MAGAZINE CONSTAS

Retour sur la Société québécoise d’assainissement des eaux

La SQAE de 1980 à aujourd'hui

Grâce à la SQAE, des gestionnaires expérimentés ont accompagné les municipalités dans la mise en œuvre de leurs projets. ­­­– Marc-André Desjardins

Le gouvernement de René Lévesque a jugé nécessaire, vers la fin de son premier mandat, de créer en 1980 la Société québécoise d’assainissement des eaux (SQAE), une société d’État, afin d’assister les municipalités du Québec dans la réalisation et le financement de leurs ouvrages d’assainissement des eaux usées.

Par Jean Brindamour

L’objectif ? « Supporter les municipalités dans la réalisation des projets (financièrement et techniquement) et permettre d’avoir un financement des projets via le gouvernement du Québec et non par les municipalités, commente Janick Lemay, ingénieur et directeur du département de traitement des eaux chez Tetra Tech QI inc. (Division Municipal – Eau). La SQAE prenait en charge la totalité du projet, incluant la gestion de projet, et permettait aux municipalités de bénéficier d’une expertise. »

Marc-André Desjardins, président sortant de Réseau Environnement et Vice-président, Division Environnement pour Axor Experts Conseil.

Marc- André Desjardins, spécialisé en épuration des eaux usées, président de Réseau Environnement de 2015 à 2017 et, depuis 2002, vice-président, Division Environnement pour Axor Experts Conseil, commente à son tour la création de la SQAE : « À ma connaissance, vu l’ampleur du programme d’assainissement que le gouvernement entreprenait, il y avait une volonté de mettre en place un organisme de gestion au service des municipalités participantes afin de coordonner et de gérer les enveloppes financières mises à la disposition desdites municipalités pour réaliser leurs projets.  Cette initiative était tout à fait appropriée car peu de municipalités (sauf éventuellement les grandes villes) avaient les compétences et l’expertise nécessaires pour gérer ces projets de grande complexité. Grâce à la SQAE, des gestionnaires expérimentés ont accompagné les municipalités dans la mise en œuvre de leurs projets, en appliquant une méthodologie adaptée à chacune des situations. À cette époque, les honoraires des professionnels (ingénieurs, architectes, etc.) étaient fixés suivant des barèmes préétablis, ce qui assurait des services de qualité rendus au juste prix.  Malheureusement, depuis plusieurs années, la sélection des professionnels est grandement influencée par le prix soumis en raison de l’obligation, pour les municipalités, de baser leur sélection sur une formule mathématique intégrant le score technique des propositions soumises et le prix (avec un poids très prépondérant pour le prix).  En conséquence, trop souvent, les mandats sont attribués à des firmes dont la compétence est parfois marginale mais qui pratiquent une politique de prix coupés qui, au final, ne sert aucunement l’intérêt des municipalités. »

« Sous l’égide de la SQAE, le Québec a effectué un rattrapage considérable en matière d’assainissement des eaux usées.  Parallèlement, avec les différents programmes de financement qui ont été mis en place par le gouvernement du Québec, à commencer par le Programme d’Assainissement des Eaux du Québec (PAEQ), c’est toute une industrie qui s’est construite au Québec dans ce domaine.  L’expertise acquise grâce à ces programmes a permis à plusieurs firmes de consultants d’exporter par la suite leur savoir-faire à l’extérieur du Québec. »

La SQAE a été dissoute le 1er juillet 2011, date à laquelle les droits et obligations de la Société ont été transférées au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire. « Dans les faits, explique Janick Lemay, le travail de la SQAE s’est terminé autour de 1996. Depuis 1996, ce sont les municipalités qui ont la responsabilité de réaliser leur projet. » Pourquoi le gouvernement Charest a-t-il décidé d’abolir définitivement cette société d’État ? «  La majorité des projets d’assainissement, répond M. Lemay, était terminé et le gouvernement a voulu responsabiliser les municipalités de façon plus importante. » On peut donc y voir de la part de Québec, une volonté de décentralisation.

Le fleuve Saint-Laurent devra être mieux protégé par les déversements d’eaux usées que par le passé. Ici son croisement avec Montréal.

 

Dans quelle mesure, de 1980 à 2011, la SQAE s’est-elle acquittée de son mandat ? « Il n’y a qu’à comparer le volume total d’eaux usées qui était traité en 1980 avec le niveau atteint en 2011, signale Marc-André Desjardins.  Je n’ai pas les chiffres précis avec moi mais l’écart est considérable.  Sous l’égide de la SQAE, le Québec a effectué un rattrapage considérable en matière d’assainissement des eaux usées.  Parallèlement, avec les différents programmes de financement qui ont été mis en place par le gouvernement du Québec, à commencer par le Programme d’assainissement des eaux du Québec (PAEQ), c’est toute une industrie qui s’est construite au Québec dans ce domaine.  L’expertise acquise grâce à ces programmes a permis à plusieurs firmes de consultants d’exporter par la suite leur savoir-faire à l’extérieur du Québec.

La majorité des stations au Québec est du type étangs aérés et leur mise à niveau nécessitera l’aide de nouvelles technologies. »
Janick Lemay

La station d’épuration des eaux usées Jean-R. Marcotte, située sur la pointe est de l’île de Montréal, est la troisième plus grosse au monde. CR : Ville de Montréal.

Et l’avenir ?

« Au cours des 30 dernières années, selon Janick Lemay, la très grande majorité des projets d’assainissement ont été
réalisés. Depuis 2012, un nouveau règlement fédéral (et son pendant québécois) est entré en vigueur et une nouvelle vague de travaux est déjà amorcée pour rencontrer ce règlement. La majorité des stations au Québec est du type étangs aérés et leur mise à niveau nécessitera l’aide de nouvelles technologies. Les technologies ont évolué au fil des années et les coûts ont suivi les augmentations de l’IPC [l’indice des prix à la consommation]. Ces nouvelles technologies vont permettre d’améliorer les performances et la capacité des stations existantes. Les prochains défis porteront principalement sur le respect de la nouvelle réglementation qui inclut également un volet de réduction de débordement des réseaux ainsi qu’une amélioration de la performance des stations d’épuration. » •