Pour une gestion éclairée des infrastructures en eau
La boîte à outils du CERIU
« Si la majeure partie du parc d’actifs est en bon état, il y a quand même 18 % de ces actifs, soit 34.6 milliards $, qui sont considérés en risque de défaillance élevé ou très élevé », explique Marc Didier Joseph.
Les autorités politiques et même le grand public sont de plus en plus conscients de l’importance primordiale d’une gestion éclairée des infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées. Le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU), ce réseau d’expertise et de référence qui œuvre à la pérennité des infrastructures municipales, produit depuis 2017 un Portrait des infrastructures en eau des municipalités du Québec (PIEMQ). Nous avons rencontré Marc Didier Joseph, directeur de projets, PIEMQ/CERIU, pour en savoir davantage sur l’état de ces infrastructures vitales.
Par Jean Brindamour
La dernière version du PIEMQ a été publiée le 30 octobre 2020. « On a constaté, indique M. Joseph, une similitude avec les résultats du rapport de 2019 : l’état des infrastructures semble stable. Toutefois, la quantité d’actifs et leur valeur de remplacement ont augmenté ; c’est dû aux municipalités additionnelles ayant fourni des données : on est passé de 810 municipalités en 2019 à 841 en 2020, et de 169 milliards$ de valeur des actifs à 189 milliards $. »
« Si la majeure partie du parc d’actifs est en bon état, il y a quand même 18 % de ces actifs, soit 34,6 milliards $, qui sont considérés en risque de défaillance élevé ou très élevé. Dans ce montant, 14,8 milliards correspondent aux infrastructures d’eau proprement dites, le reste, 19,8 milliards $, correspond à la chaussée au-dessus de ces conduites. »
Des 34.6 milliards $ d’actif considérés en risque de défaillance élevé ou très élevé, où 14,8 milliards correspondent aux infrastructures d’eau proprement dites, 19,8 milliards $ correspond à la chaussée au-dessus de ces conduites.
« Aujourd’hui, 841 municipalités nous ont fourni un plan d’intervention détaillé qui relate l’inventaire de leurs actifs et leur état. La différence entre les petites et les grandes municipalités se situe principalement au niveau de l’expertise à l’interne. Les petites municipalités peuvent cependant faire appel à des consultants spécialisés qui réaliseront ce plan d’intervention exigé par le ministère des Affaires municipales. La qualité des données au niveau des actifs linéaires est quand même bonne. Par contre, au niveau des actifs ponctuels, la fiabilité est moindre. » Précisons que les infrastructures ponctuelles renvoient aux équipements assurant une fonction spécifique dans un réseau d’eau (les installations de production d’eau potable et de traitement des eaux usées, les ouvrages de surverse, etc.). « Les opérateurs, note l’ingénieur, ont quand même une bonne connaissance de ces actifs. Il manque néanmoins une documentation globale quand on veut évaluer l’ensemble de ces infrastructures parce que ce sont des ouvrages beaucoup plus complexes que les conduites d’eau potable et d’eaux usées et qu’on y retrouve des équipements ayant des caractéristiques très différentes les uns des autres : on ne peut les évaluer de la même façon. On savait depuis un bout de temps qu’il nous fallait améliorer la connaissance de ces infrastructures et développer des méthodes pour mieux évaluer et mieux planifier la gestion de ces actifs. C’est pourquoi le CERIU a produit en 2020 un “Guide de gestion des actifs municipaux pour le renouvellement des infrastructures ponctuelles en eau”. Il offre aux municipalités des orientations globales pour les seconder dans leur évaluation de l’état de ces infrastructures et dans leur estimation des besoins requis en termes d’investissement à court et moyen termes. Les municipalités pourront se baser sur ce guide pour développer une approche plus standardisée et évaluer les investissements nécessaires en fonction du risque de défaillance que ces actifs comportent. Ce guide en est à ses débuts : c’est un “work in progress”. Des améliorations seront apportées à la suite des réactions que nous communiqueront les municipalités après l’avoir utilisé. »
Des outils sur mesure
Le CERIU a aussi mis en place, en 2020, InfraPrévisions. Toutes les municipalités qui ont transmis leurs données d’infrastructures ont maintenant accès à un instrument leur permettant de paramétrer leurs infrastructures, de simuler leurs dégradations et donc de déterminer les interventions nécessaires et les investissements qu’elles impliquent. « Au moment où l’on se parle, se réjouit M. Joseph, cet outil, lancé en octobre 2020, est déjà utilisé par plus de 80 municipalités, surtout de taille moyenne. Les municipalités de dimension plus modeste – moins de 1000 habitants – n’ont pas nécessairement l’expertise à l’interne pour pouvoir analyser ce genre de résultats. Notre prochain défi sera de les accompagner pour qu’elles aient une meilleure compréhension de cet outil, développé principalement pour que les municipalités puissent disposer d’un véhicule pour sensibiliser les décideurs municipaux sur l’importance d’investir proactivement dans les infrastructures en eau. Il donne un aperçu des conséquences du sous-investissement sur le niveau de service et l’état de ces actifs. »
Un nouveau coffre à outils vient d’être mis en ligne sur le site du CERIU auquel nous renvoyons le lecteur : « Coffre à outils Portrait de l’eau » (ceriu.qc.ca/article/coffre-outils-portrait-eau). Il y est annoncé, pour 2022, le Portrait annuel des infrastructures en eau de « votre » municipalité. Un travail colossal. « Sachant, raconte le chef de projets, que les municipalités de plus petites tailles n’ont pas l’expertise nécessaire à l’interne pour pouvoir comprendre et produire ces évaluations, on s’est engagé à les aider dans leurs estimations de leurs besoins d’investissements en produisant un portrait annuel de leurs infrastructures. En bref, on se sert d’InfraPrévisions pour extraire un rapport par municipalité qui présentera le portrait global actuel de leurs infrastructures en eau (en appliquant la même méthodologie que pour le PIEMQ) et, par surcroît, une évaluation de leurs besoins en investissements sur un horizon qui reste à déterminer, mais qui irait en gros de 10 à 100 ans et plus, incluant donc les besoins à plus long terme. » ■