MAGAZINE CONSTAS

Construction et hautes technologies

Quand l’automatisation s’invite sur les chantiers

La numérisation des procédés et les progrès fulgurants de l’intelligence artificielle révolutionnent un grand nombre d’industries, y compris celle de la construction. Si de plus en plus de robots se fraient une place dans les bureaux et les chantiers, ils ne sont pas près de remplacer leurs collègues humains.

par Marie-Ève Martel

 

 

Construction technologie

Le fait que de plus en plus d’entreprises se tournent vers les hautes technologies pour améliorer leur productivité ne vise pas à réduire leur masse salariale, bien au contraire, soulève Ihsen Hedhli, scientifique de données à l’Institut intelligence et données (IID) de l’Université Laval.

« L’intelligence artificielle ne va pas remplacer les travailleurs, mais plutôt les délester de tâches répétitives ou qui nécessitent beaucoup de précisions, dit-il. Dans l’industrie de la construction, par exemple, on peut utiliser un robot pour détecter des fissures sur différentes surfaces. On peut l’entraîner avec la répétition pour qu’il reconnaisse des fissures, mais il faudra toujours un expert pour confirmer le résultat et pour identifier une solution. »

La technologie et l’IA servent à créer un cadre de travail stimulant pour que les gens aient envie d’aller travailler.

— Jonathan Gaudreault, Université Laval

Les technologies ne seront donc pas les travailleurs du futur, comme le craignent certains : elles demeureront des outils de travail. « L’IA ne peut pas apprendre par elle-même et elle ne peut pas prendre de décisions non plus. D’un point de vue éthique, il faut que les analyses et les choix relèvent d’un être humain », renchérit Ihsen Hedhli.

Son collègue Camille Besse, également scientifique de données à l’IID, abonde en ce sens. « C’est un humain qui doit être imputable au bout du compte », souligne-t-il.

 

Spot, le robot chien
Photo : Boston Dynamics

Spot, le robot chien

Création de Boston Dynamics commercialisée en 2020, Spot, un robot à quatre pattes dont l’allure rappelle le meilleur ami de l’homme, arpente des chantiers depuis quelques années déjà. Au Québec, la firme Pomerleau en possède un depuis quelques années. Elle a d’ailleurs été la première entreprise du monde à acquérir le robot.

Conçu pour effectuer des tâches difficiles à accomplir par des humains ou se déplacer sur des sites dangereux pour la main-d’œuvre, Spot peut en outre effectuer de la surveillance de chantier et capter en direct et sur 360 degrés des images du site, en photos ou vidéo. Grâce à un scanner laser, sa collecte de données peut être augmentée en ajoutant une troisième dimension à sa prise d’images. Cela permet aux ingénieurs de suivre l’évolution de la construction sans même avoir à se déplacer.

 

Faire plus avec ce qu’on a

L’automatisation sert donc à faire progresser les entreprises en leur permettant d’affecter leur main-d’œuvre à des tâches plus spécifiques et stimulantes, en d’autres mots à porter leur croissance, ce qui peut se traduire par des embauches.

« Ça leur permet de faire plus avec le même nombre d’employés dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. En automatisant la conception et l’ingénierie ou en rendant certaines parties de la production complètement autonome grâce à des robots, on va chercher des gains importants », résume Jonathan Gaudreault, professeur à la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval et directeur du Lab-Usine, un laboratoire mixte de recherche qui s’intéresse à l’innovation dans le secteur manufacturier.

En ce sens, la participation des travailleurs est essentielle pour assurer le succès du virage, et ce, dès la conception des outils technologiques. « Il faut bien sûr un engagement fort de la direction, mais c’est important que les employés fassent partie du projet, parce que ce sont eux qui travailleront avec les machines, en les opérant ou en faisant le suivi de leur travail, illustre Jonathan Gaudreault. Déterminer ce qui sera auto­matisé, comment ce sera implanté : en le demandant à ceux  qui sont sur le terrain, cela permettra de trouver la solution qui va mener à la meilleure collaboration entre la machine et l’humain. »

L’usage de robots dans les sites les plus dangereux sur les chantiers a aussi pour effet de rendre le travail de la main-d’œuvre humaine plus sécuritaire.

La robotisation et l’automatisation des tâches ont pour bienfaits bien documentés un gain en temps et en efficacité ainsi qu’une précision accrue pour certaines tâches. Si on ajoute une plus grande satisfaction du personnel, qui gagne des tâches plus stimulantes et se défait des plus répétitives, en plus d’évoluer dans un milieu sécuritaire, il n’est pas surprenant de voir autant d’entreprises entreprendre le virage 4.0. ■