Accélération des investissements technologiques en construction: en faire plus avec moins
Le secteur de la construction doit adopter l’intelligence artificielle (IA) et la modélisation des données pour répondre à la crise du logement
Afin de pallier la demande croissante pour des résidences et des infrastructures et d’augmenter sa productivité, le secteur doit effectuer un virage technologique. C’est ce que conclut un rapport de l’Association canadienne de la construction (ACC) produit en collaboration avec KPMG.
par Leïla Jolin-Dahel
![]()
L’enquête a été menée au printemps dernier auprès de 265 firmes de l’industrie. La grande majorité des entreprises sondées (87%) estiment que les nouvelles technologies permettront de lutter de manière efficace contre la crise du logement. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, d’ici 2030, le Canada devra ériger 3,5 millions d’unités, en plus de celles qui sont déjà en chantier.
«Et l’on constate que la technologie peut notamment contribuer à améliorer la productivité et à faire face à la pénurie de main-d’œuvre», résume Kenny Leon, vice-président, services aux membres et technologie, à l’ACC.
Au service de la productivité
Près de 90% des entreprises sondées voient d’un bon œil les analyses faites par l’IA, la modélisation des données et les simulations numériques concernant un bâtiment et pensent qu’elles amélioreront l’efficacité et la productivité au travail. «Plusieurs l’utilisent déjà, notamment dans leurs opérations, que ce soit pour la prise ou l’optimisation de décisions, la conception d’infrastructures ou le renforcement de la sécurité sur les sites», explique M. Leon.
Ainsi, dès le départ, cette technologie peut servir à mieux déterminer quels fournisseurs sélectionner et comment affecter les ressources disponibles. «Cela facilitera aussi les plateformes de gestion de projets, qui disposeront de tableaux de bord consultables en temps réel», poursuit-il. La modélisation des données permet donc de coordonner davantage les différents corps de métier sur un chantier. «Ça fait baisser le niveau de reprise de travaux et les retards. Habituellement, ce sont ces pertes qui nuisent à la productivité dans le secteur de la construction.»

Les technologies entraînent également la croissance de préfabrication et d’unités modulaires. «Si vous réalisez ces opérations dans un environnement interne contrôlé, dit Kenny Leon, vous pouvez toujours assurer le travail 365 jours par année. Ça permet de diminuer les besoins en main-d’œuvre sur un site et d’améliorer la vérification de la qualité.» Plus de la moitié des personnes sondées par l’ACC jugent que ces méthodes limitent les délais de 25 à 50%, tout en générant une baisse des coûts. «Et les émissions de GES de ces façons de faire peuvent être réduites jusqu’à 22%, en comparaison avec celles des processus traditionnels», ajoute-t-il.
Des outils tels que des drones et des robots serviront aussi à améliorer la surveillance et la sécurité des sites, notamment lors d’inspections potentiellement dangereuses pour les effectifs.
M. Leon cite en exemple le cas de Pomerleau, qui économise environ 20 heures par semaine en intégrant son robot Spot sur un chantier afin de documenter l’évolution des activités en prenant des photos de manière autonome. Des drones, des caméras montées sur casque et des systèmes d’imagerie laser ont également été utilisés dans les travaux de réfection de l’édifice central du parlement canadien. «Ces appareils ont été employés à la place des gens dans le but de capter des images de haute qualité, ce qui a réduit les risques en matière de santé et de sécurité au travail.»
De nombreux défis
Le secteur de la construction fait toutefois face à de nombreux défis, à commencer par la pénurie de main-d’œuvre. Plus des trois quarts (78%) des entreprises sondées estiment manquer d’effectifs. D’ici 2028, l’industrie devra recruter plus de 300 000 talents dans des domaines allant du génie à la gestion de projet, en passant par les métiers spécialisés. La situation, en plus d’être causée par les départs à la retraite et l’insuffisance de personnel qualifié, est également exacerbée par la faible attractivité du secteur. «Nous n’attirons pas de main-d’œuvre parce que nous ne présentons pas la construction comme un choix de carrière», soutient M. Leon.
Mais les investissements technologiques posent aussi un défi pour l’industrie, en majorité composée de PME. Par exemple, au Québec, 62% d’entre elles employaient moins de 5 personnes en 2024 et 97% comptaient moins de 50 membres au sein de leurs effectifs, d’après la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. «Ces entreprises manquent soit de compétences, soit de capitaux nécessaires pour intégrer ces technologies, contrairement aux grandes firmes, qui disposent de services spécialisés et de ressources humaines et matérielles», dit Kenny Leon.
Le secteur doit également faire face à une administration et à une réglementation qui freinent le développement de projets, ajoute M. Leon. «Mais ce que nous souhaitons vraiment, ce sont des investissements dans les infrastructures et un plan à long terme sur cette question.» ■

