Anouk Gagné : une vision humaine et stratégique pour la CNESST
La nouvelle PDG nous fait part de ses priorités
Bienveillance, respect et collaboration : tels sont les fers de lance de la toute nouvelle présidente-directrice générale de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), Anouk Gagné. Entrée en fonction le 19 août dernier, la gestionnaire d’expérience a révélé à CONSTAS quelle était sa vision stratégique pour la Commission, abordant les défis actuels et les actions futures visant à promouvoir un environnement de travail sain et équitable pour tous les travailleurs québécois.
par Marie-Ève Martel
Titulaire de deux maîtrises – une en psychologie et une en administration des affaires – de l’Université Laval, Mme Gagné a d’abord exercé le métier de psychologue en pratique privée.
Elle a ensuite intégré la fonction publique, où elle a fait sa marque dans plusieurs organisations : Retraite Québec, le défunt Centre des services partagés et le ministère des Relations internationales et de la Francophonie.
C’est en 2016 qu’Anouk Gagné pose ses valises à la CNESST, où elle a occupé diverses fonctions. Elle accède à un poste de direction en 2018, où elle dirige les ressources humaines, avant de devenir successivement vice-présidente à l’équité salariale et vice-présidente à la transformation numérique.
Le taux de connaissances et de compréhension des lois du travail au Québec demeure insuffisant.
— Anouk Gagné
Une organisation à dimension humaine
« Travailler à la CNESST est un beau maillage de mes diverses expériences. C’est une organisation à dimension humaine, et c’est ce qui a attiré mon attention dès le départ. Une organisation qui favorise le respect, la concertation et le dialogue social avec tous les membres. Pour moi, elle a une mission très noble de promouvoir les droits et les obligations en milieu de travail, le tout dans le respect des employeurs et des travailleurs », confie la principale intéressée, dont l’intérêt pour les enjeux de santé et de sécurité au travail s’est notamment manifesté dans ses travaux de recherche universitaires supervisés par le professeur émérite Jean-Pierre Brun, longtemps titulaire de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail.

Malgré la taille imposante de la CNESST, ses différents rôles demeurent méconnus d’une grande partie des Québécois On sait certes que la Commission gère les plaintes quant au non-respect de certaines normes du travail, comme un congédiement injustifié, et qu’elle traite les réclamations pour les accidents de travail, mais cela n’est que la pointe de l’iceberg en ce qui a trait à ses champs d’expertise.
« On fait preuve d’un grand leadership dans plusieurs secteurs, affirme Anouk Gagné. On a mené différentes campagnes dans plusieurs programmes qui visent la sensibilisation en milieu de travail et qui promeuvent la prévention. »
Mais l’administratrice de sociétés certifiée reconnaît que « le taux de connaissances et de compréhension des lois du travail au Québec demeure insuffisant ».
Les chantiers de la CNESST
Mieux se faire connaître ainsi que ses différents rôles fait partie du plan stratégique 2024-2027 de la Commission, dans lequel figurent pas moins de 70 objectifs que cette dernière souhaiterait atteindre d’ici moins de 3 ans.
Continuer de mettre l’accent sur la prévention des risques de tout acabit en milieu de travail demeure une priorité pour la présidente-directrice générale, qui confie en apprendre encore sur son organisation, moins de six mois après son arrivée en poste.
« C’est tous ensemble qu’on arrivera à réaliser ces beaux grands projets au bénéfice de tous. Il faut demeurer à l’affût des besoins et suivre l’évolution du marché du travail, qui se transforme à vitesse grand V avec l’arrivée du télétravail, de l’automatisation et de l’intelligence artificielle, entre autres », explique Anouk Gagné.
On a 5 000 employés pour accompagner aussi bien les employeurs que les travailleurs de tout le Québec.
— Anouk Gagné
C’est sans compter le renouvellement de la main-d’œuvre, attribuable à l’immigration. « Il faut innover, s’adapter à la nouvelle réalité du marché du travail, poursuit Mme Gagné. Avec notre planification stratégique, on s’est donné une vision et des ambitions pour instaurer diverses mesures, mais surtout une culture de prévention durable pour édifier et maintenir des milieux de travail sains et sécuritaires. »
Le visage de la main-d’œuvre a aussi changé, souligne la dirigeante. « Notre clientèle a évolué elle aussi. Ça nous a amenés à poser des gestes concrets pour aller à sa rencontre. »
Elle fait ainsi référence à des escouades affectées au milieu de travail, notamment pour favoriser l’intégration et la sensibilisation de travailleurs issus de l’immigration, des jeunes ou des travailleurs étrangers temporaires.
