MAGAZINE CONSTAS

Innover pour contrer la rareté de la main-d’œuvre

Rencontre avec la présidente de la CCQ, Diane Lemieux

« Pour maintenir le niveau de main-d’œuvre de 2019, il faudrait trouver au moins 13 000 personnes par année pendant les 5 prochaines années », explique Diane Lemieux

Comment combattre la rareté de la main-d’œuvre dans la construction ? Comment diminuer le taux élevé d’abandon ? Comment attirer la relève et favoriser la diversité ? Pour y parvenir, il faudra encore une fois innover. La présidente-directrice générale de la Commission de la construction du Québec (CCQ) fait le point sur ce grand dossier.

Par Jean Brindamour

Diane Lemieux. CR: CCQ

En décembre dernier, la CCQ a diffusé dans la Gazette officielle du Québec, un projet de modifications réglementaires visant à contrer les effets de la rareté de la main-d’œuvre sur les chantiers de construction. Diane Lemieux s’en réjouit : « Les huit mesures réglementaires proposées par la CCQ pour contrer les effets de la rareté de main-d’œuvre dans la construction ont été intégralement adoptées par le gouvernement du Québec, et seront mises en vigueur le 26 avril prochain [Voir l’encadré]. Ces mesures visent à favoriser l’accès à l’industrie à des personnes expérimentées et à augmenter leurs possibilités d’embauche. Nous voulons également valoriser la formation initiale et la diplomation, et accélérer le cheminement des apprentis vers le statut de compagnon. Enfin, notre dernier objectif est de favoriser la polyvalence sur les chantiers. Nous avons confiance que ces mesures auront de l’impact pour aider les entreprises qui font face à des difficultés de recrutement. Mais surtout, la CCQ sera très active pour encourager les personnes expérimentées à joindre l’industrie de la construction. D’ici 24 mois, nous aurons en main les données relatives à l’implantation de ces mesures, et nous avons convenu avec le conseil d’administration de la CCQ de mesurer leur efficacité pour pouvoir apporter les ajustements, si requis. »

Valoriser la formation initiale et la diplomation. 
La « Préparation et finition de béton (Atelier) » de l’École des métiers de la construction de Montréal. CR: Visite Virtuelle 360.

Favoriser la polyvalence

Un des objectifs visés était d’établir une organisation du travail qui augmenterait la productivité. Une mesure sera spécialement mise en place à cet effet. « Il s’agit d’une mesure, explique la présidente de la CCQ, qui concerne les tâches résiduaires : elles pourront dorénavant être accomplies par l’apprenti, dans la mesure où elles sont en lien avec son métier. L’exemple qui revient souvent est celui de l’apprenti briqueteur-maçon, qui ne peut pas mélanger son mortier, même s’il a appris comment le faire pendant sa formation. Nous pensons que cette mesure favorisera la polyvalence, en particulier sur les plus petits chantiers, et qu’elle valorisera les apprentissages en plus de mieux préparer les apprentis à jouer leur rôle de compagnon. Je sais que des gens sont inquiets dans l’industrie que cette mesure nuise à l’employabilité des personnes qui détiennent des certificats de compétence occupation, mais je tiens à les rassurer. Il y a suffisamment de travail pour tout le monde sur les chantiers présentement, et nous n’avons pas de doute que les employeurs continueront à chercher des manœuvres de façon importante, surtout qu’ils sont les seuls dans l’industrie à pouvoir accomplir toutes les tâches résiduaires. »



De la CCQ au ministre du Travail

Il y avait un délai de 45 jours après la parution dans la Gazette officielle pour ceux qui désiraient envoyer leurs commentaires à la CCQ, commentaires transmis par la suite au ministre du Travail, Jean Boulet. « Nous avons reçu plusieurs mémoires, indique Diane Lemieux, en particulier de la part des organisations patronales et syndicales. Plusieurs groupes s’inquiètent de voir des proportions quand même importantes de personnes quitter l’industrie, et je les comprends. Maintenant que nous avons agi pour faciliter l’accès à l’Industrie, le ministre Boulet nous demande de préparer un plan d’action pour assurer la rétention de la main-d’œuvre dans la construction, ce que nous avons déjà débuté avec l’ensemble des partenaires de l’Industrie. »

« Maintenant que nous avons agi pour faciliter l’accès à l’industrie, le ministre Boulet nous demande de préparer un plan d’action pour assurer la rétention de la main-d’œuvre dans la construction, ce que nous avons déjà débuté avec l’ensemble des partenaires de l’industrie. » –Diane Lemieux



La question vient d’elle-même : ces mesures suffiront-elles à régler le problème de la rareté ? Diane Lemieux reconnaît que le défi est de taille : « Nous avons établi dans les derniers mois que pour maintenir le niveau de main-d’œuvre de 2019, il faudrait trouver au moins 13 000 personnes par année pendant les 5 prochaines années. Le gouvernement du Québec, dans son plan construction, évalue que les mesures que nous avons fait adopter permettront d’accueillir 11 000 personnes. Avec des mesures pour favoriser la rétention de la main-d’œuvre, nous pensons que nous posons des gestes importants pour amoindrir de façon marquée les difficultés relatives au recrutement. Il faudra bien entendu d’autres gestes. La construction doit aussi se montrer plus ouverte à la diversité, elle doit faire plus d’efforts pour inclure des groupes qui sont encore peu présents, comme les femmes, les personnes immigrantes, les minorités visibles, les Premières Nations et les Inuits. Nous serons très attentifs aux impacts des mesures sur ces clientèles, et aussi pour d’autres mesures annoncées par le gouvernement, comme l’adaptation des règles du programme de subvention salariale pour la construction. »



Un autre grand défi

À la CCQ, un autre grand défi s’ajoute à celui de la rareté de la main-d’œuvre. « Au-delà des enjeux relatifs à la main-d’œuvre, raconte la présidente, la CCQ traverse actuellement une transformation majeure, qui se concrétise par le changement d’à peu près tous ses systèmes informatiques, ce qui dans les faits, modifiera la façon dont nous desservons nos clients, à tous les niveaux. C’est un gigantesque projet, qui touche toutes nos équipes et repose sur l’idée que nous devons améliorer l’expérience client, notamment en offrant plus de solutions en libre-service pour nos clients. C’est une attente qui est réitérée depuis longtemps, et nous sommes en bonne voie d’y parvenir. » ■


8 !

Dans le cadre du plan d’action pour le secteur de la construction, le gouvernement du Québec a annoncé l’entrée en vigueur, à compter du 26 avril, de huit mesures qui permettront de contrer les effets de rareté de la main-d’œuvre

  1. Reconnaître l’expérience acquise hors de la construction pour intégrer l’industrie.
  2. Permettre le travail en chantier pendant les études
  3. Favoriser la relève entrepreneuriale
  4. Faciliter l’entrée de personnes diplômées dans certaines occupations spécialisées
  5. Accélérer l’accès au statut de compagnon pour les personnes diplômées
  6. Accélérer l’obtention du statut de compagnon pour tous les apprentis
  7. Permettre l’embauche d’un plus grand nombre d’apprentis
  8. Générer plus de polyvalence en chantier