Pour une reprise économique sécuritaire
Entretien avec le ministre du Travail, Jean Boulet
Entretien du 7 septembre 2020
Le retour au travail sur les chantiers,
est-ce que ça s’est bien passé ?
Totalement. – Jean Boulet
Par Jean Brindamour
Jean Boulet, avocat de formation, a été élu à l’Assemblée nationale du Québec, aux élections provinciales de 2018, député de Trois-Rivières sous la bannière de la Coalition avenir Québec (CAQ). Le 18 octobre 2018, il a été nommé ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS) et ministre responsable de la région de la Mauricie. Constas s’est entretenu avec lui le 7 septembre dernier, jour de la fête du Travail 2020.
Q. Monsieur le ministre, la décision de fermer les chantiers en mars dernier, aussi justifiée soit-elle, a fait mal à l’industrie de la construction. À votre avis, est-ce que le Québec risque de subir un autre épisode aussi difficile ?
R. Est-ce qu’on risque un autre épisode de confinement ? Le nombre de cas augmente constamment depuis un certain nombre de jours. Il faut parvenir à diminuer du mieux qu’on peut les impacts négatifs d’une éventuelle seconde vague. Si j’ai quelque chose à souligner, aujourd’hui, à l’occasion de la fête du Travail, c’est la discipline, l’engagement et la volonté des travailleurs et des entrepreneurs de respecter ces normes sanitaires.
Q. Un mot sur les efforts de votre gouvernement en matière de SST. Le MTESS a-t-il eu son mot à dire sur le Guide COVID-19 – Chantiers de construction ?
R. Au Québec, on a fait les choses de manière proactive. Au début de la pandémie, on avait des impératifs sanitaires; on a travaillé beaucoup en collaboration avec la Santé publique. Je suis intervenu en amont, en formant avec la CNESST et la Santé publique, ce que j’appelle un comité tactique, composé d’acteurs syndicaux et patronaux. Je leur ai demandé de travailler à l’élaboration de normes sanitaires qui soient spécifiques au secteur de la construction, avec ses particularités et les enjeux découlant de la distanciation physique, la désinfection des lieux de travail, le lavage des mains, etc. Ce comité tactique se rencontrait à toutes les semaines. Moi, j’avais des conférences téléphoniques hebdomadaires avec les acteurs patronaux et syndicaux.
Q. Les normes sanitaires ont un caractère impératif. Jusqu’à quel point les acteurs de l’industrie de la construction ont-ils pu être consultés ?
R. Ils ont été consultés non seulement sur les normes à appliquer, mais sur les paramètres de ces normes. Avec la Santé publique, la CNESST, les acteurs syndicaux et patronaux, on s’est assuré de la nature et des conditions dans lesquelles, par exemple, le masque et la visière devaient être portés. Ce sont des nouveaux paradigmes. C’est très important de dialoguer.
Q. Les consignes sanitaires sont-elles respectées en général ?
R. J’ai pu constater dans toutes les régions du Québec un haut niveau de discipline de la part des citoyens. Les pharmacies, les épiceries, la SAQ ont servi de modèles non seulement sur le port des masques, mais sur l’organisation des lieux de travail.
« Je suis intervenu en amont, en formant avec la CNESST et la Santé publique, ce que j’appelle un comité tactique, composé d’acteurs syndicaux et patronaux. Je leur ai demandé de travailler à l’élaboration de normes sanitaires qui soient spécifiques au secteur de la construction, avec ses particularités et les enjeux découlant de la distanciation physique, la désinfection des lieux de travail, le lavage des mains, etc. Ce comité tactique se rencontrait à toutes les semaines. » – Jean Boulet
Q. Et le retour au travail sur les chantiers, est-ce que ça s’est bien passé ?
R. Totalement. Le premier défi était de bien informer les milieux de travail, de s’assurer d’abord de l’adhésion des représentants syndicaux et patronaux, et ensuite de leur implication dans la diffusion des normes, ce qui implique de l’information et de la formation. J’ai visité quelques chantiers et j’ai été impressionné par le niveau d’engagement et de collaboration des travailleurs.
