MAGAZINE CONSTAS

Le casse-tête du recyclage dans l’industrie de la construction

Rencontre avec Sophie Langlois-Blouin de RECYC-QUÉBEC

DOSSIER CONSTAS: LES ENJEUX D’UN AVENIR VERT

« Dans le Plan d’action 2019-2024, l’objectif pour le secteur CRD est de recycler et valoriser 70 % de ses résidus pour 2023. Il reste de gros défis. Il se fait de la récupération, mais il y a encore beaucoup de résidus de CRD qui vont directement à l’élimination sans passer par le tri. » — Sophie Langlois-Blouin

Le thème du recyclage s’impose de lui-même à une époque où, dans la majorité des pays industrialisés, des mesures ont été prises pour contrer les changements climatiques, diminuer les GES, et mettre en œuvre une politique de développement durable respectueuse des ressources naturelles.

Par Jean Brindamour

Sophie Langlois-Blouin, vice-présidente Performance des opérations à RECYC-QUÉBEC

Dans un tel contexte, l’industrie de la construction ainsi que les donneurs d’ouvrage n’ont plus le choix. Ils se doivent d’adopter des pratiques efficaces dans le but de valoriser les matières résiduelles, de recycler et de réemployer les matériaux, et de prolonger la durée de vie des infrastructures.

Fondée en 1990, la Société québécoise de récupération et de recyclage, connue sous le nom de RECYC-QUÉBEC, est une société d’État relevant du ministre de l’Environnement vouée à informer, éduquer et soutenir les individus, les institutions, les entreprises en tout ce qui a trait au recyclage et à la valorisation des matières résiduelles. Nous avons rencontré Sophie Langlois-Blouin, vice-présidente Performance des opérations à RECYC-QUÉBEC, pour discuter de ce grand enjeu qu’est le recyclage dans l’industrie de la construction.



Une préoccupation récente

« La mission de RECYC-QUÉBEC, explique Sophie Langlois-Blouin, est de favoriser la réduction à la source, le réemploi et le recyclage des matières résiduelles dans l’optique de préserver les ressources et d’assurer qu’elles soient le plus possible réintroduites pour que leur durée soit prolongée. Le rôle de RECYC-QUÉBEC en est un d’accompagnement et de sensibilisation. Nous offrons également du soutien, soit en termes techniques — des outils, des guides, etc. —, ou du soutien financier. On veut vraiment changer les modes de production et de consommation. »

« Mon mandat est de m’assurer que les équipes sous ma gouverne soient les plus performantes possibles pour que nous puissions développer des services adaptés aux besoins des diverses clientèles. On travaille avec les organismes municipaux, avec les entreprises, et avec tout le secteur de la construction, de la rénovation et de la démolition (CRD). »



« En comparaison, par exemple, à la collecte sélective des matières recyclables chez les particuliers (le fameux bac bleu), la récupération et le recyclage dans le secteur de la construction sont plus récents. Ce qu’on a vu apparaître en grand nombre, ces dernières années, ce sont des centres de tri des résidus de CRD. Donc, au lieu d’envoyer tout à l’enfouissement, comme par le passé, les chantiers récupèrent certaines matières pour qu’elles puissent être réutilisées ou recyclées. »

« Au mois de mai dernier, un comité d’experts du secteur de CRD a été mis en place. Ce comité est constitué de différents représentants, dont l’ACRGTQ, l’ACQ et l’APCHQ, donc différentes associations qui représentent l’industrie de la construction. Il y a vraiment une volonté, dans ce comité, de faire évoluer les choses. Et ça nous permet à nous de bien voir les réalités auxquelles les gens sur le terrain sont confrontés et ce qu’il nous faut développer pour répondre concrètement à leurs besoins. […] Le comité a le mandat, dès cet hiver, de faire des recommandations au ministre de l’Environnement pour qu’on puisse changer la tendance qui persiste encore dans le secteur de la construction à ne pas passer par le tri. » — Sophie Langlois-Blouin

