MAGAZINE CONSTAS

Énergie solaire

Plein feu sur le potentiel énergétique des routes

Notre photo d'en-tête : 25 m2 de dalles sont utilisées en autoconsommation des bâtiments de bureau et pour une borne de recharge de véhicule électrique à Le Port, sur l’île de La Réunion. Crédit : Hervé Douris

« Un formidable moyen d’enfin rentabiliser les espaces dédiés à la voiture autrement qu’à une seule fin de transport, explique Arnauld de Sainte Marie. »

De plus en plus d’entreprises dans le monde s’intéressent à l’intégration de cellules photovoltaïques au bitume, histoire de rentabiliser énergiquement les routes. Bien qu’il n’y ait aucun signe d’une percée en ce sens par nos contrées glacées, il est intéressant de faire le tour d’horizon d’une technologie en pleine expansion.

Par Florence Sara G. Ferraris

Arnauld de Sainte Marie Cr : Wattway

Imaginez une route couverte de capteurs photovoltaïques, capable de transformer l’énergie du soleil en électricité et d’ainsi revaloriser l’un des plus imposants marqueurs de paysage conçu par l’humain. « L’idée a de quoi faire rêver, n’est-ce pas, lance en riant Arnauld de Sainte Marie, le responsable du développement commercial de Wattway, une entreprise française issue d’un partenariat entre l’Institut national de l’énergie solaire de France et la multinationale Colas, qui dispose même d’une filiale au Québec. On n’est pourtant plus si loin de la réalité. »

À terme, cette technologie aux allures futuristes permettrait de donner une nouvelle utilité aux routes. « Cette technologie, c’est notre manière de faire notre part face à l’indéniable crise climatique et la nécessaire transition écologique, souligne le gestionnaire chevronné. C’est aussi, de notre point de vue, un formidable moyen d’enfin rentabiliser les espaces dédiés à la voiture autrement qu’à une seule fin de transport. »



Échelles multiples

Depuis cinq ans maintenant, les équipes de Wattway travaillent donc d’arrache-pied pour développer une technologie capable de catalyser l’énergie solaire à même les routes. Elles y sont finalement arrivées en isolant des cellules photovoltaïques – celles-là mêmes qui permettent de transformer la lumière en courant électrique – dans une pellicule de résine épaisse d’à peine quelques millimètres.

Depuis cinq ans, les équipes de Wattway travaillent d’arrache-pied pour développer une technologie capable de catalyser l’énergie solaire à même les routes. Elles y sont finalement arrivées en isolant des cellules photovoltaïques dans une pellicule de résine épaisse d’à peine quelques millimètres.

Ainsi protégées, lesdites cellules sont transformées en dalle d’un mètre carré et peuvent ensuite être appliquées directement sur les surfaces bitumineuses. Le choix du mètre carré leur donne une certaine flexibilité, en fonction des projets de recouvrement potentiels. « Ce qui est avant-gardiste est cette capacité à isoler les cellules photovoltaïques », explique Arnauld de Sainte Marie en spécifiant que, sans cette couche de protection, ces cellules sont particulièrement cassantes et donc très difficiles à manipuler. « Nous sommes rendues à la seconde génération de la technologie, ajoute-t-il avec enthousiasme. On s’attelle maintenant à la tester dans différents environnements. »

L’énergie fournit par les 30 m2 de dalles est utilisée en autoconsommation du bâtiment adjacent à Sanem au Luxembourg. CR : Wattway

Ces tests in situ les ont ainsi amenées à poser leurs fameuses dalles dans toute sorte d’environnements : du climat particulièrement riche en humidité du Japon à celui plus désertique des Émirats arabes unis, en passant par celui, plus imprévisible du Canada. « L’objectif, bien sûr, est de pouvoir être capable de s’implanter partout. » Ces mises à l’épreuve ont également permis à Wattway de tester différents usages, que ce soit sur des surfaces plus vastes comme des autoroutes ou, tout simplement, en bordure d’une station de vélos électriques.

Pour l’instant, précise Arnauld de Sainte Marie, ce sont ces tests à plus petite échelle – et connus sous le nom de « Wattway pack » – qui sont les plus concluants et qui sont en voie de commercialisation. « Les potentiels sont immenses, avance-t-il. On pourrait, par exemple, recouvrir de dalles le stationnement d’une usine et, de cette façon, alimenter en énergie les bâtiments adjacents ! »

Environnement concurrentiel

Il faut dire que si l’entreprise française a longtemps été considérée comme le chef de file dans le domaine, elle doit aujourd’hui composer avec un bassin de concurrents de plus en plus important.



C’est ainsi qu’on a vu une autoroute chinoise être partiellement recouverte de panneaux photovoltaïques en 2018 ; le projet a toutefois été abandonné un an plus tard. Des tentatives similaires ont également vu le jour aux États-Unis, au Japon et aux Pays-Bas, pour ne nommer que ceux-là. « Au cours des dernières années, on a vu se former un véritable environnement concurrentiel, souligne le responsable du développement commercial de Wattway. C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour nous ! » ■


Percées québécoises ? le climat dit non

Au Québec, l’idée d’implanter une route solaire n’est présentement nulle part dans les cartons.
Interrogés à ce sujet, les porte-parole d’Hydro-Québec — qui détient une filière de recherche et développement sur les autres énergies renouvelables, dont l’énergie solaire —, ainsi que ceux du ministère des Transports (MTQ), ont été très clairs : rien pour l’instant n’indique qu’une telle idée soit envisagée au Québec et au Canada.
Notre hiver, avec ses variations de température intempestives, rend en effet nos décideurs publics assez prudents sur cette question. « Les aléas de notre climat rendent déjà difficile l’entretien des routes “normales”, souligne-t-on au MTQ avec lucidité. On est loin de penser à y appliquer des panneaux solaires. »
Même son de cloche du côté de Sintra, une filiale du Groupe Colas. « Aucun projet du genre n’est actuellement en cours au Canada », indique l’ingénieur Chris McLorg, vice-président, Ouest, chez Sintra.
Mais l’avenir, avec les progrès technologiques qui s’y rattacheront plus que jamais, nous surprendra-t-il ?
Un Wattway Pack de 12 dalles installé sur le parvis de La Défense à Paris pour alimenter la station de recharge pour trottinettes. Cr : Manuel Lagos Cid