Dossier Constas / Congrès 2024 Maîtriser les changements de cette nouvelle ère
Une ville comme New York pèserait environ 850 millions de tonnes en bâtiments seulement. Ses gratte-ciel sont construits sur le roc et s’enfonceraient de seulement 1 à 2 mm par année, mais ses côtes sont plutôt argileuses ou artificielles, et subiraient donc un affaissement d’environ 4 mm par an.
Les effets des changements climatiques sur la vie urbaine sont de plus en plus nombreux; on n’a qu’à penser aux pannes de courant plus fréquentes, au smog amplifié par les multiples feux de forêt ou aux inondations liées aux averses abondantes. D’autres conséquences sont plus difficiles à observer quotidiennement, mais pourraient néanmoins changer radicalement le futur des grandes villes partout sur la planète.
Par Sophie Croteau *
En effet, plusieurs scientifiques pensent que d’ici 2100, des villes comme Osaka, San Francisco ou Vancouver pourraient être partiellement ou totalement inondées. En utilisant des outils de modélisation, des organismes comme Climate Central ont déterminé que les changements climatiques accéléreraient l’enfoncement de plusieurs villes côtières, déjà susceptibles d’inondations causées par les tempêtes tropicales et ouragans qui les assaillent régulièrement.
Cet enfoncement s’explique entre autres par trois facteurs importants. On a d’abord affaire avec le phénomène naturel de la subsidence, où le sol se compresse sous le poids de sa surface. Selon sa composition et la charge à supporter, le sol s’enfonce plus ou moins rapidement. Les sols sablonneux ou rocheux résistent donc assez bien à la pression, alors que les sols vaseux, argileux ou créés artificiellement sont plus susceptibles de s’écraser. Les métropoles, qui sont généralement en croissance constante, ajoutent chaque année un poids considérable à leur surface, non seulement par la population grandissante, mais aussi par la construction de milliers de kilomètres de routes et d’énormes bâtiments.
New York compte 850 millions de tonnes en bâtiments
Un article de la revue Wired rapporte qu’une ville comme New York pèserait environ 850 millions de tonnes en bâtiments seulement. Ses gratte-ciel sont construits sur le roc et s’enfonceraient de seulement 1 à 2 mm par année, mais ses côtes sont plutôt argileuses ou artificielles, et subiraient donc un affaissement d’environ 4 mm par an. D’autres villes, comme Jakarta en Indonésie, sont situées sur des nappes phréatiques qui sont régulièrement pompées pour obtenir de l’eau potable. Le vide ainsi créé peut amener le sol à s’effondrer de trente centimètres soudainement, comme une bouteille d’eau vide qu’on écrase.
Le deuxième facteur à considérer est celui de l’eau. Comme on le sait, les villes côtières sont de plus en plus frappées par des tempêtes violentes qui les inondent et détruisent des infrastructures qui n’étaient pas faites pour être submergées. Les exemples de Katrina en Nouvelle-Orléans en 2005 et de Sandy à New York en 2012 ont démontré que les villes ne sont pas préparées à subir d’aussi grands assauts. Non seulement leurs installations sont souvent vétustes, mais elles n’ont aussi pas été pensées pour favoriser l’écoulement naturel de l’eau. Le dénivellement original des côtes est ainsi bloqué par des bâtiments ou un sol affaissé, ce qui entraîne une accumulation d’eau dans les creux, créant un poids supplémentaire et des inondations stagnantes. Tout ceci est sans compter le fait que le niveau des océans augmente chaque année, amplifiant donc les effets de l’affaissement et des inondations.
Les changements climatiques sont aussi souterrains
Un article du New York Times a récemment mis en lumière un dernier facteur de risque, jusqu’à récemment méconnu, appelé le changement climatique souterrain. À cause des structures souterraines construites pour faciliter le transport et le stationnement, le sol des grandes villes subirait un réchauffement excessif. Comme ces installations sont chauffées en continu depuis des dizaines d’années, la chaleur s’accumule et ne peut se diffuser normalement, ce qui accélère l’affaissement du sol environnant et crée par le fait même de graves dommages aux fondations des bâtiments.
Un plan d’action ?
Plusieurs solutions sont déjà en branle pour minimiser l’enfoncement, comme des études des sols avant de construire, afin de s’assurer qu’ils ne s’affaisseront pas outre mesure. Mais malheureusement, on se concentre davantage sur des systèmes de défense contre les inondations plutôt que sur de réels changements structuraux. Idéalement, il faudrait prendre des mesures plus drastiques, comme restaurer des milieux humides sur les côtes pour permettre une meilleure absorption de l’eau et créer une barrière de protection contre l’augmentation du niveau des océans. Diminuer le poids des villes impliquerait aussi de relocaliser des millions d’habitants, un enjeu de taille, à quoi s’ajoute celui de la précarité financière d’une large part de citadins.
Comme pour beaucoup de problèmes liés aux changements climatiques, qui provoquent plusieurs complications inattendues, il est difficile d’établir un plan d’action rapide et efficace, qui saura prévenir plutôt que guérir le mal qui guette nos grandes villes. ■
* Sophie Croteau est une collaboratrice du balado « En 5 minutes » sur Qub radio, où a été traité une première fois, par ses soins, le sujet de cet article.