Durabilité du béton à l’écaillage
Une affaire de qualité des granulats et de la finition
Une étude du Centre de recherche sur les infrastructures en béton (CRIB) pour L’ACRGTQ
Cette étude pourrait avoir pour effet d’amener à modifier et à préciser des normes sur la qualité des granulats et sur les méthodes d’essais pour évaluer la résistance à l’écaillage des bétons.
En 2019, l’ACRGTQ a demandé au Centre de recherche sur les infrastructures en béton (CRIB) de l’Université de Sherbrooke (UdS) d’étudier ce qui influence la résistance à l’écaillage des surfaces en béton. Voici les principales conclusions de cette recherche dirigée par Richard Gagné, professeur titulaire au département de génie civil et de génie du bâtiment, assisté du professionnel de recherche Olivier Bonneau.
Par Jean Garon
Le problème d’écaillage de la surface des structures de béton exposées aux cycles de gel-dégel et aux sels de déglaçage n’est pas nouveau sous les latitudes québécoises. Les travaux de recherche menés en laboratoire ont non seulement démontré que la qualité de finition d’une surface en béton avait un impact sur sa résistance à la dégradation mais aussi la qualité de sa composante en gros granulats.
La commande de l’ACRGTQ consistait à préparer et tester des plaques d’écaillage avec du béton de type V-S comprenant des gros granulats de trois niveaux de qualité : très bonne, bonne et mauvaise, relate le professeur Gagné. C’est un type de béton couramment utilisé pour des travaux de génie civil, des ponts, des viaducs, des trottoirs ainsi que pour des réparations. « On a regardé l’impact sur la résistance à l’écaillage avec un test normalisé. »
Exposition aux cycles de gel-dégel et aux sels de déglaçage
Préalablement, les trois types de granulats ont été soumis à des tests de Micro-Deval qui ont pris la forme d’un essai de broyage en présence d’eau afin de vérifier leur résistance ou leur usure aux frottements. Puis, ils ont été placés dans une solution salée en les soumettant à cinq cycles de gel-dégel non confinés pour vérifier l’éclatement des pierres et mesurer la quantité de débris.
Selon le professeur Gagné, ces essais ont permis de démontrer que les moins bonnes pierres pouvaient rendre le béton plus sensible à l’écaillage en éclatant littéralement sous l’effet des cycles de gel et dégel et en contribuant ainsi à la dégradation de la surface des bétons exposés à des cycles de gel-dégel en présence de sels de déglaçage.
Les trois types de pierre ont donc été incorporés dans le béton frais de plusieurs plaques d’écaillage de 25,4 x 27,9 cm de surface et d’une épaisseur de 7,6 cm préparées par trois techniciens externes selon la norme BNQ 2621-905/2018. Le tableau général (en haut de page) montre que le programme expérimental comportait quatre étapes.
Ce programme expérimental s’est déroulé selon un échéancier réel passablement différent de celui imposé par la norme BNQ 2621-905/2018 en raison des délais reliés à la pandémie de la COVID-19, soit la fermeture temporaire du laboratoire de l’Université de Sherbrooke et l’emploi du temps modifié de l’entrepreneur en charge du sciage des plaques.
Selon le rapport final de l’étude, « Les durées de la cure humide, de la saturation en NaCl et des cycles d’écaillage ont bien été respectées, soit respectivement 14, 7 et 56 jours. Cependant, la durée de séchage a été considérablement augmentée au-delà des 14 jours prescrits, soit 154 jours pour les plaques normales et 161 jours pour les plaques sciées, incluant un séchage de 142 jours de la surface finie avant sciage et un séchage de 19 jours de la surface sciée. » Le professeur Gagné assure cependant que les résultats des tests demeurent aussi valables, malgré les longues durées de séchage, mais qu’ils ont produit simplement plus de résidus d’écaillage.
Mesure de l’impact de la procédure de finition
Soulignons que la participation des trois techniciens en charge de la finition de la surface des plaques a été filmée afin de vérifier si la méthode de finition avait une influence sur la résistance à l’écaillage du béton une fois exposé à 56 cycles de gel-dégel en présence d’eau salée simulant la fonte de neige avec des sels de déglaçage.
« Étant donné que l’un des trois techniciens n’a pas respecté la procédure de la norme pour la finition, souligne Richard Gagné, cela a eu l’effet de pénaliser le béton en le rendant moins résistant à l’écaillage. Pourtant les deux autres techniciens avaient exactement les mêmes bétons avec les mêmes types de pierre. Ça démontre du même coup que la qualité du travail de finition du technicien et la qualité des pierres utilisées dans la composition du béton ont effectivement une influence sur la durabilité du béton à l’écaillage. »
Selon le professeur Gagné, ces essais ont permis de démontrer que les moins bonnes pierres pouvaient rendre le béton plus sensible à l’écaillage en éclatant littéralement sous l’effet des cycles de gel et dégel.
Par ailleurs, l’équipe a poussé les essais un peu plus loin en sciant la surface de la moitié des plaques pour mesurer l’impact des tests d’écaillage, ce qui a permis d’éliminer la variabilité potentielle découlant de la qualité du travail de finition du technicien. On a ainsi démontré que les manœuvres du technicien qui n’avait pas respecté toutes les consignes d’arasage de la surface prescrites dans la norme BNQ 2621-905/2018 n’avaient plus le même impact sur l’écaillage ni l’effet défavorable sur le béton à la surface sciée.
Tout compte fait, les résultats de cette étude pourraient avoir pour effet d’amener à modifier et à préciser des normes sur la qualité des granulats et sur les méthodes d’essais pour évaluer la résistance à l’écaillage des bétons. Ils pourraient également mener au développement de vidéos de formation pour uniformiser les bonnes pratiques chez les techniciens qui assurent la finition des surfaces de béton. ■