelligente de la circulation, y compris l’intégration des véhicules autonomes, voilà autant de domaines sur lesquels se penchent déjà les chercheurs dans le monde.

L’Europe à l’avant-garde

En Europe, par exemple, les chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français s’intéressent beaucoup au développement de bio-matériaux à base de micros-algues, moins polluants, pour remplacer les liants bitumineux à base d’hydrocarbures fossiles. L’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) s’y penche aussi dans le cadre du projet Algoroute, qui évalue la capacité de développement de micros-algues à l’échelle industrielle à cette fin.

Le réseau français TF1 rapportait récemment qu’une expérimentation a été menée aux Pays-Bas avec de la peinture luminescente sensible à la lumière solaire pour le marquage au sol, une lumière restituée la nuit pour éclairer les véhicules dans l’obscurité.

En lien avec la montée de l’électrification des transports routiers, un institut de recherche autrichien et des entreprises allemandes collaboreraient au développement d’un concept de toiture solaire transparente au-dessus des autoroutes. Celle-ci permettrait la production d’électricité pour les véhicules qui y circulent et pour l’éclairage des routes. Le même type de recherche est mené aux États-Unis et aux Pays-Bas (Solar Roadways et Solar Road), cette fois, avec des capteurs photovoltaïques sous une surface de chaussée en verre, même pour une piste cyclable.

Vision informatique et concept d’intelligence artificielle. La voiture autonome reconnaît les panneaux routiers.

 

L’IFSTTAR travaille de son côté sur le développement d’un revêtement en verre pilé semblable à du béton bitumineux, mais semi-transparent. L’Institut effectue aussi des tests sur un procédé qui transforme la route en pompe à chaleur. Ce procédé fait circuler sous la chaussée un fluide caloporteur permettant un échange de chaleur entre la chaussée et le sous-sol qui permettrait de refroidir la chaussée en été et de la réchauffer en hiver.

Quelques pistes d’exploration locales

À ce propos, soulignons le projet expérimental mené à Bromont par la firme Eurovia Québec avec des visées semblables sous nos climats nordiques. Son responsable des communications, Mathieu Rigot, précise que le projet Power Road teste les possibilités de déglaçage des routes, stationnements et trottoirs en béton, en plus de capter leur chaleur pour lutter contre les effets d’îlot de chaleur urbain. Une stratégie qui, de surcroît, offrirait une protection contre la fissuration et la pénétration du gel en profondeur.



Mentionnons, par ailleurs, qu’une étude de faisabilité sur des systèmes géothermiques permettant la fonte de neige et de glace sur les tabliers de ponts serait en cours à l’école Polytechnique de Montréal avec la professeure Pooneh Maghoul, en collaboration avec l’Université du Manitoba.

Pour sa part, la porte-parole de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Julie Robert, nous a rappelé le développement interne par l’équipe Clean Nature d’un outil intelligent en 2019 pour l’épandage de précision de produits de déglaçage sur les routes visant à réduire la pollution des écosystèmes d’eau douce.

L’avènement des routes intelligentes

De tout temps, les routes ont constitué des infrastructures essentielles pour soutenir les activités humaines. Plus que jamais, celles-ci devront répondre de façon intelligente à des impératifs de sécurité et de mobilité, ainsi qu’à l’intégration d’un nouveau type d’usager : le véhicule autonome.

À Transports Canada, les systèmes de transports intelligents (STI) combinent déjà diverses technologies de l’information et de la communication, comme les caméras, les systèmes de détection Bluetooth et les méthodes d’analyse avancées des données. Le ministère des Transports du Québec (MTQ) n’est pas en reste avec son projet de système de détection intelligent des distances de visibilité hivernale et de poudrerie.

Le magazine Natura Sciences évoquait déjà, en 2015, des recherches sur les possibilités de rendre intelligentes les routes du futur. Dans cette voie existe aussi le projet R5G de l’IFSTTAR, visant le développement de la route communicante capable d’autodiagnostiquer une déformation de la chaussée ou d’envoyer des informations sur le trafic routier.



Une année plus tôt, la France lançait le projet SCOOP@F impliquant 3 000 véhicules déployés sur 2 000 km de routes connectées. Le projet visait à expérimenter la voiture du futur par la collecte d’informations pour la gestion du trafic et les alertes liées aux accidents et aux chantiers. La prémisse de ce projet reposait sur l’idée que les systèmes de transport intelligents coopératifs permettent des échanges d’informations en temps réels entre véhicules et entre véhicules et infrastructures routières.

À Transports Canada, les systèmes de transports intelligents (STI) combinent déjà diverses technologies de l’information et de la communication, comme les caméras, les systèmes de détection Bluetooth et les méthodes d’analyse avancées des données. Ces systèmes permettent de rendre le réseau de transport plus sécuritaire et plus efficace. S’y ajouteront bientôt d’autres technologies de communication entre véhicules (V2V) et de communication véhicule-infrastructure (V2I), lesquelles pourront alerter les conducteurs des dangers devant eux (routes verglacées, accidents, freinage d’urgence, changement de feu de circulation, etc.).

Plus près de nous, le ministère des Transports du Québec (MTQ) n’est pas en reste avec son projet de système de détection intelligent des distances de visibilité hivernale et de poudrerie. Il est question de développement d’un système permettant de détecter en temps réel la présence de poudrerie sur les routes et d’évaluer la distance de visibilité afin de signaler le danger aux usagers de la route, et ce, de manière automatisée en amont des zones touchées. Un projet pilote a été réalisé à cette fin de décembre 2020 à avril 2021 à l’aide de différents capteurs et caméras de surveillance fonctionnant jour et nuit.

D’autres projets de recherche se poursuivent au MTQ, notamment en ce qui concerne les techniques de recyclage et de réutilisation des matériaux de chaussée en place. Selon la porte-parole Sarah Bensadoun, le Ministère collabore sur une base courante avec divers représentants de l’industrie, les producteurs et entrepreneurs, afin d’établir un cadre favorisant l’utilisation de ces techniques et une meilleure concertation entre les divers intervenants. ■