Réaffirmer le leadership en matière de prévention
Constas rencontre Manuelle Oudar, PDG de la CNESST
« Au chantier, on a des enjeux de productivité, de rentabilité et d’échéancier. Mais c’est lorsqu’on veut aller plus vite que les accidents se produisent. Pourtant, c’est prouvé, une bonne gestion de la prévention améliore la productivité. » — Manuelle Oudar
Primo, renforcer l’engagement de l’industrie envers la santé et la sécurité du travail. Secundo, encourager une culture d’entreprise favorisant la prévention. Tertio, rehausser la formation des travailleurs. Quarto, miser sur leur santé et sur leur intégrité physique. La présidente et chef de la direction de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), Manuelle Oudar, ne manque pas de cibles ni d’outils pour faire de nos chantiers des milieux de travail plus sécuritaires.
Par Marie Gagnon
Selon les données de la CNESST, le taux de lésions professionnelles a chuté de 13 % depuis les dix dernières années dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Une amélioration significative que Manuelle Oudar attribue d’entrée de jeu à la mobilisation du milieu en faveur d’une sécurité accrue au chantier. Mais elle relève du même souffle qu’il reste du travail à accomplir pour amener les acteurs de l’industrie à prendre pleinement en charge la santé et la sécurité du travail sur les chantiers.
« On voit que des efforts ont été faits, mais il reste du chemin à faire, dit-elle. D’ailleurs, depuis quatre ans, on constate qu’on a atteint un plateau, tous secteurs confondus. Et pas seulement au Québec, c’est pareil partout au Canada. Il faut donc redoubler d’effort, du côté des associations patronales comme des représentants des travailleurs, pour continuer à faire baisser les taux d’accident. De notre côté, on veut continuer à exercer notre leadership et à outiller l’industrie pour l’aider à relever ces défis. »
Développer une culture d’entreprise
À cet effet, Manuelle Oudar rappelle la panoplie d’outils d’information et de sensibilisation – guides, affiches, témoignages, conférences, capsules vidéo – élaborés par la CNESST et accessibles via son site internet. Elle souligne du même coup la contribution des services de formation, d’information et de conseil de l’ASP Construction à l’avènement d’une culture de prévention dans l’industrie. Sans oublier de saluer au passage le travail de promotion
réalisé avec les partenaires de l’industrie.
« Il faut maintenant développer une culture d’entreprise où il devient naturel d’identifier les risques et de mettre en œuvre des mesures pour les corriger et les contrôler, insiste Manuelle Oudar. Au chantier, on a des enjeux de productivité, de rentabilité et d’échéancier. Mais c’est lorsqu’on veut aller plus vite que les accidents se produisent. Pourtant, c’est prouvé, une bonne gestion de la prévention améliore la productivité. Ça favorise aussi le recrutement des travailleurs et leur rétention. »
Intensifier ses actions
Pour porter son message, la CNESST a d’ailleurs lancé, début novembre, la campagne publicitaire Parler. Former. Agir. « Parler de risques, de dangers, de méthodes de travail, c’est le premier geste de prévention à faire, note la gestionnaire. Il faut aussi former les travailleurs et s’assurer qu’ils ont les connaissances pour exécuter leurs tâches de façon sécuritaire. Ensuite, il faut agir sur ces dangers en mettant en place des moyens de prévention pour les éliminer, sinon les contrôler. »
Afin d’amener un changement de mentalité durable au sein de l’industrie, la CNESST mise également sur l’émulation en récompensant les efforts de l’industrie lors des Grands Prix santé et sécurité du travail. À eux seuls, ces moyens ne peuvent cependant suffire pour renverser la vapeur. Manuelle Oudar en est d’ailleurs consciente. C’est pourquoi la CNESST a inscrit, dans son plan stratégique 2017-2019, l’objectif de soutenir les milieux de travail dans la prise en charge de la santé et de la sécurité du travail, de concert avec ses partenaires.
Être au rendez-vous
La CNESST souhaite ainsi s’attaquer à certains secteurs à risques, dont la construction, et y intensifier ses activités de sensibilisation, notamment à l’égard du cadenassage, des chutes de hauteur et des lignes électriques aériennes. « On enregistre environ 845 chutes de hauteur par année, tous secteurs confondus, souligne Manuelle Oudar. Il faut promouvoir des méthodes de travail plus sécuritaires, surtout avec le chantier du REM, qui doit débuter sous peu. »
Un rendez-vous prévu pour 2019 et pour lequel l’organisme en prévention est déjà prêt : un gestionnaire a été nommé au sein de la vice-présidence aux Opérations et une structure administrative a été créée. « Cette entité sera responsable de promouvoir la prévention auprès du maître d’œuvre, en l’accompagnant à différentes étapes, et de soutenir le travail des inspecteurs. Le but, c’est de mettre les bons acteurs en place pour être au rendez-vous. Parce qu’un chantier qui démarre bien avance bien.» •