MAGAZINE CONSTAS

10 ans de relations du travail

Domaine génie civil et voirie. La participation déterminante de chacun

Depuis dix ans, CONSTAS observe l’évolution de l’industrie de la construction dans le secteur génie civil et voirie. Une évolution où l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) a toujours été porteuse de solutions selon une approche des relations du travail basée sur la négociation constructive. Maître Christian Tétreault, directeur du service des relations du travail et des affaires juridiques, fait le point.

par Michel Joanny-Furtin

Mandataire de la négociation, de l’application et du suivi de la convention collective du secteur génie civil et voirie de l’industrie de la construction, l’ACRGTQ représente à ce titre plus de 2500 employeurs qui embauchent plus de 40 000 salariés notamment vis-à-vis les différentes associations représentatives de l’Industrie. « De plus, elle défend également les intérêts des employeurs du secteur génie civil & voirie de l’industrie de la construction auprès des donneurs d’ouvrage et des organismes règlementaires en offrant entre autres des services essentiels au bon déroulement des chantiers du Québec », rappelle Me Tétreault.

« En abolissant le « placement syndical », l’employeur récupérait pleinement son droit de gérance pour engager l’employé de son choix », explique Christian Tétreault.

« L’abolition du placement syndical et le projet de loi 33 ont été de gros morceaux en termes d’impact sur notre industrie», raconte-t-il. « Ces ajustements et modifications ont changé nos façons de faire notamment en ce qui concerne le processus d’embauche de la main-d’œuvre. Le gouvernement avait précédemment créé le Groupe de travail sur le fonctionnement de l’industrie de la construction pour recueillir les commentaires de divers intervenants et faire des recommandations auprès de Lise Thériault, ministre du Travail, qui ont mené à l’adoption de cette loi en décembre 2011.

« En abolissant le « placement syndical », l’employeur récupérait pleinement son droit de gérance pour engager l’employé de son choix», explique Christian Tétreault. « Cette loi a permis ainsi à la Commission de la construction du Québec (CCQ), de mettre en place le Service de référence de main-d’œuvre, une plateforme de sélection des employés à partir d’une liste. Un comité, formé de Claudette Carbonneau, Matthias Rioux et Jean Cournoyer, avait ensuite eu le mandat d’évaluer ce nouveau système de référence implanté par la CCQ ».

Une nouvelle approche…

« À l’ACRGTQ, poursuit-il, le projet de loi a modifié également nos façons de faire en termes de négociation de la convention collective, comme la prolongation des ententes de 3 à 4 ans. De plus, ce même projet exigeait la consultation des donneurs d’ouvrage ou de leurs représentants avant l’exercice de la négociation, ce que l’ACRGTQ faisait déjà dans une certaine mesure. En parallèle, ce même projet de loi retirait des mains des parties négociatrices, la destinée d’une des richesses de notre industrie, un outil sans doute unique au monde : le Fonds de formation de la main-d’œuvre de l’industrie de la construction, relevant des associations patronales et syndicales », regrette Me Tétreault. Ce fonds était né de l’initiative des parties négociatrices de créer un organisme afin de répondre adéquatement aux besoins de perfectionnement de la main-d’œuvre de l’industrie. «Or, désormais, ce fonds relève de la CCQ, auprès de laquelle les acteurs de l’industrie doivent se référer pour planifier et financer leurs besoins en formation. »

De plus, l’ACRGTQ détient la responsabilité patronale du secteur génie civil et voirie. Or, les relations du travail, depuis plus de 10 ans, sont très cordiales entre les travailleurs, leurs associations syndicales, et les employeurs du secteur. « Les relations avec les associations syndicales, souligne Me Tétreault, ont toujours été respectueuses, ce malgré les différends de nos positions respectives lors des négociations de la convention collective».

Toutefois, malgré les efforts et la bonne foi des partenaires de l’industrie, la dernière ronde de négociation a été particulièrement difficile. « En effet, l’échec des négociations a mené à une loi spéciale adoptée fin mai par l’Assemblée nationale. Pour une première fois dans notre secteur, le gouvernement a dû légiférer pour faire cesser les moyens de pression sur les chantiers en incluant un processus obligatoire de règlement des différends. Mais l’ACRGTQ, sans perdre de temps, en est venue à une entente de principe sur les clauses générales, tant normatives que monétaires en juillet dernier. » Au moment d’aller sous presse, les discussions se poursuivent afin d’en venir à une entente relativement aux clauses particulières.

