MAGAZINE CONSTAS

Recyclage et valorisation des matériaux de construction

La vision gouvernementale

DOSSIER CONSTAS: LES ENJEUX D’UN AVENIR VERT
Tour de table au MELCCFP

Une bonne planification des travaux et un classement par types de matériaux facilitent leur récupération à des fins de valorisation et permettent de réduire à la source l’utilisation de matières vierges dans un chantier.

Quelle est la vision du gouvernement concernant la valorisation des matériaux de construction principalement dans le domaine du génie civil ? Pour répondre à une question aussi vaste, nous avons mis à contribution plusieurs secteurs du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).

Par Jean Brindamour

La hiérarchie des modes de gestion des matières résiduelles (3RV-E) fait partie intégrante de la Loi sur la qualité de l’environnement et l’objectif fondamental de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles est que la seule matière résiduelle éliminée au Québec soit le résidu ultime. Pour y parvenir, la Politique prévoit la mise en œuvre de mesures afin de répondre aux trois enjeux majeurs de la gestion des matières résiduelles : mettre un terme au gaspillage des ressources; contribuer à atteindre les objectifs du Plan pour une économie verte; responsabiliser l’ensemble des acteurs concernés par la gestion des matières résiduelles.

Le principe avancé par le MELCCFP est que les matières résiduelles ont une valeur ajoutée par rapport aux matières premières : leur valorisation s’inscrit dans le principe de l’économie circulaire et leur mise en valeur permet des gains importants sur les plans économique et environnemental. Les résidus générés par le secteur de la construction, rénovation et de la démolition (CRD) offrent d’ailleurs un bon potentiel de valorisation. La vision gouvernementale est donc d’utiliser divers moyens afin de veiller à la maximisation de cette valorisation. Dans ce but, le MELCCFP a développé des outils d’encadrement administratifs et légaux dans le domaine de la valorisation.

Schéma sur l’économie circulaire. CR: Institut EDDEC, 2018. En collaboration avec RECYC-QUÉBEC.

 

Le principe de l’économie circulaire, qui s’oppose au modèle encore en vigueur de l’économie linéaire, est fondamental si l’on veut améliorer les pratiques de l’industrie de la construction en matières environnementales. Mais il y a plus d’une stratégie de circularité qui peut être mise en œuvre.

L’écoconception

L’écoconception est une stratégie de circularité qui implique de prendre en compte dans les choix de conception des critères environnementaux tels que la consommation de matières premières, d’eau et d’énergie, les rejets dans l’eau et dans l’air, la production de matières résiduelles et la protection des écosystèmes, en plus des critères techniques et économiques que sont le coût, la qualité, la faisabilité technique et les attentes du marché et de la société. L’écoconception peut s’appliquer à un produit, à un service ou à des travaux de construction, et ce, à toutes les étapes du cycle de vie :

L’écogestion de chantier s’articule autour de la planification du projet et du chantier, de la conception, de la sélection des matériaux et des fournisseurs, de la gérance du chantier ainsi que de l’usage et de l’exploitation.

L’écoconception peut s’appliquer à un produit, à un service ou à des travaux de construction, et ce, à toutes les étapes du cycle de vie.

Le choix des matériaux utilisés peut avoir un impact significatif sur la durabilité des routes et la pollution (air, sol, eau, écosystèmes fauniques et floraux). On peut privilégier des matériaux à faible empreinte environnementale, la perméabilité des matériaux, des matériaux biosourcés, etc.



Une analyse de la durabilité des projets permet de mettre en lumière les impacts et les risques potentiels associés. Par exemple, on peut concevoir le projet de telle sorte qu’il favorise la connexion entre les milieux et les voies de déplacement des espèces pour préserver la biodiversité et diminuer les risques d’incidents routiers.

La gestion des matières résiduelles

L’économie circulaire implique des pratiques basées sur la réduction à la source, le réemploi, le recyclage et la valorisation. Les deux approches de gestion des matières résiduelles habituellement pratiquées sur les chantiers de CRD sont le tri à la source ou l’acheminement des matières dans un centre de tri, un écocentre ou un recycleur. Bien que l’objectif d’un centre de tri soit de trier les matières reçues afin de regrouper des matériaux homogènes et conformes aux exigences des recycleurs, cette approche permet un taux de recyclage moins élevé que le tri à la source qui consiste en une séparation des matières résiduelles directement sur le site des travaux afin de préserver au maximum la qualité des matériaux. Une bonne planification des travaux et un classement par types de matériaux facilitent leur récupération à des fins de valorisation et permettent de réduire à la source l’utilisation de matières vierges dans un chantier. Il va de soi que la gestion des matières résiduelles doit être intégrée par l’ensemble des acteurs du secteur CRD (architectes, maîtres d’œuvre, entrepreneurs).

Les obstacles

Si, pour une raison ou une autre, il est plus économique ou rapide d’éliminer certaines matières résiduelles plutôt que d’en assurer la valorisation, plusieurs opteront pour cette avenue. Pour contrer cette tendance, au-delà des campagnes d’information, de sensibilisation et d’éducation, la voie habituelle est de créer des obligations légales ou réglementaires. C’est l’approche « classique ». Mais on peut également influencer directement l’environnement d’affaires, par exemple en introduisant des redevances à l’élimination, afin de rendre ce mode de gestion moins intéressant, et en réinvestissant les sommes perçus dans différentes initiatives concomitantes, créant du coup un double effet de levier.

Il y a finalement la Responsabilité élargie des producteurs (REP) qui est une sorte d’hybride entre les deux avenues. La REP est un principe qui présente de nombreux avantages en prescrivant notamment des objectifs tout en étant flexible sur les moyens. Les entreprises mettant en marché les produits visés deviennent responsables de ces produits, de leur naissance à leur renaissance, et sont incitées à mieux les concevoir à la base. La REP engendre aussi la création de filières de récupération structurées, d’expertises, d’entreprises et de marchés locaux où se trouvent réemployés, recyclés ou valorisés des produits qui ne l’étaient pas. ■


Lois et règlements qui régissent le réemploi et le recyclage des matériaux (liste non exhaustive)

 

  • Loi sur la qualité de l’environnement;
  • Règlement sur l’encadrement des activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE)
  • Règlement concernant la valorisation de matières résiduelles (RVMR) (matières granulaires résiduelles)
  • Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises (certains produits autres que les matériaux de construction)
  • Règlement sur les carrières et sablières (pour l’utilisation de certaines matières résiduelles pour la réhabilitation d’une carrière)
  • Règlement sur les usines de béton bitumineux (pour l’utilisation de fines de bardeaux d’asphalte postconsommation dans le procédé de fabrication)