BITUME VERSUS TRAFIC
Implantation au MTQ de la classification des bitumes basée sur l’essai MSCR
L’objectif poursuivi par le MTQ est de faire usage de bitumes performants mieux adaptés au climat et aux niveaux de sollicitations des routes.
Le système de classification des bitumes qui sera implanté par le Ministère des transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (MTQ) en 2019 représente une évolution par rapport au système en place. Ce nouveau système, basé sur l’essai MSCR (Multiple Stress Creep Recovery), vise à corriger certaines lacunes de classification et à mieux évaluer l’aptitude des bitumes à résister aux déformations permanentes suite à des sollicitations répétées.
par Michel Joanny-Furtin
Il y a un peu plus de 20 ans, le MTQ adoptait un tout nouveau système de classification des bitumes basé sur leurs performances aux températures de service. Les essais rhéologiques développés dans le cadre du programme SHRP (Strategic Highway Research Program) tenaient compte des températures associées au climat, mais ne considéraient pas directement l’effet du trafic. Développé aux États-Unis et au Canada, ce système de classification représentait une révolution par rapport au système de classification précédent basé essentiellement sur des essais de pénétration et de viscosité.
« L’objectif poursuivi par le MTQ en implantant ce nouveau système de classification sur tout le réseau routier de la province est de faire usage de bitumes performants mieux adaptés au climat et aux niveaux de sollicitations des routes. En raison du meilleur pouvoir prédictif de la résistance aux déformations permanentes du système de classification basé sur l’essai MSCR, la fréquence et la gravité des ornières de fluage sur les routes et autoroutes seront grandement réduites», précise Gaétan Leclerc, M.Sc., chimiste auprès de la Direction des matériaux d’infrastructures au MTQ.
Le chimiste nous explique les fondements de l’essai MSCR et nous décrit les niveaux de résistance à la sollicitation du trafic à la base de cette nouvelle classification. Les principaux changements qui seront apportés à la norme 4101 «Bitumes», aux méthodes LC, aux documents contractuels et aux guides abordés. De plus, en raison des changements apportés à la structure organisationnelle du Ministère et aux limites des Directions générales territoriales, les nouvelles frontières des zones climatiques du Québec seront présentées. Finalement le tableau de recommandations sur le choix des composants des enrobés en lien avec la nouvelle classification MSCR sera dévoilé. « Bien que ce tableau ne soit pas contractuel, il est un outil indispensable pour les concepteurs qui rédigeront des devis pour le MTQ mais également pour ceux qui en rédigeront pour le compte des villes et des municipalités. »
Avantages de l’essai MSCR
Le principe de l’essai MSCR consiste à mesurer, à l’aide d’un rhéomètre à cisaillement dynamique, la déformation obtenue en soumettant le bitume à des périodes de contraintes et de relaxation successives. L’essai MSCR reflète plus fidèlement les conditions routières et climatiques que les essais actuels basés sur la recouvrance d’élasticité et sur le paramètre G*/sind (module complexe de cisaillement / sinus de l’angle de phase). « En effet, dans le cas du MSCR, les contraintes appliquées sont beaucoup plus sévères et l’essai est réalisé sur le bitume préalablement vieilli à court terme pour simuler le vieillissement subi par ce dernier lors de la fabrication et du transport de l’enrobé », détaille M. Leclerc. « L’essai est effectué à la température maximale pouvant être atteinte à la surface d’un enrobé (52˚C, 58˚C ou 64˚C) et non pas aux températures majorées de 70˚C et même de 76˚C comme c’est le cas présentement. Ainsi, la notion de «grade bumping», mise en place comme artifice pour des conditions de trafic plus sévères, disparaît dans le système de classification MSCR. Finalement, les temps de relaxation sont suffisamment longs de sorte que le délai de la réponse élastique d’un bitume n’est pas confondu dans la composante visqueuse de ce dernier. » Ainsi, les avantages des bitumes avec des réseaux polymériques ramifiés sont clairement identifiés par l’essai MSCR ce qui n’est pas le cas actuellement.
Classification des bitumes basée sur l’essai MSCR
La classification basée sur l’essai MSCR amène un changement de nomenclature des bitumes en intégrant une lettre associée à un niveau de sollicitation du trafic. Ainsi, en 2019, les bitumes seront définis par l’expression PG Hn-L, où n représente le niveau de résistance à la sollicitation du trafic. Quatre niveaux de sollicitation sont définis : S (Standard), H (Fort), V (Très fort), ou E (Extrême). Le tableau ci-dessus montre les bitumes qui seront en usage en 2019 pour chacune des zones climatiques et qui remplaceront les bitumes actuels.
Transition vers la nouvelle classification MSCR
Dès 2008, le MTQ avisait les fournisseurs de bitume qu’il menait des études sur un nouvel essai en émergence soit l’essai MSCR. Depuis 2013, les fournisseurs de bitume ont l’obligation d’inscrire les résultats de trois des paramètres de l’essai MSCR sur leurs attestations de conformité. Un programme d’échange regroupant l’ensemble des fournisseurs de bitume et les deux laboratoires du MTQ a été réalisé en 2015 dans le but d’établir la fiabilité de cet essai avec des bitumes locaux. Finalement, un comité technique regroupant des membres de l’industrie et du MTQ a été créé en 2014 afin d’assurer une transition harmonieuse menant à l’implantation de la nouvelle classification basée sur l’essai MSCR.
Les zones climatiques du Québec
Zone 1
Montréal-Laval, Montérégie et Rive-Nord.
Zone 2
Outaouais, Laurentides-Lanaudière, Mauricie-Centre du Québec, Estrie, Capitale-Nationale, Chaudières-Appalaches, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Anticosti, le littoral de la Côte Nord, le sud du Lac-Saint-Jean et le fjord du Saguenay.
Zone 3
Abitibi-Témiscamingue, Nord du Québec, Côte-Nord, et le nord du Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau.
L’année 2018 est donc une année de transition qui sera consacrée à la modification des documents contractuels, normes, méthodes LC et guides ainsi qu’à la formation des divers intervenants impliqués dans la conception, la construction et l’entretien des chaussées en enrobé. « Il faut que tous les intervenants comprennent bien le pourquoi et le comment de ces changements qui visent à faire usage de bitumes performants mieux adaptés au climat et au trafic tout en ne multipliant pas le nombre de classes de bitumes en usage au Québec », indique Gaétan Leclerc en guise de conclusion. •
Bibliographie
1. Federal Highway Administration, Office of Pavement Technology, FHWA-HIF-11-038, April 2011. « The Multiple Stress Creep Recovery (MSCR) Procedure ».
2. Asphalt Institute. Asphalt Institute Guidance Document, April 2010 «Implementation of the Multiple Stress Creep Recovery Test and Specification ».