MAGAZINE CONSTAS

Le MTQ, ministère en pleine évolution

Entretien avec le ministre Laurent Lessard

Originaire d’East Broughton, aux confins de la Beauce, Laurent Lessard a occupé plusieurs fonctions politiques importantes. Depuis l’élection du gouvernement de Philippe Couillard, il est ministre responsable de la région du Centre-du-Québec et a occupé successivement les fonctions de ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs et, depuis le 20 août 2016, de ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (MTQ). Nous l’avons rencontré pour discuter des enjeux actuels au MTQ.

Par Jean Brindamour

Q. Monsieur le Ministre, vous êtes le troisième ministre des Transports de ce gouvernement, après Robert Poëti et Jacques Daoust. Vous avez annoncé, dès votre nomination, que vous vouliez « rétablir la confiance » au ministère des Transports. Qu’est-ce qui a été fait et qu’est-ce qui reste à faire pour rétablir cette confiance ?

R. Le maire Labeaume me disait que j’étais son sixième ministre des Transports ! On ne peut pas se le cacher, ce ministère s’est fait brasser. Les allégations sur l’Industrie ont fait mal. Pour la population, c’est tout le monde dans le même sac.

« Sur les 88 milliards $ prévus dans le programme québécois d’infrastructures, 38 milliards$ le sont pour la voirie.  4,7 milliards$ sur deux ans. Le MTQ est le plus grand donneur d’ouvrage au Québec.»

Le rétablissement de la confiance se ramène à trois grandes règles : faire la promotion des bonnes pratiques; barrer la route à ce qui s’en éloigne; voir ce qu’il y a à améliorer. Il y a un travail à faire sur la gouvernance. Il faut s’assurer de l’imputabilité à tous les niveaux. Le ministre doit connaître l’état des lieux. Quand des changements dans des projets ou des demandes de report entraînent une augmentation des coûts, il faut que le ministre en soit informé en temps réel. Beaucoup de mécanismes de détection précoce sont en place contre la collusion. Mais ils s’appliquent avant les travaux. S’il y a des problèmes au cours des travaux, il faut en être avisé immédiatement. On peut alors intervenir à temps. En résumé : imputabilité, gestion des risques et des plans d’action, capacité de se mesurer et, ultimement, celle de savoir comment la population apprécie et évalue le MTQ.

Q. Quelques mots sur l’échangeur Turcot. Est-ce que le chantier respecte les échéanciers et les coûts à ce jour ?

R. C’est un chantier d’une envergure sans précédent. 7 km de long, 3 km de large. Jusqu’ici tout est « on time, on budget ». Bien sûr, il y a certains écueils. Un collecteur d’égouts en bas du pont Saint-Jacques a dû être remplacé. Mais il y a toujours des incidents de parcours dans un projet de 3,6 milliards de dollars. C’est le plus grand projet de ce type au Québec. On construit pendant qu’on démolit. En pleine ville !

Q. Où en êtes-vous quant au grand projet de train électrique à Montréal (REM) ? Est-ce que les rôles respectifs du MTQ et de la Caisse de dépôt et placement, les échéanciers, les coûts, sont bien définis ?

R. Il a fallu une loi pour bâtir le cadre permettant à la Caisse de s’impliquer dans ce projet. Il y a des membres du gouvernement dans le bureau de direction. Le MTQ a également la responsabilité de l’aménagement à plusieurs endroits aux abords du réseau électrique. Vendredi dernier, j’étais avec les représentants de la Caisse de dépôt. On a parlé de l’interconnexion du train électrique avec les lignes de métro aux endroits les plus achalandés. Ce sera le troisième plus grand train électrique au monde après Dubaï et Vancouver.

« Le rétablissement de la confiance se ramène à trois grandes règles : faire la promotion des bonnes pratiques; barrer la route à ce qui s’en éloigne; voir ce qu’il y a à améliorer. Il y a un travail à faire sur la gouvernance. Il faut s’assurer de l’imputabilité à tous les niveaux. Le ministre doit connaître l’état des lieux. »

 

Plan québécois des infrastructures 2015-2025 /Plans annuels de gestion des investissements publics en infrastructures 2015-2016 / Mars 2015 / © Gouvernement du Québec – 2015

 

Q. Quels investissements routiers sont prévus en 2017 ?

R. Sur les 88 milliards $ prévus dans le programme québécois d’infrastructures, 38 milliards $ le sont pour la voirie. 4,7 milliards$ sur deux ans. C’est plusieurs milliards par année. Le MTQ est le plus grand donneur d’ouvrage au Québec.

