Dossier Constas LA CONSTRUCTION À L’ÈRE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Hydro-Québec fait des changements climatiques un des enjeux de son Plan stratégique 2020-2024. Avec pour objectif l’élaboration d’un plan d’adaptation d’ici la fin de l’année, sinon au tout début de 2021.
L’heure n’est plus à se demander si le changement climatique est bel et bien en marche : le temps est venu de s’y adapter. Hydro-Québec s’y prépare en évaluant divers scénarios pour en réduire les risques sur ses actifs comme sur ses activités.
Par Marie Gagnon
1er novembre 2019. Des vents violents balaient le Québec, privant d’électricité plus de 900 000 foyers. Il s’agit de la pire panne depuis le verglas de 1998. Et ce ne sera pas la dernière. Car, si certains discutent encore les causes du réchauffement planétaire, ses éventuelles répercussions sur nos infrastructures font largement consensus. Si bien qu’Hydro-Québec scrute aujourd’hui ses modes de production et de distribution afin de composer avec les dérèglements climatiques annoncés.
Cette prise de conscience ne date cependant pas d’hier. Déjà, en 2016, dans son Rapport sur le développement durable, Hydro-Québec jugeait prioritaires les impacts du changement climatique sur ses activités. Histoire d’aller plus loin, la société d’État tenait en mai 2017 un atelier sur l’adaptation au changement climatique. Réunissant des experts d’Hydro-Québec et d’Ouranos, un consortium en climatologie régionale, cet atelier mettait en évidence la vulnérabilité du réseau hydroélectrique.
Enjeux stratégiques
Dans la foulée, Hydro-Québec faisait des changements climatiques un des enjeux de son Plan stratégique 2020-2024. Avec pour objectif l’élaboration d’un plan d’adaptation d’ici la fin de l’année, sinon au tout début de 2021. « Au début des années 2000, il y a eu une période où les précipitations étaient plutôt faibles et on se demandait si on allait avoir assez d’eau pour exploiter nos centrales, rappelle Frédéric Vigeant, conseiller principal en qualité de l’air à Hydro-Québec. Aujourd’hui, c’est plutôt le contraire. Mais on reste à la merci des aléas climatiques et ça va avoir des impacts sur nos activités. »
À commencer par des impacts positifs. Hydro s’attend en effet à ce que la hausse des précipitations se traduise par une capacité de production accrue. Conjuguée à une réduction de la pointe hivernale en raison de températures plus douces, cette hausse de la production donnera accès à de nouvelles occasions d’affaires sur les marchés extérieurs. De plus, comme le réchauffement du Québec est plus marqué en hiver, ses besoins de climatisation resteront toutefois faibles par rapport à ceux des États-Unis, où la demande connaît son pic en été.
À l’inverse, une hydraulicité accrue viendra compliquer la gestion des réservoirs, avec des pieds de crue devancés et des modifications éventuelles au profil des rivières. Pour leur part, les sécheresses causeront en été des étiages plus sévères. Sans compter la menace d’incendie qu’elles feront planer sur les forêts. Quant aux canicules, elles forceront la climatisation des centrales pour prévenir la surchauffe des équipements.
Activités optimisées
Pour préserver ses actifs, Hydro a donc entrepris d’optimiser ses façons de faire. « Nos installations doivent désormais répondre à des critères de performance plus élevés, signale le gestionnaire. Par exemple, pour la ligne Micoua-Saguenay, le tracé évite les zones d’amplification de givre. On a aussi sélectionné le diamètre des conducteurs en fonction des charges de vent et de verglas projetées. Habituellement, on se base sur un niveau de fiabilité établi pour une fréquence de tempête de 1 pour 50 ans; ici, on vise une fréquence de 1 pour 150 ans. »
Il ajoute que la perspective d’épisodes caniculaires plus sévères a également pesé dans le choix des conducteurs. Pour éviter leur dilatation sous l’effet de la chaleur et préserver un dégagement vertical sécuritaire, des fils d’une tolérance de 80°C ont été spécifiés, alors qu’une tolérance de 65°C était la norme jusque-là. Dans le même esprit, les pylônes ont été rapprochés et des pylônes anti-cascades ont été ajoutés au tracé.
En plus de protéger ses actifs, Hydro a aussi l’obligation de réduire son empreinte environnementale, notamment en matière de GES. « Dans nos projets, c’est surtout le déboisement qui produit des GES, précise M. Vigeant. Pour réduire nos émissions, soit qu’on construit une emprise moins importante, soit qu’on utilise un couloir existant. » C’est ainsi que la ligne d’interconnexion Appalaches-Maine chemine à 73 % dans un corridor existant. Et que les 262 kilomètres de Micoua-Saguenay partagent sur 120 kilomètres une emprise existante.
Entre-temps, le producteur et distributeur s’affaire à bien évaluer la demande, histoire de planifier son réseau en conséquence, et lorgne du côté des énergies renouvelables intermittentes. « En fait, on répond à une volonté gouvernementale en allant vers l’éolien et le solaire, rappelle Frédérik Aucoin, chef – Prévision de la demande à Hydro. Avec Ouranos et d’autres organisations, on observe actuellement les effets du changement climatique, notamment du givre, sur les éoliennes. On étudie également la façon d’intégrer les énergies intermittentes au réseau.» Le plan d’adaptation aux changements climatiques est prévu cette année. ■