Paver la voie entre Terre-Neuve et le Labrador
Un projet de corridor à explorer
Un lien fixe terrestre entre le Québec et le Labrador permettrait la circulation de marchandises d’un bout à l’autre du pays, conditionnellement au prolongement de la route 138, qui s’arrête actuellement à Kegaska sur la Basse-Côte-Nord.
Une étude sur la préfaisabilité d’un lien souterrain entre St.Barbe à Terre-Neuve et Blanc-Sablon au Labrador a été dévoilée en avril dernier par le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Dwight Ball, la députée libérale du Labrador, Yvonne Jones et le ministre des Transports et des Travaux de Terre-Neuve-et-Labrador, Steve Crocker. Une quinzaine de kilomètres séparent St. Barbe de Blanc-Sablon et pour l’instant, seul un service maritime dessert les deux rives, mais la situation serait amenée à changer avec la construction d’un tunnel ferroviaire sous le détroit de Belle Isle. Entretien avec le directeur des communications du Département des Transports et Travaux de Terre-Neuve-et-Labrador, Brian Scott.
Par Magalie Hurtubise
La firme Hatch Mott MacDonald indique dans une étude publiée au printemps dernier qu’une option envisageable serait de construire un tunnel ferroviaire d’une voie à vingt mètres sous le fond marin du détroit de Belle Isle. Cette voie souterraine d’une trentaine de kilomètres serait en mesure d’assurer un transport quotidien de véhicules et de marchandises entre Point-Amour et Yankee Point. Le traversier MV Apollo est actuellement l’unique liaison possible entre Blanc-Sablon et St. Barbe.
«Le rapport dévoilé en avril dernier estime que si l’option de liaison privilégiée identifiée devait être construite, le trafic dans le futur atteindrait son maximum à environ 4 000 véhicules par jour. La capacité actuelle du traversier est de 240 passagers et de 120 véhicules passagers. Actuellement, le service de traversier dans le détroit de Belle Isle transporte environ 50 000 véhicules par année», explique le directeur des communications.
L’idée d’un tunnel sous-terrain entre Terre-Neuve et le Labrador ne date pas d’hier, même qu’il en était déjà question il y a près de cinquante ans.
L’idée d’un tunnel sous-terrain entre Terre-Neuve et le Labrador ne date pas d’hier, même qu’il en était déjà question il y a près de cinquante ans. Le projet de tunnel a refait surface en 2004 lorsqu’une étude de préfaisabilité est parue. Le projet est resté en suspens avec le changement de gouvernement, mais avec la mise à jour de l’étude de préfaisabilité de 2004 sortie en avril dernier, le projet suscite de nouveau la curiosité.
Le projet de tunnel sous-fluvial est estimé à 1,7 milliards de dollars et quinze ans seraient nécessaires pour le construire selon la même étude, mais encore faut-il qu’une étude plus approfondie soit mise en place dans l’éventualité où le gouvernement donne le feu vert au projet.
«Il est trop tôt pour dire si c’est le bon moment pour entreprendre un tel projet. Nous avons terminé la mise à jour nécessaire de l’étude de préfaisabilité de 2004 pour tenir compte des nouvelles données géologiques et techniques. L’étape suivante consiste à examiner le rapport en profondeur et à en discuter avec les gouvernements du Québec et du Canada pour savoir si nous allons procéder à une étude de faisabilité complète du concept», ajoute M. Scott.
Les retombées
Le rapport «Vital Signs» publié l’an dernier par l’Université Memorial dresse un portrait peu rassurant du marché de l’emploi et de la santé économique à Terre-Neuve. Dans cette étude, moins de la moitié de la population terre-neuvienne se sent dans une situation d’emploi stable, un pourcentage en-dessous de la moyenne des Maritimes.
«Nous avons effectué une analyse économique préliminaire qui montre que les emplois dans la région de Port aux Basques migreraient vers la péninsule du Nord et vers les détroits», indique M. Scott, ajoutant qu’il apparaît encore tôt pour évaluer les réels impacts économiques et sociaux que pourrait avoir ce projet d’infrastructure majeur à l’échelle canadienne et provinciale.
«Un tel projet exigerait certainement des niveaux importants de considération dans toutes sortes de domaines impliquant une expertise technique. Par exemple, le rapport de préfaisabilité a estimé qu’il faudrait plusieurs années pour terminer les travaux d’ingénierie et de conception avant le début de la construction. Il y aurait certainement des considérations environnementales et liées aux ressources à discuter à tous les paliers de gouvernement avant de procéder», soutient le directeur des communications.
Et la route 138?
Le premier ministre québécois Philippe Couillard et son homologue Dwight Ball se sont rencontrés dans la Belle Province plus tôt cette année pour discuter de ce projet.
Un lien fixe terrestre entre le Québec et le Labrador permettrait la circulation de marchandises d’un bout à l’autre du pays, conditionnellement au prolongement de la route 138, qui s’arrête actuellement à Kegaska sur la Basse-Côte-Nord.
«Les deux gouvernements ont convenu en juillet 2017 d’explorer les possibilités de développement économique et communautaire le long de la frontière commune des deux provinces, ce qui comprend le développement de la fosse du Labrador et l’élargissement de la route 138 sur la Basse-Côte-Nord du Québec. En tant que lien fixe, ce prolongement aurait le potentiel de créer un nouveau corridor de transport permettant de nouvelles opportunités pour les entreprises et les résidents», affirme M. Scott.
Il est actuellement dans les plans du gouvernement libéral québécois, tel que prévu dans le budget Leitão, de prolonger la route 138, qui s’arrête pour l’instant à Kegaska et reprend son cours à Vieux-Fort sur 70 km jusqu’à Blanc-Sablon. •