Les recherches du CRIB sur le béton
Au cœur des enjeux environnementaux
DOSSIER CONSTAS: LES ENJEUX D’UN AVENIR VERT
« L’industrie cimentière fait des efforts considérables, affirme Benoit Fournier, afin de réduire son empreinte environnementale et trouver des matériaux cimentaires utilisables, en remplacement d’une partie du ciment, capables de bonifier les propriétés mécaniques et la durabilité du béton. »
Le béton demeure le matériau de construction le plus utilisé dans le monde. C’est aussi un matériau qui fait l’objet d’importants travaux de recherche au Québec pour en améliorer sans cesse les performances, et ce, en collaboration avec des partenaires de l’industrie de la construction.
Par Jean Garon
Selon Benoit Fournier, professeur au département de géologie et de génie géologique de l’Université Laval et directeur du CRIB, le Québec possède une expertise technologique très forte dans le domaine du béton. En particulier en ce qui concerne l’utilisation d’ajouts cimentaires dans le béton ou ce que l’on appelle les éco-bétons.
« L’industrie cimentière fait des efforts considérables, affirme Benoit Fournier, afin de réduire son empreinte environnementale et trouver des matériaux cimentaires utilisables, en remplacement d’une partie du ciment, capables de bonifier les propriétés mécaniques et la durabilité du béton. C’est vraiment un domaine dans lequel le Québec fait sa marque. Même à l’échelle internationale, ajoute-t-il, on travaille beaucoup sur le développement et l’implantation des éco-bétons qui réduisent l’empreinte environnementale des bétons ».
Une adaptation aux changements climatiques
« De nos jours, souligne-t-il, les sollicitations climatiques sont extrêmes. Et ça ne va pas en s’améliorant. Il y aura de plus en plus d’épisodes de pluies verglaçantes exigeant d’utiliser encore plus de sel de déglaçage qui s’attaquera à nos structures en béton armé. C’est pourquoi, on développe des technologies qui feront en sorte de rendre le béton plus résistant, durable et performant. C’est notre rôle, comme chercheurs, de travailler de concert avec l’Industrie pour les implanter. »
L’adaptation aux changements climatiques et le développement durable, incluant la préservation des ressources et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sont des aspects fondamentaux pris en compte dans les projets de recherche du CRIB. C’est d’ailleurs pourquoi le CRIB intègre dans ses équipes des ingénieurs civils, des ingénieurs en géologie, des architectes, des gens spécialisés en économie et en finance.
Le CRIB est issu d’une collaboration dans les années 1980 entre les chercheurs de l’Université de Sherbrooke et de l’Université Laval à Québec. Leur collaboration a évolué vers la création d’un centre de recherche qui regroupait à l’origine les chercheurs des deux universités. Mais le centre de recherche s’est bonifié entre-temps par le financement du Fonds de recherche du Québec – Nature et Technologies et l’ajout de chercheurs de diverses universités au Québec (33 au total).
L’économie circulaire
« On s’assure ainsi, explique le directeur du CRIB, que nos axes de recherche, nos analyses de cycle de vie et nos considérations en économie circulaire permettent de planifier de mieux en mieux la construction. En matière de recyclage, par exemple, on s’attarde sur la façon de recycler les bâtiments et structures lorsqu’ils atteignent leur limite de durée de vie utile. Et tout ça, dans le but de réduire l’empreinte environnementale des constructions en béton. C’est vraiment le nerf central de nos activités. »
Collaborations et réalisations
Le CRIB travaille en étroite collaboration avec l’Industrie, en impliquant des étudiants universitaires de tous les niveaux. « Cette collaboration est très importante pour nos étudiants, dit-il, parce qu’ils se retrouvent après leurs études dans le marché, tant dans le secteur privé que public. Très souvent, ce sont même d’anciens étudiants du CRIB avec qui on collabore pour des projets de recherche. Parce qu’au Québec, on a ce réseau-là qui fonctionne depuis une trentaine d’années. Jusqu’à présent, ça s’est avéré excessivement efficace pour la formation, mais aussi pour le transfert et l’implantation pratique des développements technologiques générés par les projets de recherche du CRIB.
Et ce ne sont pas les réalisations qui manquent. Benoit Fournier mentionne, entre autres, le développement du béton fibré à ultra haute performance (BFUP). Il s’agit d’un matériau à matrice cimentaire renforcé par des fibres (d’acier) qui offrent des résistances en compression de 150 à 250 MPa. Les travaux de recherche de l’équipe du CRIB incluant les professeurs Jean-Philippe Charron et Bruno Massicote de l’école Polytechnique à Montréal ainsi que des partenaires publics et privés ont largement contribué à adapter les BFUP aux matériaux locaux et à définir leurs applications. Ce type de béton a été utilisé notamment pour la construction de la passerelle piétonne Isabey-Darnley au-dessus de l’autoroute 520 à Montréal, il y a quelques années.
L’utilisation de la poudre de verre recyclé dans le béton, une technologie développée par le chercheur Arezki Tagnit-Hamou de la chaire de recherche de l’Université de Sherbrooke en collaboration avec la Ville de Montréal, en est un autre exemple. Cette technologie confère des avantages intéressants aux propriétés du béton. Elle a été utilisée dans la construction des deux ponts Darwin sur le boulevard de l’Île-des-Sœurs dans l’arrondissement Verdun à Montréal. Il s’agissait d’une première mondiale qui a mérité deux prestigieux prix de l’American Concrete Institute en 2021.
Dans le domaine de la fabrication du béton prêt à l’emploi, la collaboration entre l’Industrie, l’Université Laval et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) a permis d’optimiser les retombées d’une sonde pour bétonnière qui permet d’assurer la qualité du béton à livrer durant son transport entre l’usine et le chantier.
Autant d’exemples qui démontrent la pertinence des travaux de recherche du CRIB en collaboration avec des partenaires privés et publics et qui peuvent mener à des applications concrètes et des résolutions de problèmes sur les chantiers de construction. Et c’est sans oublier l’implication des chercheurs du CRIB dans les divers comités nationaux responsables de l’élaboration des normes et spécifications en matière de construction en béton.
« Au Québec, on peut se vanter d’avoir des avancées technologiques dans le domaine, se réjouit le directeur du CRIB. Certes on accuse du retard sur certaines choses, admet-il, mais on reste à l’avant-garde dans un domaine de recherche comme celui du béton. » ■
Les 2 ponts Darwin.
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Vue d’ensemble des ponts avec le professeur Arezki Tagnit-Hamou, titulaire de la chaire SAQ de recherche sur la valorisation du verre dans les matériaux.
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Vue de côté d’un des ponts.
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Vue sous les ponts.