… et des relations efficaces

L’ACRGTQ considère le maintien des conventions sectorielles comme essentiel au bon fonctionnement de l’industrie. Ainsi, « depuis 1996, explique Christian Tétreault, le secteur génie civil et voirie s’est toujours entendu sans loi spéciale avec la partie syndicale à chacune des négociations sectorielles, n’essuyant que quelques jours de grève en 20 ans. Il faut le rappeler, depuis 10 ans, l’ACRGTQ a participé à quatre rondes de négociations. Au fil de ces rondes, on observe que la négociation s’est complexifiée. La réalité des travailleurs et les façons de faire sur les chantiers ont beaucoup changé au fil du temps, comme la conciliation travail-famille, une considération importante maintenant dans le cadre d’une négociation. » L’ACRGTQ et l’Alliance syndicale poursuivront leurs négociations pendant encore quelques semaines. L’ACRGTQ a bon espoir de parvenir à une entente négociée avant le 30 octobre 2017, soit la date limite avant la période d’arbitrages imposés par la loi spéciale du 30 mai dernier.
Par ailleurs, le gouvernement du Québec souhaitait marquer un changement majeur en nommant Diane Lemieux comme présidente-directrice générale de la CCQ en 2011. En effet, on lui confiait alors le mandat de gérer « avec rigueur et transparence » l’application de la Loi R-20, soit la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, à la CCQ. Plusieurs changements ont été adoptés par la CCQ pour accroître la conformité des conventions collectives à la Loi R-20, pour modifier les pratiques sur les chantiers et aussi améliorer l’indépendance de la CCQ. « C’est avec grand enthousiasme que l’ACRGTQ collabore avec la CCQ », rappelle Christian Tétreault. « La participation de chacun est déterminante. »

Une implication plus directe

Active à relever la qualité de ses services aux donneurs d’ouvrage, notamment dans le cadre de projets éloignés, il est utile de rappeler que « l’ACRGTQ, ces dernières années, a innové dans son implication en plaçant sur le terrain un spécialiste dédié au grand chantier de La Romaine d’Hydro-Québec. De la sorte, sur place, l’ACRGTQ agit en amont et directement face aux situations problématiques qui pourraient venir briser l’harmonie nécessaire à la vie et aux travaux de chantier. » Cette approche in situ a toute chance de devenir un exemple à suivre.

La place des femmes

L’ACRGTQ est également fière de promouvoir l’accès des femmes aux métiers de la construction. De récentes statistiques démontrent une croissance du nombre de femmes dans l’industrie. Plus lente que prévu, cette croissance est tout de même très intéressante. La CCQ parle d’une augmentation très respectable de 33% entre 2015 et 2016. Depuis le 12 décembre 2016, quatre nouvelles mesures ont été adoptées par le gouvernement pour augmenter le nombre de femmes sur les chantiers au Québec. Des mesures qui accélèrent la délivrance d’un certificat de compétence pour les femmes diplômées, et facilitent l’accès des non diplômées à l’apprentissage en chantier. Ces mesures permettent aussi aux compagnons de superviser une apprentie de plus que prévu. En outre, ces mesures assouplissent les règles pour qu’une femme titulaire d’un certificat de compétence puisse travailler hors de sa région de domicile plus rapidement.

Regard sur l’avenir
Pour l’ACRGTQ, le plus grand défi sera certainement de contribuer à redéfinir la structure de négociation. Trop souvent, le secteur Génie civil et voirie a fait les frais des problématiques vécues dans les négociations des autres secteurs. « Cela a été le cas cette année comme il y a 4 ans, notre secteur est pris en otage par les conflits vécus aux autres tables de négociation et c’est clair que l’ACRGTQ devra soulever cette problématique auprès du législateur », insiste Christian Tétreault.

D’autres défis s’amorcent également comme « la révision du régime de base d’assurance collective afin d’en assurer la pérennité, car il est d’une importance capitale, notamment pour la rétention de la main- d’œuvre », affirme-t-il. « S’ajoute en parallèle et conséquemment la modernisation du régime de santé sécurité, un dossier récurent dans le milieu de la construction », avance Me Tétreault en concluant : «Nous aurons également à réfléchir sur les juridictions de métiers, dans l’objectif d’accroître leur polyvalence et leur flexibilité. » •