MAGAZINE CONSTAS

La planification au cœur des grands projets

Rencontre avec Sébastien Marcoux, directeur conception-construction et vice-président de Construction Kiewit

« Tous les éléments du projet Turcot étaient interdépendants. Par exemple, dans certains cas, on devait terminer les travaux dans quatre secteurs différents du projet avant de procéder à un changement de phase. »

On sait que le contrat pour mener à bien le grand projet de reconstruction de l’échangeur Turcot fut octroyé, à la fin de 2014, au consortium KPH Turcot, formé de Construction Kiewit, de Parsons du Canada et du Groupe CRH Canada. Cela a fait de Construction Kiewit l’une des chevilles ouvrières de cet énorme chantier.

Par Jean Brindamour

Sébastien Marcoux, qui est président du conseil d’administration de l’ACRGTQ, occupe les fonctions de directeur conception-construction et vice-président chez Construction Kiewit : « Kiewit, rappelle-t-il, est présent au Québec depuis plus de 50 ans et a participé à de nombreux grands projets au cours des années, tels que les travaux de la phase 1 et phase 2 de la Baie James, la construction du pont de l’Autoroute 25 et bien d’autres projets de grande envergure. Cependant, un projet comme Turcot était unique, en raison de son ampleur, mais surtout de sa complexité exceptionnelle. »

 « Sur Turcot, explique Sébastien Marcoux, chaque pièce du casse-tête devait être placée au bon endroit, au bon moment, sans quoi, on risquait de recommencer ! Et on plaçait une pièce du casse-tête même si elle ne servait que quelques années plus tard. La clé est donc la planification et la communication constante entre les membres de l’équipe. »

Sébastien Marcoux, qui était alors directeur pour le Québec avant de devenir directeur adjoint de projet chez KPH Turcot, a dirigé les réponses à l’appel d’offres du MTQ. « J’ai été impliqué du début à la fin, souligne-t-il, et ce, dès l’appel de qualification au début 2012. L’appel de propositions a été lancé au printemps 2013 pour se conclure à l’automne 2014. Ce fut donc une implication soutenue pendant plusieurs années. »

Turcot, 2019. Descente des ouvriers dans l’un des deux puits nécessaires au raccordement du collecteur Haut Saint-Pierre. CR: MTQ (Édith Martin)

Une soumission complexe

Une soumission de cette envergure est un grand projet en soi. « C’est un travail énorme, indique l’ingénieur, mené par des équipes multidisciplinaires, tant au niveau de la conception que de l’estimation. Nous avions des rencontres spécifiques à toutes les semaines concernant toutes les disciplines impliquées dans le projet. La première question : de quelle façon pouvons-nous optimiser le concept préliminaire, tout en maintenant les nombreuses contraintes de temps, d’espace restreint, de gestion des matériaux en place et, bien sûr, de maintien de la circulation ? L’évaluation des risques est très importante, le langage contractuel de l’entente de partenariat l’est tout autant. »



Rôle du BIM

Pour ce projet très complexe la modélisation en imagerie en trois dimensions de l’échangeur existant – qu’il fallait démanteler – et des ouvrages à construire a été utilisée. Selon Sébastien Marcoux, le BIM est une façon de résoudre les défis que pose la complexité d’un tel projet. « Nous avons décidé de faire un modèle 3D dès le départ, précise-t-il, afin de s’assurer que notre planification respectait les nombreuses contraintes de mobilité et que le phasage des travaux fonctionnait à 100 %.

L’imagerie 3D est codifiée par couleur. Le gris représente les structures existantes; le rouge, les structures en démantèlement; le bleu, les nouvelles structures, etc. CR : AQTr

Nous avons modélisé chacune des nombreuses phases d’avancement du projet en y incluant : les structures existantes, les structures à démanteler, les structures temporaires et les nouvelles structures. Les conflits étaient très nombreux et la marge d’erreur très mince. La distance entre les structures existantes et les nouvelles n’étaient que de quelques centimètres dans certains cas. Nous n’aurions pu faire un exercice aussi complexe sans l’apport des modèles 3D. Ils ont d’ailleurs été utilisés tout au long du projet au fur et à mesure de l’avancement de la planification. »

« Les conflits étaient très nombreux et la marge d’erreur très mince. La distance entre les structures existantes et les nouvelles n’étaient que de quelques centimètres dans certains cas. Nous n’aurions pu faire un exercice aussi complexe sans l’apport des modèles 3D. Ils ont d’ailleurs été utilisés tout au long du projet au fur et à mesure de l’avancement de la planification. »  — Sébastien Marcoux

L’importance d’une bonne planification

Le jour 1 du lancement des travaux est arrivé. Tout le monde est en place. C’est le départ ! Il s’agit alors de trouver une vitesse de croisière, d’apporter les correctifs nécessaires, de passer de la théorie à la pratique. « Je dirais que le passage du virtuel au réel s’est fait très rapidement, se souvient l’ingénieur. La planification a débuté dès notre sélection. L’équipe de proposition a continué dans la phase de planification, conception et exécution, ce qui a permis d’être efficace rapidement. Afin de maintenir le chemin critique de notre échéancier, nous devions développer la conception, coordonner avec les parties prenantes, et mobiliser les équipes de travail et les équipements requis pour débuter les travaux de terrassement. Nous avons été en mesure de débuter le déplacement de 400 000 m3 de matériaux entreposés dans la cour Turcot quelques jours après la signature du contrat, tel que planifié. Comme sur tous les projets, un bon départ est un facteur clé de réussite, surtout comme celui de l’échangeur Turcot ! »



Difficile d’imaginer pour un profane le casse-tête que constitue la planification d’un projet semblable. Les travaux doivent tenir compte de mille détails, établir une séquence cohérente, maintenir un minimum de mobilité, juger des répercussions sur la circulation, répondre aux critères du MTQ, accommoder les autres instances impactées par les travaux (la Ville, le CN, etc.). Il faut absolument réussir à attacher tous ces fils ensemble. « Sur Turcot, explique Sébastien Marcoux, chaque pièce du casse-tête devait être placée au bon endroit, au bon moment, sans quoi, on risquait de recommencer ! Et on plaçait une pièce du casse-tête même si elle ne servait que quelques années plus tard. La clé est donc la planification et la communication constante entre les membres de l’équipe. Tout le monde avait son rôle et ses responsabilités. Il n’y avait pas de place à l’improvisation. Comme vous le savez, tous les éléments du projet Turcot étaient interdépendants. Par exemple, dans certains cas, on devait terminer les travaux dans quatre secteurs différents du projet avant de procéder à un changement de phase. Personne ne pouvait travailler seul dans son coin. »