MAGAZINE CONSTAS

Association canadienne de la construction : le point sur les enjeux

Rencontre avec John Bockstael, président de l’ACC

« Nous avons demandé au gouvernement fédéral d’accorder certaines exemptions au secteur des grands travaux. » – John Bockstael

Ingénieur de formation, PDG de Bockstael Construction Ltd., John Bockstael est président du conseil d’administration de l’Association canadienne de la construction (ACC) depuis le 28 mars 2019. Constas l’a rencontré*.

par Jean Brindamour

John Bockstael, président de l’Association canadienne de la construction (ACC)

On sait l’état déplorable de nos infrastructures. « Les données de l’édition 2019 du Bulletin de rendement des infrastructures canadiennes (BRIC), explique John Bockstael, montrent que les infrastructures publiques du Canada sont en mauvais ou en très mauvais état. Leur remise en état ou leur remplacement seront nécessaires dans les prochaines décennies pour continuer de répondre aux besoins des communautés. Le gouvernement fédéral a réagi de façon appropriée avec des initiatives telles que le “Plan investir dans le Canada”, qui prévoit 180 milliards de dollars de financement fédéral pour les infrastructures publiques sur 12 ans, et la Banque de l’infrastructure du Canada, qui investit dans des projets, tout en générant des revenus par le biais de capitaux publics et privés. »

Mais l’ACC craint que les niveaux de financement ne changent dans l’avenir. « Des fluctuations dans le transfert des fonds pour les projets, poursuit le président, entraînent un manque d’efficacité dans l’ensemble du système, ce qui pourrait contribuer à une augmentation des coûts de main-d’œuvre et ultérieurement à des licenciements. Au Québec, seulement 39% des fonds fédéraux de 2018 sont engagés, ce qui laisse des milliards de dollars sur la table. Le financement doit être stable, fiable et tenir compte de la situation des infrastructures à long terme pour que l’industrie de la construction puisse se développer en toute confiance. On y arriverait avec un plan sur 25 ans, prévoyant une allocation annuelle constante et transparente vouée au financement des infrastructures et définissant clairement les engagements de tous les niveaux de gouvernement. »



Encore faut-il avoir les travailleurs pour mener à bien ces travaux. « Le Canada a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée et stable, rappelle John Bockstael, mais l’Industrie est confrontée à une grave pénurie; 22% des travailleurs prendront leur retraite au cours de la prochaine décennie. Selon un rapport publié par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, le Québec fera face à la deuxième pénurie la plus grave, après la Colombie-Britannique. Il ne s’agit pas seulement d’un enjeu local pour tel ou tel entrepreneur. C’est un enjeu national qui nécessite une campagne nationale pour sensibiliser tous les candidats possibles et leur faire bon accueil. Cette course aux talents a incité l’ACC à élaborer une stratégie nationale visant à modifier l’image de l’Industrie et à attirer et fidéliser la main-d’œuvre de demain, en particulier les catégories sous-représentées telles que les femmes, les jeunes, les Autochtones et les Néo-Canadiens. C’est la thématique “Le talent a sa place ici”. Vous pouvez jeter un coup d’œil sur nos vidéos et sur certains de nos outils, notamment notre “Analyse de rentabilisation” au sujet de la diversité, sur notre site web (cca-acc.com). »

« Le Canada a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée et stable, mais l’Industrie est confrontée à une grave pénurie; 22% des travailleurs prendront leur retraite au cours de la prochaine décennie. Selon un rapport publié par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, le Québec fera face à la deuxième pénurie la plus grave, après la Colombie-Britannique.»
– John Bockstael



Un autre souci est celui de l’innovation. « Comparées aux entreprises de construction internationales, souligne M. Bockstael, les entreprises canadiennes accusent un retard dans le développement et l’acquisition de technologies qui permettraient de réduire les coûts, de remédier aux pénuries de main-d’œuvre et d’accroître la productivité. Un obstacle majeur à l’innovation est la règle du plus bas soumissionnaire. Adopter la voie de l’innovation peut comporter des risques, et ceux-ci sont souvent transférés à l’entrepreneur. De tels investissements sont encore plus périlleux pour les petites et micro-entreprises, qui n’ont pas toujours les ressources financières et l’expertise pour développer et implanter une stratégie technologique. Les gouvernements peuvent jouer un rôle de leadership comme donneurs d’ouvrage, en offrant du financement en R&D à l’Industrie ou d’autres incitatifs pour favoriser l’innovation. Le gouvernement canadien peut faire avancer les choses encore davantage en utilisant la Banque de l’infrastructure du Canada pour structurer des investissements mettant en valeur l’innovation, sans ajouter de coûts à l’entrepreneur. Des incitatifs ainsi qu’un soutien à la demande de l’ACC de financer des stages auraient également un impact et renforceraient la capacité de l’Industrie. »



Un Canada toujours moins compétitif

Les États-Unis sont actuellement bien plus attrayants que nous pour les investisseurs; c’est pourquoi le président de l’ACC se porte à la défense de la compétitivité et de l’attractivité canadiennes : « L’enjeu de la confiance des investisseurs envers le Canada, indique John Bockstael, est une préoccupation majeure de l’Industrie et l’un de nos principaux dossiers auprès du gouvernement. Des entreprises canadiennes et internationales voient leurs projets bloqués dans les dédales de la réglementation, les empêchant d’investir à temps leurs importantes ressources financières, et risquant en outre de refroidir l’intérêt d’autres investisseurs. »

Les États-Unis sont actuellement beaucoup plus attrayants que le Canada pour les investisseurs.

« Comparées aux entreprises de construction internationales, les entreprises canadiennes accusent un retard dans le développement et l’acquisition de technologies qui permettraient de réduire les coûts, de remédier aux pénuries de main-d’œuvre et d’accroître la productivité. Un obstacle majeur à l’innovation est la règle du plus bas soumissionnaire. » – John Bockstael

Le président de l’ACC reconnaît que les changements climatiques constituent une menace globale pour l’environnement et souhaite collaborer avec le gouvernement pour soutenir les objectifs de développement durable, mais sans diminuer la compétitivité de l’Industrie : « Voici quelques-unes des exemptions qui aideraient l’industrie de la construction à rester compétitive : établir des rabais et des crédits d’impôt pour les entreprises qui adoptent des nouvelles technologies “vertes”, appliquer la taxe sur le carbone à la pompe avant la taxe provinciale, la taxe d’accise et la TPS, exclure de la TPS les dispositifs pour éviter la marche au ralenti des moteurs; nous avons aussi demandé au gouvernement fédéral d’accorder certaines exemptions au secteur des grands travaux. Les nouvelles politiques, comme celles sur la tarification du carbone et les retombées locales, doivent tenir compte de la nécessité pour le Canada de rester compétitif dans l’économie mondiale. Toutes les politiques projetées doivent préserver l’intégrité et l’équité du système d’appel d’offres et renforcer la confiance des investisseurs. » •

* Cet entretien s’est déroulé en anglais.