MAGAZINE CONSTAS

Un tunnel centenaire sur la voie du REM

Le tunnel Mont-Royal, le premier métro canadien

En 2014, l’Agence métropolitaine de transport (AMT) s’est porté acquéreur des infrastructures, des voies et de l’ensemble du matériel ferroviaire de la ligne Montréal-Deux-Montagnes pour 97 millions de dollars. Récemment, la Caisse de dépôt et de placement en a fait l’acquisition, incluant le tunnel Mont-Royal, pour 125M$.

Le tunnel Mont-Royal, qui a eu ses cent ans en octobre 2018, est situé dans son entrée sud sous la Place Ville-Marie et se rend, 5,3 km plus loin, du côté nord du mont Royal jusqu’à la gare Canora (contraction de Canadian Northern Railway), anciennement Portal Heights. Cette infrastructure a été creusée, de 1912 à 1918, à main d’homme, dans le roc, ce qui explique sa solidité exceptionnelle.

Par Jean Brindamour

À l’époque, deux chantiers, l’un au nord, l’autre au sud, furent mis en branle, et les deux parties du tunnel se rejoignirent de façon quasi parfaite, à quelques centimètres près, en décembre 1913. Le 21 octobre 1918, en pleine épidémie de grippe espagnole, plus de 45 ans avant le métro de Toronto, un premier train inaugura ce tunnel que le grand spécialiste de l’histoire ferroviaire Anthony Clegg a nommé « le premier métro du Canada ». Des locomotives mues à l’électricité ne se déplaçaient-elles pas en pleine ville sur un chemin de fer souterrain, comme dans les autres métros du monde ? Jusqu’en 1940, raconte Anthony Clegg, le coût de la traversée du tunnel ne dépassait pas 6 ¼ cents.



Cette prouesse technologique, on la doit au Canadian

Northern Railway (CNoR) et à son ingénieur en chef, Henry K. Wicksteed (1855-1927). L’audacieuse entreprise fut payée chèrement puisque la compagnie, loin d’en tirer profit, en sortie ruinée. C’est alors que le gouvernement fédéral intégra en 1919 le CNoR au Canadian Government Railways, et créa en 1920, le Canadien National (CN), qui absorba un peu plus tard le Grand Trunk Railway. Le CN eut la responsabilité de la gestion de la ligne Deux-Montagnes, qui incluait le tunnel Mont-Royal, pendant plusieurs décennies.

En 1961, le maire Jean Drapeau présente son premier plan de ce qui allait devenir le métro. Une ligne 3 était alors prévue : la ligne rouge. Cette ligne devait traverser Montréal dans l’axe nord/sud et emprunter le tunnel Mont-Royal. Divers obstacles – dont la résistance des municipalités environnantes, puis le choix de Montréal comme ville hôte de l’Expo 67 qui rend urgente la construction de la ligne 4 (jaune) vers la Rive-Sud – enterrent l’idée d’une ligne rouge qui renaît toutefois en 1983, avec la construction de la station Édouard-Montpetit. Le tunnel, à cet endroit, étant d’une profondeur de 70 mètres, l’on envisage une connexion avec des ascenseurs à haute vitesse. Le projet avorte mais non seulement l’idée reste-t-elle et sera-t-elle reprise par les ingénieurs du Réseau express métropolitain (REM), mais le tronçon principal du REM reprend essentiellement le plan de 1961.



Une renaissance grâce au REM

En 2014, l’Agence métropolitaine de transport (AMT) s’est porté acquéreur des infrastructures, des voies et de l’ensemble du matériel ferroviaire de la ligne Montréal-Deux-Montagnes pour 97 millions de dollars. Récemment, la Caisse de dépôt et de placement en a fait l’acquisition, incluant le tunnel Mont-Royal, pour 125M$. C’est une filiale de la Caisse de dépôt, InfraMtl, qui sera responsable de la gestion du tunnel, du viaduc du sud et de la gare centrale de Montréal. Il reste à donner à ce vénérable tunnel une cure de jeunesse. Jean-Vincent Lacroix, le directeur, relations médias et porte-parole du bureau de projet du REM, précise en quoi elle consistera : « Les travaux sont partiellement commencés et s’intensifieront à partir de l’été, alors qu’une portion du tunnel sera entravée pour entamer la liaison entre le tunnel et la station Édouard-Montpetit. À compter du début 2020, les travaux entreront dans une phase particulièrement active, alors que le tunnel sera entièrement fermé pour les travaux. Il sera alors possible de moderniser cette infrastructure centenaire en effectuant le remplacement de ses systèmes d’éclairage, de communication, mais aussi électriques, ainsi qu’une mise aux normes NFPA 130. Les rails et ses fondations seront aussi remplacés. À terme, le tunnel subira une cure de jeunesse profonde afin qu’il puisse servir pour des décennies et accueillir un métro léger automatisé à haute fréquence (passage aux 2,5 minutes). »

« Le tunnel subira une cure de jeunesse profonde afin qu’il puisse servir pour des décennies et accueillir un métro léger automatisé à haute fréquence (passage aux 2,5 minutes), explique Jean-Vincent Lacroix. »

