MAGAZINE CONSTAS

Danyang-Kunshan, le plus long viaduc du monde

Un train au-dessus de la rizière

« Lorsque la Chine s’éveillera, le monde tremblera… », aurait prédit Napoléon. Mais sans deviner que ce serait d’admiration pour les prouesses techniques de ses infrastructures, notamment en matière de ponts. En effet, l’Empire du Milieu ne fait pas dans la demi-mesure : la Chine tient le haut du pavé dans le palmarès, rigoureusement répertorié par le Guinness des records, des infrastructures les plus emblématiques de la planète; comme, entre autres, le pont Danyang-Kunshan, le plus long viaduc ferroviaire du monde !

par Michel Joanny-Furtin

Les ingénieurs chinois ont pris en compte les risques d’intempéries dans les zones inondables situées entre Kunshan et Danyang.

Dans la liste des ponts les plus longs du monde, l’Empire Céleste a bâti les trois premiers ponts, tous ferroviaires, de ce hit-parade pharaonique toutes catégories confondues, ponts routiers inclus ! Et les deux premiers sont situés sur la même ligne à grande vitesse (LGV), entre Beijing et Shanghai. Entre eux, une courte différence de…51 km ! Le pont Danyang-Kunshan ne mesure pas moins de 164,8 km, suivi du grand viaduc de Tianjin qui cumule 113,7 km. Sur la même ligne de train à grande vitesse, mais en 5e place, on y ajoutera le grand viaduc de Beijing avec 48,2 km.

Scène de construction d’une ligne à grande vitesse en Chine. Avec 22 000 km de ligne à grande vitesse, la Chine a construit en moins de 10 ans le plus grand réseau ferré du monde, soit environ 60% du total mondial.

Bâti par l’État chinois, le viaduc ferroviaire entre les villes de Danyang et Kunshan fait partie du tracé de la LGV qui relie Shanghai à Beijing, les deux plus grandes zones économiques du pays. Même si une section d’environ 9 km franchit réellement les eaux libres du lac Yangcheng, un lac d’eau douce au nord-est de Suzhou dans la province de Jiangsu, cet ouvrage architectural gigantesque de 164 800 mètres de long traverse essentiellement des terres agricoles, une partie du delta du fleuve Yangtsé, des lacs et des rivières. Surélevée en moyenne à environ 31 mètres du sol, cette voie ferrée surplombe des canaux et des rizières basses inondables.

Un viaduc au-dessus des rizières

« Les ingénieurs chinois ont pensé le projet du pont en prenant en compte les risques d’intempéries dans les nombreuses zones inondables situées entre les villes de Kunshan et de Danyang. Par ailleurs, les terres inhabitées traversées par la ligne ferroviaire à grande vitesse ont des caractéristiques géologiques et géographiques (canaux, marécages, terre friable) qui ont contraint les autorités chinoises à construire un viaduc, à la fois pour protéger la ligne, mais aussi pour réduire la sédimentation des terres », apprend-on sur le site L’internaute.
Parallèlement, le pont Danyang-Kunshan affiche un dénivelé de 2130,70 mètres sur 164,80km, soit 12,93 mètres de dénivelé par kilomètre de pont. Les constructeurs chinois utilisent donc ces lignes surélevées pour maintenir les voies ferrées à grande vitesse droites et nivelées sur des terrains accidentés, et pour économiser sur les coûts d’acquisition des terrains.

Un pont de 165 km en 4 ans seulement

Situé entre Shanghai et Nanjing, le pont Danyang-Kunshan traverse cinq villes dont les gares – sur le pont! – de Danyang Nord, Changzhou Nord, Wuxi Est, Suzhou Nord et Kunshan Sud. L’infrastructure est constituée essentiellement de pièces préfabriquées, des poutres-caissons de 32 mètres de long, jusqu’à 80 mètres de travée maximale pour les composants les plus longs, utilisés pour le pontage de routes, de voies ferrées ou de voies navigables. Les poutres-caissons ont été construites dans quatre installations de production le long de la route, amenées sur le site de la section de pont déjà construite, puis placées sur les piliers au moyen d’une grue spéciale.

La construction des 165 km de pont a été lancée en 2006 et a duré quatre ans, employant parfois plus de dix mille travailleurs. La construction du premier des 2000 piliers commença le 7 avril 2008. La pose de la voie ferrée fut achevée le 6 novembre 2010 et l’exploitation de la ligne à grande vitesse inaugurée le 30 juin 2011.

Le tracé du Danyang-Kunshan. Situé entre Shanghai et Nanjing, le pont Danyang-Kunshan traverse cinq villes dont les gares (surélevées) de Danyang Nord, Changzhou Nord, Wuxi Est, Suzhou Nord et Kunshan Sud.

Une ligne hors normes

Affichant « une distance de 1 318 kilomètres, la LGV Beijing-Shanghai est aussi la plus longue ligne à grande vitesse construite en une seule phase », affirme l’agence de voyage Continents Insolites. « 86,5% de la ligne soit 1 140 km sont surélevés. Elle traverse 22 tunnels et 244 ponts. Les longueurs cumulées des tunnels atteignent 16,1 km.

La construction de la ligne à grande vitesse a coûté près de 35 milliards de dollars canadiens, dont 11 G$ pour le seul viaduc Danyang-Kunshan; soit presque le tiers du budget global pour bâtir un huitième de la longueur de cette LGV.
Reliant les deux villes en 5h environ, la LGV Beijing-Shanghai a été ouverte aux voyageurs le 1er juillet 2011 avec un an d’avance sur le calendrier. Elle est aussi la plus populaire puisqu’elle transporte pas moins de 55 000 passagers par jour vers ses 22 stations dans différentes villes. •


Fait à noter. Gare de Beijing. Reliant les deux plus grandes zones économiques du pays, 86,5% de la ligne Beijing-Shanghai, soit 1 140 km sur 1 318, est surélevée.
Les LGV en Chine. La nouvelle Route de la Soie.
Avec 22 000 km de ligne à grande vitesse, la Chine a construit en moins de 10 ans le plus grand réseau ferré du monde, soit environ 60% du total mondial. Selon He Huawu de l’Académie chinoise d’Ingénierie, près du tiers de ce réseau a été conçu pour permettre une vitesse de 350 km/h. La Chine envisage de relier 80% des villes chinoises en 2020 avec 30 000 km de LGV pour atteindre 45 000 km en 2030. Le projet de la nouvelle Route de la Soie prévoit une LGV entre l’Asie et l’Europe occidentale via la Russie et la Pologne… jusqu’à Londres !