Coûts et progrès

Est-ce que le recyclage coûte cher ? « Chaque matériau est différent, souligne la spécialiste. Par exemple, si on concasse des agrégats et qu’on les réutilise dans une fondation de route, on s’évite des coûts de transport des vieux matériaux vers l’enfouissement ainsi que les coûts de nouveaux matériaux. Dans certains cas, on peut donc réduire les coûts. Mais il arrive aussi que cela coûte plus cher de recycler que d’envoyer des matières à l’élimination. Il y a toutefois des mesures en place pour renverser cette tendance au cours des prochaines années. »

« Il y a des progrès technologiques notables, ajoute-t-elle. Par exemple, dans les centres de tri de CRD, on voit de plus en plus de mécanisation et d’équipements dotés d’intelligence artificielle. On y trouve maintenant des “robots trieurs” pour éviter que des gens soient obligés de trier des matières problématiques, un personnel qui peut alors être assigné au contrôle-qualité. Il y a de l’innovation également dans les procédés. On cherche de plus en en plus à trier les matières en amont, donc directement sur les chantiers, au lieu de les envoyer pêle-mêle dans un centre de tri. On sait que certaines matières peuvent contaminer toute la chaîne : le gypse en est un exemple. Sur le gypse, on a justement appuyé un projet : il s’agit de bâches installées dans un conteneur pour le séparer en deux et pouvoir trier sur le site même du chantier les matières. »

Une éducation à faire

« Au mois de mai dernier, un comité d’experts du secteur de CRD a été mis en place, poursuit Sophie Langlois-Blouin. Ce comité est constitué de différents représentants, dont l’ACRGTQ, l’ACQ [Association de la construction du Québec] et l’APCHQ [Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec], donc différentes associations qui représentent l’industrie de la construction. Il y a vraiment une volonté, dans ce comité, de faire évoluer les choses. Et ça nous permet à nous de bien voir les réalités auxquelles les gens sur le terrain sont confrontés et ce qu’il nous faut développer pour répondre concrètement à leurs besoins. C’est vraiment un travail de collaboration. Avec ce comité, on veut notamment donner les outils les plus simples possibles aux différentes clientèles afin qu’elles sachent ce qu’elles peuvent faire avec telle matière et qu’elles puissent facilement identifier les services qui existent dans leur région. On veut surtout leur démontrer les retombées positives qui découlent de ces quelques changements dans nos gestes et nos façons de procéder. Si on dit à un entrepreneur : “Voici ce que tu peux faire; voici les ressources disponibles dans ta région et voici les bénéfices que tu obtiendras en termes d’environnement, mais aussi en termes de coûts”; cela contribuera à les sensibiliser sur les moyens de valoriser les matières résiduelles et à faciliter des changements de comportement. »

« Ce qu’on a vu apparaître en grand nombre, ces dernières années, ce sont des centres de tri des résidus de CRD. Donc, au lieu d’envoyer tout à l’enfouissement, comme par le passé, les chantiers récupèrent certaines matières pour qu’elles puissent être réutilisées ou recyclées. »

Les objectifs

« Dans le Plan d’action 2019-2024, qui découle de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles, l’objectif pour le secteur CRD est de recycler et valoriser 70 % de ses résidus pour 2023. On est en train de faire le bilan pour 2021. L’information sur le secteur CRD devrait sortir en janvier 2023. Il reste de gros défis. Il se fait de la récupération, mais il y a encore beaucoup de résidus de CRD qui vont directement à l’élimination sans passer par le tri. C’est en partie pour cette raison que nous avons mis en place le comité d’experts dont nous parlions tout à l’heure. Le comité a le mandat, dès cet hiver, de faire des recommandations au ministre de l’Environnement pour qu’on puisse changer la tendance qui persiste encore dans le secteur de la construction à ne pas passer par le tri. » ■