Les inspecteurs de la CNESST, qui sont au nombre de 300, ont été ajoutés à la centaine d’inspecteurs de la Commission de la construction du Québec pour s’assurer que les normes étaient bien comprises et bien appliquées, toujours dans une perspective d’accompagnement. On faisait beaucoup de pédagogie. On a fermé 23 chantiers. Quand on arrivait sur un lieu et qu’il manquait, par exemple, l’eau courante, on donnait un avis de correction. Les corrections étaient apportées et au bout de 24 ou de 48 heures, une fois le problème résolu, les chantiers étaient rouverts. Dans tous les chantiers, on voulait s’assurer qu’on avait bien atteint nos objectifs sanitaires. Mais ça s’est fait dans l’harmonie.
Chaque milieu a fait preuve de créativité et démontré qu’ils étaient capables de se prendre en main. Les affichettes sur les chantiers rappellent les règles sanitaires. C’est devenu un réflexe de s’y conformer pour la plupart des travailleurs. Bien sûr, tout est toujours perfectible. Il y a toujours des récalcitrants. Mais de façon générale, ça se passe bien dans les chantiers. Et c’est une reprise des activités qui est assez robuste.
Q. Et comment votre gouvernement aidera-t-il l’industrie de la construction à contribuer à la reprise économique ?
R. On avait présenté le projet de loi no 61 au printemps dernier. À la rentrée parlementaire, il y aura une nouvelle mouture. Notre objectif est d’accélérer la réalisation des projets d’infrastructures. On ne veut pas sacrifier l’environnement. On veut simplement s’assurer que les délais soient raisonnables et respectueux du caractère impératif de la reprise.
Q. Vous n’ignorez pas les besoins importants de main-d’œuvre dans la construction ? Croyez-vous que la PCU du gouvernement fédéral peut avoir des effets pervers sur l’emploi et sur la reprise économique ?
R. Je suis interpellé par le besoin de main-d’œuvre. De notre côté, nous continuons les discussions afin que l’on adapte la PCU à la réalité de la reprise économique. Transformer la PCU en prestation d’assurance-emploi est un pas en avant. Quand on reçoit l’assurance-emploi, il faut démontrer qu’on est disponible pour travailler et qu’on cherche un emploi.
Après la pandémie, si on se retrouve avec du chômage dans certains secteurs et une pénurie d’emplois dans d’autres, il faudra avoir accès aux bassins de main-d’œuvre sous-représentés, notamment aux travailleurs étrangers temporaires. Je discute avec Ottawa pour que ce programme qui relève du fédéral soit allégé. ■
TROIS PROJETS PRIORITAIRES EN MAURICIE
Jean Boulet est aussi le ministre responsable de la Mauricie. Des travaux importants ont commencé en septembre, après la fête du Travail, sur le pont Laviolette, un pont indispensable s’il en est un, puisqu’il s’agit de l’unique lien routier au-dessus du fleuve Saint-Laurent entre Québec et Montréal. « La réfection de la dalle principale du pont Laviolette est un projet majeur, explique le ministre Boulet, déjà planifié dans la programmation du MTQ. La dalle s’est beaucoup dégradée. On a fait des interventions récurrentes, mais son remplacement est vraiment nécessaire pour assurer la pérennité du pont. » Ce remplacement de la dalle centrale doit se faire d’ici cinq ans et coûtera plus de 100 millions $.
Un autre dossier que le ministre suit de très près est la reconstruction du pont Marc-Trudel à Shawinigan (la route 157). Au moment de la fermeture des chantiers, en mars dernier, le ministère des Transports avait confirmé que les travaux de réfection de ce pont qui lie Shawinigan à Shawinigan-sud devaient se poursuivre « afin d’assurer l’intégrité du réseau routier et la sécurité des usagers de la route ». La fin des travaux est prévue pour la fin de l’année 2020.
« Il y aussi, ajoute le ministre, le remplacement de la bande centrale de l’autoroute 40 à Trois-Rivières. » Les travaux, qui ont débuté le 15 juin, s’étendront sur une période de trois ans. Pour le premier volet, qui s’est terminé en août 2020, c’est un tronçon entre le pont Radisson jusqu’à la hauteur de la rue Laviolette qui était concerné. À la fin des travaux, au cours de l’été 2022, la bande centrale aura été remplacée du pont Radisson jusqu’à la hauteur de la rue La Vérendrye. « Il y a bien d’autres projets, conclut le ministre, mais ce sont là les trois projets les plus importants.