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Direction générale des barrages (DGB) : sécurité et bonne gestion des risques

Entretien avec Jacques Thériault, directeur général de la DGB (MDDELCC)

Les interventions de la Direction générale des barrages ciblent principalement les barrages à forte contenance. Elle en compte 320 de ce type, dont une cinquantaine mécanisés, particulièrement assujettis à sa surveillance.

De l’irrigation à la navigation, en passant par la production d’énergie et l’approvisionnement en eau, les barrages jouent un rôle clé dans la gestion de l’eau partout dans le monde. Au Québec, où ils foisonnent, la Loi sur la sécurité des barrages a pour objet d’en assurer la sécurité et, par ricochet, de protéger les biens et les personnes contre les risques associés à leur exploitation.

Par Marie Gagnon

Jacques Thériault, directeur général, Direction générale des barrages, MDDELCC

Les premiers barrages sont apparus au cours de l’Antiquité. Les chroniqueurs de l’époque rapportent entre autres un barrage long de 115 mètres construit vers 3000 avant notre ère, dans la vallée de Garawi en Égypte. En Espagne, le barrage de Cornalvo, érigé en 130 par l’empereur romain Hadrien, est encore en fonction de nos jours. C’est dire que, depuis des temps immémoriaux, l’homme connaissait l’utilité de ces ouvrages pour tirer le meilleur de ses ressources hydriques.

Au fil du temps, leur rôle a toutefois évolué. Historiquement construits pour servir l’irrigation des cultures et l’approvisionnement en eau, les barrages répondent aujourd’hui à des usages plus vastes, comme la navigation, le contrôle des crues et la production d’énergie hydro-électrique. Au Québec, pas moins de 6 121 barrages publics et privés servent à ces fins, dont 755 relèvent directement du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC).

Loi et obligations

Au ministère, leur pérennité est assurée par la Direction générale des barrages (DGB), dont les activités sont encadrées par différentes lois, dont la Loi sur la sécurité des barrages (LSB). Cette loi impose notamment aux propriétaires de barrages à forte contenance un plan de contrôle et d’inspection globale. Celui-ci les oblige à réaliser des inspections annuelles, afin d’en assurer la conformité aux normes prescrites par la loi.

« La DGB faisait auparavant partie du Centre d’expertise hydrique, jusqu’à son abolition en 2015, commente son directeur général, Jacques Thériault. Depuis, elle relève directement du sous-ministre. Il s’agit d’une décision purement administrative. La DGB est elle-même scindée en deux unités administratives : la Direction de la maintenance et la Direction des opérations. »

La première est responsable des interventions visant à assurer la sécurité, la fonctionnalité et la pérennité du parc de barrages. Son rôle est d’en examiner l’état, notamment par le biais d’études et d’analyses pour évaluer leur comportement structural et leur fiabilité opérationnelle. La Direction de la maintenance a également pour responsabilités la réalisation et le suivi des interventions requises.

Quant à la Direction des opérations, elle est chargée des activités entourant la gestion des barrages saisonniers ainsi que de l’entretien léger. À ce titre, elle assure la régularisation des débits, voit à la mise en œuvre des actions recommandées par les ingénieurs de garde et réalise certaines interventions sur les sites, comme le contrôle de la végétation. C’est également cette direction qui assure la planification et la coordination des mesures d’urgence.

Le Barrage des Quinze Le barrage des Quinze a été modernisé au coût de 79 M$. Les principales interventions ont consisté à améliorer sa capacité structurale et à éliminer le risque de rupture. Les travaux visaient également à réhabiliter la route 391, qui sillonne sa crête. CR : MDDELCC

Interventions et moyens

Pour mener à bien sa mission, la DGB a élaboré, en 2016, un plan quinquennal pour la résorption du déficit d’entretien. « Ce plan comprend soixante-douze projets découlant des problématiques répertoriées à cette époque, précise Jacques Thériault. En plus de ce plan de rattrapage, on réalise annuellement une programmation décennale des travaux majeurs. Finalement, une planification annuelle des entretiens préventifs et correctifs est élaborée, puis mise à jour en continu. »
Il ajoute que, à la suite de l’adoption du budget de mars 2018, la DGB sera désormais en mesure de consacrer environ 1,5 millions de dollars par année à leur entretien. À cela s’ajoutent des investissements annuels d’environ 20 millions$ pour la réalisation du plan de rattrapage, de même qu’un budget de fonctionnement de 1,5 million $ par année.

Les interventions de la DGB ciblent principalement les barrages à forte contenance, puisque ces ouvrages représentent généralement un niveau de risque plus élevé. La DGB est en effet responsable de 320 de ces barrages, dont une cinquantaine sont mécanisés. Ces derniers nécessitent plus d’interventions en raison de la présence d’équipements mécaniques et électriques.

Un exemple étonnant de pérennité. Le barrage de Cornalvo, en Espagne, est toujours en fonction près de 2000 ans après sa construction. CR : Wikipédia.

Programmation et mesures d’urgence

« Il est difficile d’identifier de façon précise les prochains travaux majeurs, indique le gestionnaire. Même si les travaux sont programmés quelques années d’avance, de nombreuses contraintes, comme les ressources disponibles, les particularités techniques, l’obtention des autorisations nécessaires et l’évolution du cadre législatif et réglementaire, sont susceptibles d’en retarder l’exécution. »

En règle générale, les travaux suivent la programmation établie. Toutefois, la DGB est en mesure de modifier cette programmation lorsque les travaux sont jugés urgents pour assurer la sécurité des personnes et des biens en aval d’un barrage. Comme ce fut le cas au barrage des Quinze, situé au confluent de la rivière des Outaouais et du réservoir des Quinze en Abitibi-Témiscamingue, dont la réfection amorcée en 2010 a nécessité des investissements de 79 millions de dollars.
Cet ouvrage, mentionne Jacques Thériault, joue un rôle essentiel dans le contrôle des inondations dans les régions de Gatineau et de Montréal. Il sert aussi à maintenir les débits en aval lors des étiages sévères, dans les rivières des Outaouais et des Mille-îles, et à soutenir la production hydro-électrique des centrales situées en aval. Sa mise à niveau, qui s’achèvera en octobre, visait surtout à rehausser sa capacité structurale.

Avec 3 % des réserves d’eau douce de la planète, 3,6 millions de plans d’eau et des dizaines de milliers de rivières, sans oublier le fleuve Saint-Laurent, le Québec jouit d’un privilège incontestable. C’est pourquoi, à travers sa Stratégie québécoise de l’eau 2018-2030, le gouvernement du Québec reconnaît le rôle central de la ressource hydrique dans l’économie québécoise et réaffirme son intention de prévenir les risques qui y sont associés, tout en misant sur son potentiel économique dans une perspective de développement durable. •


Le parc de barrages du MDDELCC

Forte contenance : 319
Faible contenance : 203
Petits barrages : 233
Sont considérés comme des barrages à forte contenance les barrages d’une hauteur d’au moins 1 m dont la capacité est supérieure à 1 000 000 m3; les barrages d’au moins 2,5 m dont la capacité de retenue est supérieure à 30 000 m3 et les barrages d’une hauteur minimale de 7,5m, sans égard à leur capacité de retenue.