10 ans consacrés au matériaux
Avis d’experts
En matière de structure et de chaussée, la question des matériaux, ainsi que des équipements utiles à leur observation, est sans doute ce qui a le plus évolué ces dix dernières années. Afin de mieux en saisir l’importance, nous avons demandé à plusieurs experts de nous éclairer dans leur spécialité respective.
par Michel Joanny-Furtin
L’Institut national d’optique (INO) et dix ans de progrès en appareillage
« Avant, les techniciens consacraient de longues heures sur une captation vidéo pour repérer les défauts des chaussées tels que la fissuration. Il était difficile de dresser un portrait préventif complet », raconte Nathalie Renaud, gestionnaire du programme Énergie et ressources naturelles de l’Institut national d’optique (INO) du Québec.
« Notre service Recherche & Développement est parti d’un capteur de gradation des planches de bois pour développer, selon une approche similaire, le système laser d’orniérage (LRMS), puis le système d’imagerie des routes (LRIS) et celui de mesure de fissures (LCMS) », précise Daniel Lefebvre, chercheur à l’INO. « Les premiers systèmes sont apparus en 1998. On les a adaptés aux aléas d’une chaussée (couleur, marquages noirs, bitume de réparation), avec plus de vigilance sur les chaussées en béton en raison des joints ou des stries qui ne sont pas des fissures. »
« Avec la technologie laser, deux capteurs placés sur un véhicule roulant à 100 km/h permettent la captation de plus de 2000 points par senseur, soit 4000 points par mesure transversale de chaussée. Chaque système scanne ainsi la chaussée sur plusieurs kilomètres, en relevant à chaque millimètre, une ligne de 4 mètres de large. Analysés en 3D, ces scans révèlent les problèmes de structure, d’enrobés, etc. », explique Nathalie Renaud. « Avec cette technologie 3D, le gain de temps et de personnel est considérable et les interventions de réhabilitation sont mieux ciblées. »
INO. Regard sur l’avenir
L’observation des chaussées nécessite toujours l’amélioration des appareillages. « Inventaire automatique des panneaux, mesures des feux de circulation, validation des photo-radars, etc., nous travaillons périodiquement avec le MTQ sur d’autres développements et aménagements optiques », conclut Nathalie Renaud.
L’École de technologie supérieure (ÉTS) et les nouveaux modèles d’observation
« La conception des matériaux a effectivement beaucoup évolué ces dernières années », constate Alan Carter, professeur au Département de génie de la construction de l’ÉTS (École de technologie supérieure) de Montréal. « Nous étions sur des modèles empiriques auparavant. Grâce aux avancées technologiques, nous procédons désormais sur des modèles d’observation avec de meilleurs enrobés et de meilleurs contrôles de l’évolution des chaussées. Tout ce qui concerne les matériaux, les polymères, la formulation des mélanges, etc., a fait énormément de progrès et en fera encore », pense le professeur de l’ÉTS.
« Il a fallu du temps et les contraintes économiques pour intégrer peu à peu les produits recyclés dans les mélanges », rappelle Alan Carter de l’ÉTS.
« Nous travaillons dans un domaine réfractaire au changement », admet-il. « Il a fallu du temps et les contraintes économiques pour intégrer peu à peu les produits recyclés dans les mélanges », rappelle Alan Carter. « Mais imaginer une chaussée recyclée à 100% est prématuré sous le climat québécois. Toutefois des états du sud des États-Unis le font déjà sur des chaussées à faible trafic. Nous améliorons peu à peu le minimum déjà atteint en ajoutant une plus-value environnementale à nos pratiques antérieures. »
ÉTS. Regard sur l’avenir
Selon Alan Carter, les applications des chaussées en béton évoluent de façon intéressante en termes de coût, de résistance et d’adaptabilité à la pression du trafic. « Selon moi, l’avenir apportera une amélioration des produits composant les mélanges. Toutefois on devra cibler l’entretien préventif pour limiter les coûts. Un choix à faire pour maintenir et protéger notre environnement. »
L’Université de Sherbrooke et les armatures en polymères renforcées (PFR)
Les barres d’armature en polymères renforcés de fibres (PRF) offrent beaucoup de solutions aux réseaux de transports et d’infrastructures. La non corrodabilité des barres de PRF fait d’elles une bonne solution pour remplacer les barres d’armatures en acier dans, par exemple, les tabliers de ponts routiers. Ayant un coût inférieur, les PRF de verre (PRFV) sont le type d’armatures en PRF les plus utilisées sur le marché. « Des dalles et des glissières de plusieurs ponts du ministère des Transports (MTMDET) du Québec sont construites avec des barres de PRFV », indique le professeur Brahim Benmokrane, titulaire de la Chaire de recherche industrielle CRSNG sur les armatures en PRF de l’Université de Sherbrooke.
« Gains de poids, de manutention et de coûts, tout démontre les atouts de ce matériau inerte, léger, résistant, non corrodable, insensible aux radiations électromagnétiques; un matériau de prédilection pour les appareils électromagnétiques des hôpitaux. Le Québec a une position très enviable dans cette industrie », ajoute le professeur Benmokrane, chef de file mondial dans son domaine. « À Sherbrooke en 1995, nous avons bâti ainsi le pont Joffre qui ne présente à ce jour aucune altération. Nous invitons les propriétaires d’ouvrages et ingénieurs à utiliser les armatures en PRF dans les structures en béton sujettes à la corrosion (ponts, stationnements, usines et ouvrages en milieu marin). »
CRSNG de l’Université de Sherbrooke. Regard sur l’avenir
« Le marché potentiel est énorme, indique le professeur Benmokrane, mais l’approche des décideurs évolue lentement. Les contrats des PPP sont une opportunité pour encourager l’innovation et les nouvelles technologies en exigeant une efficience à long terme des projets. On est en train de réviser la norme canadienne sur l’homologation de ces armatures et d’introduire peu à peu de nouvelles approches et applications. C’est en soi tout un chantier! » •