Infrastructures et changements climatiques
De la réaction à la prévention : le point avec le MTQ
Dossier Constas LA CONSTRUCTION À L’ÈRE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
« À terme, l’ensemble des travaux de réfection devrait permettre non seulement une mise à niveau mais aussi une adaptation des infrastructures, afin de les rendre résilientes. » – Julie Milot, de la Direction générale de la gestion des projets routiers et de l’encadrement en exploitation (MTQ)
De la conception à l’entretien, en passant par la réfection, l’adaptation aux changements climatiques influera dorénavant sur toutes les décisions du ministère des Transports du Québec.
Par Florence Sara G. Ferraris
Habitué d’être malmené par notre climat en dents de scie, le réseau d’infrastructures québécois subit depuis quelques années les nombreux contrecoups des changements climatiques. De plus en plus fréquentes et sévères, ces répercussions forcent par le fait même le ministère des Transports du Québec (MTQ), ses différentes directions et ses multiples partenaires à revoir l’ensemble de leurs pratiques ; de la conception à l’entretien, en passant par la réfection du parc d’infrastructures déployé sur l’ensemble du territoire. « L’adaptation aux changements climatiques teinte aujourd’hui l’ensemble de nos réflexions et décisions », avertit la coordonnatrice du Secteur Gestion des risques naturels et changements climatiques du MTQ, Caroline Ponsart.
Ainsi, depuis l’adoption du Plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques (PACC) et son renouvellement pour la période 2013-2020, les employés du MTQ, en concertation avec leurs vis-à-vis des ministères de l’Environnement et de la Sécurité publique notamment, veillent à développer de nouvelles connaissances pour mesurer adéquatement les impacts des changements climatiques sur les infrastructures du Québec. C’est de cette manière d’ailleurs que le Ministère a été en mesure d’identifier les quelque 250 kilomètres de route qui sont à risque au Québec.
Particularités régionales
Cette étape essentielle est cependant particulièrement complexe, notamment en raison des particularités géographiques et hydriques de chacune des régions de la province. Ainsi, les régions de l’est du Québec, comme le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, doivent apprendre à composer avec un rehaussement des eaux de plus en plus marqué, d’importants glissements de terrain et une érosion accélérée des berges. Pour leur part, celles du centre du Québec et de la région du Grand Montréal devront, au cours des prochaines années, adapter leur réseau à des crues printanières plus abondantes. « Chaque région doit s’adapter à une réalité différente, prévient Caroline Ponsart. Il faut donc garder en tête que, d’un bout à l’autre du Québec, les changements climatiques n’affectent pas les infrastructures de la même façon. On ne peut pas faire du mur-à-mur ! »
Plus encore, comme la situation climatique évolue rapidement, il demeure difficile d’agir en mode prévention partout, souligne sa collègue Frédérique Gosselin-Lessard, qui est ingénieure à la Direction de l’hydraulique. « Il faut savoir travailler rapidement parce que les conséquences sont parfois immédiates. »
Milieux à risque
À l’heure actuelle, ces dérèglements n’affectent toutefois pas de manière particulière l’octroi de contrats, le Québec disposant déjà d’un cadre réglementaire serré pour veiller à la protection des milieux sensibles. Par exemple, la protection des milieux humides et des cours d’eau est encadrée par différentes dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Dans un même ordre d’idée, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et la Commission de protection du territoire agricole posent des balises claires en ce qui concerne la préservation des terres agricoles de la province.
Différents partenariats, notamment avec des centres de recherche, ont ainsi été mis en place au cours des dernières années pour assurer un déploiement des meilleures pratiques disponibles.
« Tant le Ministère (lorsqu’il conçoit les projets à venir) que les entrepreneurs sur le terrain sont soumis à une série de normes afin de limiter les impacts sur l’environnement, indique Julie Milot, la directrice de l’environnement par intérim de la Direction générale de la gestion des projets routiers et de l’encadrement en exploitation. Ça implique un travail en amont – notamment pour obtenir l’ensemble des autorisations et permis nécessaires –, mais aussi tout au long du processus de construction pour éviter ou, au mieux, limiter au maximum les impacts sur le territoire, puis ensuite pour veiller à ce que perdurent des mesures d’atténuation. »
Infrastructures résilientes
Chose certaine, cet important travail sollicite l’ensemble des acteurs impliqués. Différents partenariats, notamment avec des centres de recherche, ont ainsi été mis en place au cours des dernières années pour assurer un déploiement des meilleures pratiques disponibles. Dans certains cas, cela implique d’ajouter plus de végétation ou des bassins de rétention, ou de faire davantage de tests en amont pour éviter de perturber les écosystèmes à proximité des travaux.
À terme, souligne Julie Milot de la Direction générale de la gestion des projets routiers et de l’encadrement en exploitation, l’ensemble des travaux de réfection devrait permettre non seulement une mise à niveau mais aussi une adaptation des infrastructures afin de les rendre résilientes. « Ce sera essentiel pour que notre réseau soit capable, à moyen terme, de durer dans le temps, malgré les multiples changements climatiques. » ■
Les apprentissages du nord
En raison des importantes variations de température et de la fragilité naturelle de leur écosystème, les territoires nordiques sont en ligne de front face à la crise climatique. Loin de faire figure d’exception, le nord du Québec subit depuis déjà plus d’une décennie les conséquences de ces aléas météorologiques, notamment en raison de la fonte accélérée du pergélisol, cette portion du sol qui est gelée en permanence dans les régions polaires. Pour pallier, explique la coordonnatrice aux changements climatiques pour le nord du Québec, Anick Guimond, le Ministère, en collaboration avec le Centre d’études nordiques de l’Université Laval et les différents acteurs de terrain comme les chargés d’entretien des zones aéroportuaires par exemple, collige depuis quelques années le plus d’informations possible sur ces changements. Ce travail de recherche a ainsi permis l’émergence de projets novateurs pour faciliter le drainage des eaux et éviter l’accumulation de neige sur les infrastructures, toujours dans le but de réduire les impacts d’une fonte accélérée.