L’union fait la force
Un écosystème en construction
Le 27 mai 2016, dans le cadre de la campagne Prospérité Québec, le Conseil du patronat du Québec (CPQ), en collaboration avec certaines associations et entreprises de l’Industrie, a offert au milieu de la construction et à tous ceux concernés par la prospérité du Québec un document de 82 pages, intitulé Étude sur l’écosystème d’affaires de la construction au Québec. Pour en parler, nous avons rencontré deux des maîtres d’œuvre de cette étude, Louis J. Duhamel, conseiller stratégique chez Deloitte, et Benjamin Laplatte, directeur principal – affaires publiques et développement corporatif au CPQ.
Par Jean Brindamour
«On a eu longtemps tendance à avoir une vue réductrice du secteur de la construction, souligne d’emblée Louis J. Duhamel. La chaîne de valeur comprend la planification, la conception, la construction, la rénovation et même la démolition. Et de nombreux acteurs sont impliqués : les entrepreneurs généraux, le commerce de détail, les fournisseurs de matières premières, les fabricants de matériau, la distribution, les donneurs d’ouvrage publics ou privés, les assureurs, les ingénieurs, les services professionnels, comme nous chez Deloitte. » « Sans oublier les milieux de la finance, ajoute Benjamin Laplatte, de l’assurance, les services de génie, le monde de l’éducation, le monde de la recherche. »
« Il y a un autre mythe à déboulonner, indique Louis Duhamel. Le secteur de la construction a longtemps été vu comme un secteur local. C’est en train de changer.»
« Les différents intervenants ont eu longtemps tendance à travailler en silo, reprend M. Duhamel. C’est la première fois que ça se faisait de réunir tout ce monde » « Il ne s’agit pas d’un milieu clos, explique M. Laplatte. Plusieurs associations représentent l’Industrie. Mais elles travaillent surtout sur la réglementation, l’organisation du travail, les relations du travail. Ça les occupe beaucoup. Et ils ont trop peu de temps à donner aux enjeux touchant l’innovation et la productivité. Cela ne veut pas dire que ces enjeux soient laissés de côté, mais ils sont étudiés dans des centres de recherche, dans des instituts. C’est très inégal. Il n’y a pas de leadership affiché. Il n’y a pas de forum pour les enjeux d’innovation ou de productivité. »
Le mot « écosystème » renvoie à une caractéristique de l’Industrie. La construction est en effet l’un des secteurs d’activités qui crée le plus d’activité économique par son large éventail de secteurs impliqués. Mais cette industrie a plusieurs défis à relever. L’étude nomme quatre tendances de fond : la mondialisation, source à la fois d’opportunités et de menaces; le déficit de main-d’œuvre qualifiée; l’importance de l’innovation technologique et l’importance du développement durable, les considérations environnementales ayant tendance à se standardiser. Il existe toutefois des faiblesses propres au Québec qu’il est essentiel de corriger : réglementation trop lourde, innovation insuffisante, faible taille des entreprises. Les solutions ? Il est nécessaire selon cette étude de regrouper les acteurs de l’écosystème, à l’image des grappes industrielles, afin d’améliorer les synergies; et de miser sur l’innovation, tout en adaptant le cadre réglementaire aux nouvelles réalités de l’écosystème. Mais avant tout, il faut doter le Québec d’une stratégie structurante qui favorise la compétitivité, l’innovation et les exportations et se donner les moyens de la mettre en œuvre.
« Il y a un autre mythe à déboulonner, indique Louis Duhamel. Le secteur de la construction a longtemps été vu comme un secteur local. C’est en train de changer. La mondialisation est une opportunité pour les entreprises québécoises. Les entreprises étrangères qui viennent chez nous apportent leurs façons de faire, des nouvelles technologies. Les nôtres utilisent de plus en plus des technologies de pointe. Mais on est pressé par le temps. Il faut s’adapter. Qu’on pense à l’accord de libre-échange avec l’Europe. On ne peut plus se contenter de notre productivité actuelle ! Les solutions, on les connaît : il faut investir dans la formation de la main-d’œuvre, dans l’innovation. »
Le Québec ne manque pas d’atouts. « Le secteur de la construction est un secteur exceptionnel, juge Louis Duhamel. La tour Deloitte à Montréal est une des constructions les plus sophistiquées au monde. Le nouveau stade des Falcons d’Atlanta est construit par des Québécois. On est innovant. On est capable de faire partie des meilleurs. Ce qu’a fait le CPQ est extraordinaire. On s’est assis autour d’une grande table pour créer… une grappe, un pôle d’excellence, un créneau ou quel que soit le nom qu’on lui donne. L’idée est de s’unir, de travailler sur le plus grand dénominateur commun. C’est ça la force du projet du CPQ : établir un plan de match et le développer. Il faut corriger ce qui pourrait nuire à cet objectif. Le cadre réglementaire par exemple doit travailler pour le secteur de la construction. »
« Un des volets de la campagne Prospérité Québec est d’aller à la rencontre des décideurs, des entrepreneurs, des chambres de commerce et de la communauté d’affaires, de connaître ainsi leurs enjeux spécifiques et faire valoir leur potentiel de développement économique. Nous avons, jusqu’à maintenant, effectué six tournées régionales où nous avons identifié et dévoilé deux ambassadeurs régionaux de la campagne Prospérité Québec, dont la mission est de prendre un engagement concret pour améliorer la prospérité de leur région et inviter d’autres gens d’affaires à faire de même. En 2017, nous poursuivrons et terminerons cette première vague de tournées régionales. Parallèlement, le CPQ continue à entretenir et à alimenter un blogue avec des intervenants de renom et des portails régionaux sur un site Internet dédié; en plus de réaliser une série d’études ayant en commun de s’intéresser à des vecteurs de prospérité, comme la construction. »
« Le rôle de la CPQ, renchérit Benjamin Laplatte, est d’agir comme fédérateur. C’est un appel qu’on a fait. Si on reconnaît l’existence d’un écosystème, il convient de mieux l’utiliser. L’aérospatial a sa stratégie. Il n’y a jamais eu de plan d’action pour l’industrie de la construction. » « On tenait cette industrie pour acquise, reconnaît Louis Duhamel; aujourd’hui on est conscient que l’union fait la force. » •