MAGAZINE CONSTAS

Nouveau lien routier entre Hong Kong, Zhuhai et Macao

L’HKZM , le pont maritime le plus long de la planète

Ce que fait la Chine

Imaginons un pont-tunnel routier de 62 km entre Matane et Baie-Comeau, ou plus précisément entre Matane et Godbout, soit 55,2 km. Impensable, diriez-vous ! Et pourtant la Chine l’a fait entre Hong Kong et Macao. Le pont HKZM (pour Hong Kong-Zhuhai-Macao) est désormais le plus long pont routier maritime du monde. Réalisé dans le cadre du projet de la Grande Baie, il aligne 55 km dans le delta de la rivière des Perles pour relier 11 villes du sud de la Chine, dont Hong Kong, Zhuhai et Macao.

par Michel Joanny-Furtin

Certes la Chine détient déjà le record du plus long pont ferroviaire avec le viaduc Danyang-Kunshan (164,8 km). S’ajoute donc à ces records typiquement chinois ce pont-tunnel autoroutier, maritime de surcroît, qui serpente sur 55 km au-dessus des eaux de l’estuaire de la rivière des Perles. Grâce à des îles artificielles et d’immenses échangeurs, le pont-tunnel relie l’île de Lantau (Hong Kong), la ville de Zhuhai et l’ancien comptoir portugais de Macao dans la province du Guangdong, une région en plein boum économique. La mission de ce lien est tout aussi politique (« 1 pays, 2 systèmes ») et doit symboliquement changer la culture de cette région et réécrire les liens étroits entre Macao, Hong Kong et le continent chinois.



L’ouvrage colossal raccorde d’est en ouest une île poste-frontière, 10 km d’autoroute, une première île artificielle (pour accéder à un tunnel immergé de 6,7 km à 40m de profondeur sous le niveau de la mer), une seconde île artificielle (pour rejoindre 22,9 km de pont autoroutier de 2×3 voies, soutenus à trois reprises par des haubans), une seconde île poste-frontière, puis enfin Zuhai, avant de donner accès à Macao. Auparavant, des traversiers effectuaient plus de 150 rotations par jour entre Hong Kong et Macao. Selon le South China Morning Post, un quotidien de Hong Kong, le trajet prendra désormais 45 minutes entre Hong Kong et Zhuhai au lieu de 4 heures par voie terrestre…

 

Grâce à des îles artificielles et d’immenses échangeurs, le pont-tunnel relie l’île de Lantau (Hong Kong), la ville de Zhuhai et l’ancien comptoir portugais de Macao dans la province du Guangdong, une région en plein boum économique. Ci-contre l’Eastern Artificial Island, en mai 2017. CR : Stomatapoll.

Perles, jade et fil d’argent

Souvent lyriques, les concepteurs chinois imagent leur ouvrage comme une combinaison successive de ponts, îles et tunnels qui forment selon eux un collier de perles et de jade sur un fil d’argent. Or ce bijou technique doit assurer une résistance aux typhons de niveau 6 et aux séismes de force 8, et ce pour un service utile de… 120 ans ! On imagine alors le déploiement exponentiel de nouvelles technologies dans les huit dernières années qui, selon les ingénieurs chinois, a littéralement boosté le savoir-faire ancestral de l’Empire du Milieu en matière d’innovation : plus de 1000 brevets ciblant la norme la plus élevée ont été déposés autour du projet. Ils placent l’expertise chinoise à l’avant-garde des ponts de nouvelle génération.

Le pont HKZM commence la traversée de la grande baie près de l’aéroport de Hong Kong.

Ainsi, l’acier du pont devait résister à l’eau de mer, faible en oxygène et très chargée en sel, donc très corrosive. Le coût prohibitif de l’importation d’un acier inoxydable austéno-ferritique, communément appelé duplex, a convaincu les ingénieurs chinois de le produire chez eux. Quoique jamais tentée en Chine, la fabrication de cet acier duplex fut un succès.

La structure du pont a demandé 420 000 tonnes d’acier soit 60 fois la Tour Eiffel et 4,5 fois le Golden Gate Bridge de San Francisco…

La présence de trois aéroports internationaux à proximité limitait la hauteur des travaux à 122 mètres maximum. Or les tours des haubans mesurent 120 m. Elles ont donc été assemblées et tractées à l’horizontale puis levées sur le site. Et ce en tenant compte de la météo car les typhons fréquents dans cette région soufflent jusqu’à 200 km/h !



Malgré les caprices de la météo, les cylindres d’ancrage des îles artificielles ont été placés sur leurs sites respectifs par satellite GPS. Et il a fallu penser aussi au risque de séisme en créant un caoutchouc à fort amortissement pour consolider en souplesse les pieds des tours à haubans.

4 000 navires et les dauphins blancs de Chine

Le tunnel sous-marin, quant à lui, aligne 33 tronçons de 76 000 tonnes chacun. Au plus fort des travaux, le chantier dédié produisait deux tronçons par mois. Le grand défi technique était de produire un acier résistant au chlorate, le pire ennemi de l’acier des treillis du béton armé. Ce tunnel a été conçu pour ne pas gêner l’important trafic maritime du delta de la rivière des Perles que traversent près de 4 000 navires par jour. La zone maritime s’organise autour d’un chenal de 30 km de large. Il a fallu redessiner les voies de navigation le temps de certains travaux. Et plutôt que d’envisager un pont rectiligne, celui-ci devait courber ses lignes afin de créer des angles droits avec les courants marins pour respecter les voies de navigation.

Les dauphins blancs de Chine, dont l’espèce est en danger d’extinction, commandaient des contraintes spécifiques pour les constructeurs, dont l’interdiction des marteaux diesel et du dragages des fonds.

Depuis 2003, cette baie abrite également un sanctuaire pour les dauphins blancs de Chine, une espèce en danger. Sous l’impulsion des groupes écologiques, les concepteurs ont eu une préoccupation particulière pour la protection de l’environnement et de la faune marine locale en interdisant entre autres les marteaux diesel et le dragage des fonds. Une approche environnementale désormais inscrite comme un modèle pour les futurs projets d’infrastructures. •