Il y eut une certaine résistance des responsables du REM devant la perspective que le tunnel accueille non seulement les trains légers du REM, mais aussi les trains à grande fréquence (TGF) Québec-Montréal, beaucoup plus lourds. « Dans les discussions concernant l’usage partagé du tunnel du Mont-Royal, indique M. Lacroix, un expert indépendant mandaté par Transport Canada a conclu que les deux projets (TGF et REM) pourraient cohabiter dans le futur. D’ici à ce développement technologique, une station de correspondance est prévue afin de ne pas retarder la réalisation du TGF. Nous avons également pris l’initiative d’inclure dans les exigences de conception du projet du REM les requis techniques des trains du futur TGF. Par exemple, les rails qui seront installés dans le tunnel du Mont-Royal seront conçus de manière à supporter les poids des trains du futur TGF.  Une entente de collaboration a été signée récemment, le 18 janvier 2019, pour identifier les coûts, les spécifications et les impacts pour l’interopérabilité des deux réseaux. »



Travaux en cours, secteur Mont-Royal

L’excavation de la station Édouard-Montpetit (près de l’Université de Montréal) a débuté en septembre 2018. La station du REM devrait être mise en service vers 2022. L’idée déjà discutée en 1983 d’installer des ascenseurs à haute vitesse, d’ailleurs indispensables à cet endroit à cause de la profondeur du tunnel, se réalisera enfin. « Le grand défi de cette station est d’effectuer son excavation dans un milieu densément bâti. Nous soulignons souvent que cette station sera la deuxième plus profonde en Amérique du Nord après celle de Washington Park en Oregon. Cette dernière est toutefois située en plein cœur d’un parc. Sa construction ne représente pas les mêmes défis techniques. À Édouard-Montpetit, nous sommes à côté de l’université, près d’une école, juste à côté du tunnel du métro de la ligne bleue et à proximité de canalisations de la Ville de Montréal. Nous devons procéder de façon chirurgicale et utiliser des techniques hautement précises comme des micro-sautages contrôlés pour excaver les 70 mètres de profondeur qui relieront le tunnel Mont-Royal à la surface. Au-delà des défis d’ingénierie, nous avons mis en place une collaboration étroite avec l’ensemble de nos partenaires afin de procéder avec agilité à chacune des étapes pour permettre l’avancement des travaux tout en respectant les communautés environnantes. »

 

Intégration des stations dans le tunnel sous le mont ­Royal. CR: CDPQ Infra

 

Les travaux du REM à la station McGill ont aussi commencé. Cette station donnera accès à la ligne verte du métro et au réseau piétonnier souterrain de Montréal (RÉSO). Elle sera connectée au Centre Eaton et à la Place Montréal Trust. Des escaliers mécaniques et des ascenseurs permettront de faire la liaison entre les quais du REM et ceux du métro. « Nous sommes présentement, poursuit Jean-Vincent Lacroix, dans la deuxième phase des travaux de cette station qui consiste à construire la liaison entre la station du REM et la ligne verte du métro de Montréal. La troisième phase débutera au printemps et consistera à excaver l’avenue McGill College afin de pouvoir accéder au tunnel Mont-Royal. C’est là que sera construite la future station du REM, une station au cœur du centre-ville de Montréal, à deux minutes de la rue Ste-Catherine. À terme, cette station sera la seconde plus achalandée de notre réseau en offrant un accès direct au centre-ville et en évitant le passage obligé par la gare Centrale. Cette station serait opérationnelle en 2022 et offrira une fréquence aux 2,5 minutes en heure de pointe. Cette station contribuera à faire du REM une nouvelle ligne de métro au cœur de la Ville en permettant, par exemple, de franchir le mont Royal en 3 minutes vers la station Édouard-Montpetit. »

 

REM / STATION ÉDOUARD-­MONTPETIT. Profondeur de la station : 70 mètres (20 étages) – parmi les plus profondes en Amérique du Nord. Ascenseurs à haute capacité (5 000 personnes / heure), grande fréquence et à grande vitesse permettant d’accéder à la surface et au quai en 20 secondes. Excavation de 25 000 m3 de roc. Méthodes d’excavation semblables à celles de l’aménagement d’une mine souterraine. CR: CDPQ Infra

Une bureau de projet en place

On sait que les deux consortiums choisis pour réaliser le grand projet du REM sont le Groupe NouvLR, composé de SNC Lavalin Grands Projets Inc., Dragados Canada Inc., Groupe Aecon Québec ltée, Pomerleau inc. et EBC inc., et le Groupe des Partenaires pour la Mobilité des
Montréalais (GPMM), formé de d’Alstom Transport Canada Inc. et de SNC-Lavalin O&M inc. Il y a un an, le directeur des relations médias à CDPQ Infra, avait signalé à Constas qu’une compagnie de projet serait créée prochainement, afin de diriger ces deux consortiums « Le bureau de projet du REM est effectivement créé, conclut aujourd’hui M. Lacroix, les ressources qui y travaillent sont dédiées à la réalisation du REM et travaillent en étroite collaboration avec CDPQ Infra. Le bureau de projet veille ainsi à la construction du REM en suivant les activités de NouvLR et GPMM, et en participant à la coordination et à la planification des chantiers, ainsi qu’à la communication auprès des partenaires, du grand public et des usagers. » •