Q. Au sujet du SRB (service rapide par Bus entre Québec et Lévis), pourquoi un tel projet et où en êtes-vous dans la prise de décision à ce sujet ?

R. Il y a déjà eu toute une démarche avant moi. Ce ne seront pas des autobus ordinaires. Ils seront plus performants et circuleront dans des corridors dédiés. L’objectif est de désengorger, d’encourager les gens à utiliser le transport en commun, d’avoir un impact sur la fluidité de la circulation, mais aussi sur la réduction des gaz à effet de serre. Les autobus seront-ils entièrement électriques ou non ? En tout cas, c’est une possibilité. Le maire Labeaume a d’autres préférences. Le maire veut accélérer la mise en œuvre. On est d’accord. Mais quand on met plus d’un milliard, il faut une bonne conception.

Q. Parlez-nous du Plan d’action en électrification des transports 2015-2020, dévoilé en octobre 2015. Il est en marche depuis un an. Il y a beaucoup d’argent d’impliqué : un budget de 420 millions sur cinq ans. Est-ce que le parc automobile électrique du Québec a augmenté ou augmentera dans les prochaines années ?

R. Il y a présentement 12 118 voitures électriques sur la route. L’objectif est d’arriver à 100 000. Il va donc falloir faire des efforts supplémentaires, regarder du côté des incitatifs et des flottes de compagnie privée. Déjà 50 % des véhicules électriques vendus au Canada le sont au Québec. Il faudra développer l’autonomie, installer des bornes de recharge. C’est fait pour la 40. On va le faire pour la 20. Le Québec a le plus grand nombre de bornes de recharge en service, environ 1300 bornes. Les réseaux d’autobus urbains pourraient s’équiper en véhicules électriques. Il y a un projet pilote à Montréal, un achat de trois bus électriques. Ils terminent présentement les deux bornes de recharge pour les tester.

« Le MTQ devra être dans l’avenir encore plus proche de ses clientèles, être capable d’agir et d’intervenir plus rapidement, être plus souple aussi, plus constant d’une région à l’autre, mais toujours aussi rigoureux. »

Q. On a beaucoup parlé depuis quelques années du renforcement de l’expertise au MTQ, de l’importance d’avoir en place des experts en matière de gestion des actifs routiers. Y a-t-il eu des progrès sur cet aspect des choses ?

R. La Commission Charbonneau a jugé que le MTQ manquait d’expertise. On a engagé plusieurs ingénieurs depuis. 889 ingénieurs travaillent au MTQ, c’est 60% de plus qu’en 2011. Il y a 975 techniciens aujourd’hui; il y en avait 782 en 2011. Pour ce qui est des professionnels, avec 77 ou 78, on a presque atteint notre objectif. Il faut maintenant mettre ces ressources à la bonne place. 32% seulement de la surveillance des travaux routiers est faite à l’interne; 68% sont des sous-contractants. On veut monter ça à 50%. Pour la préparation des travaux, c’est mieux : on est rendu à 58 %. Pour l’inspection des structures, c’est 71 %!

Il faut le dire les grandes firmes payaient mieux que le MTQ. Mais il n’y a pas que les avantages salariaux. Les avantages sociaux et les conditions de travail ont aussi un pouvoir d’attraction.

Q. En terminant, et en quelques mots, quelle est votre vision d’un ministère des Transports dans le Québec moderne ?

R. Le MTQ devra être dans l’avenir encore plus proche de ses clientèles, être capable d’agir et d’intervenir plus rapidement, être plus souple aussi, plus constant d’une région à l’autre, mais toujours aussi rigoureux. On parle beaucoup de communication avec Twitter ou Facebook. Je parlerais de connexion. Il faut être connecté. On doit avoir un service à la clientèle, savoir à qui on parle, pour qui on travaille. •