La CNESST en bref
1979 : création de la Commission en santé et sécurité au travail (CSST)
2016 : la CSST devient la Commission des normes, de
l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)
La CNESST compte plus de 5 000 employés répartis dans la province
Les conditions de travailde quelque 2,2 millions de personnes salariées
sont régies par la Loi sur les normes du travail
Pas moins de 4,2 millions de travailleurs sont couverts par le régime public de santé
et de sécurité du travail, auquel sont inscrites plus de 233 000 entreprises
Plus de36 000 entreprises comptant au minimum
10 salariés sont assujetties au programme d’équité salariale
Données au 31 décembre 2023
Les risques psychosociaux dans la mire
La prise en charge de la santé psychologique du personnel est aussi au cœur des préoccupations de la PDG. « C’est important pour nous de poursuivre nos efforts à l’égard des risques psychosociaux liés au travail, comme le harcèlement psychologique ou sexuel, la violence physique ou psychologique, de même que les incivilités au travail », mentionne Anouk Gagné.
Une prise de conscience collective a entraîné une plus grande ouverture au dialogue à ce propos. En 2023, un peu plus de 6 300 plaintes ont été déposées pour harcèlement psychologique ou sexuel, un triste record, mais qui dénote la fin d’une omerta à ce sujet, attribuable en partie aux actions de sensibilisation menées par la CNESST depuis 2 ans.
Plus de 1 500 ateliers de formation à cet effet ont été offerts dans quelque 6 000 milieux de travail de la province, joignant du même souffle 13 000 travailleurs.
Construction : des travaux réglementaires à prévoir
L’industrie de la construction est déjà fort sensibilisée aux enjeux de santé et de sécurité du travail, relève Mme Gagné en entrevue.
« Nous accompagnons déjà les membres de l’industrie depuis la modernisation du régime de santé et de sécurité au travail [en vigueur depuis le 1er janvier 2023], fait remarquer la PDG. On a mis à la disposition des employeurs et des travailleurs divers outils de sensibilisation et d’information pour qu’ils soient capables de mettre en œuvre les nouvelles exigences qui les concernent. On va continuer à soutenir l’industrie en ce sens. »
Les travaux réglementaires touchant le Code de sécurité pour les travaux de construction sur lesquels la CNESST compte plancher d’ici 2027 concernent plusieurs aspects.
Parmi ceux-ci, notons l’actualisation de normes qui entraîneront la refonte de certains articles. En 2024, la cohérence réglementaire a été actualisée pour les appareils de levage des travailleurs. La CNESST espère aller de l’avant cette année avec l’approbation, par l’Assemblée nationale, de la cohérence réglementaire pour ce qui touche les appareils de levage de matériaux.
En 2024, la CNESST a élargi à l’ensemble des chantiers de construction les procédures de sauvetage à la suite d’une chute. Une hiérarchisation des moyens de prévention pour la protection contre les chutes, à l’instar de celle réalisée par d’autres provinces canadiennes, a aussi été accomplie l’an dernier.
D’ici la fin de cette année, la CNESST entend également évaluer la protection contre les chutes lors des travaux de pontage et évaluer si les informations à transmettre et les méthodes pour transmettre les avis d’ouverture de chantier sont adéquates. La Commission entreprendra aussi la revue de certains articles du Code en ce qui concerne les chantiers souterrains pour s’assurer que tous les éléments devant être inclus sont couverts par la réglementation.
Anouk Gagné rappelle enfin que la CNESST est disponible pour répondre à toutes les questions et inquiétudes qui concernent le monde du travail.
« On a 5 000 employés pour accompagner aussi bien les employeurs que les travailleurs de tout le Québec, et avec toute l’expertise qu’on leur connaît, affirme la PDG. On souhaite toujours servir et accompagner encore mieux nos clientèles. » ■