MAGAZINE CONSTAS

L’intelligence artificielle au service de la voie ferrée

Une haute technologie testée sur la voie ferrée entre Port-Cartier et Fermont

La voie ferrée, dont la construction appartient au secteur génie civil et voirie de notre industrie, demeure un moyen de transport sécuritaire, mais au prix d’un entretien sans faille. Les plus récentes technologies y deviennent très utiles.

Transporter efficacement, chaque jour, de façon sécuritaire, des milliers de tonnes de minerai de fer, cela sur 412 km de rail, voilà tout un défi. L’exploitant Arcelor Mittal en est conscient et développe avec le Centre d’expertise ferroviaire RAIL du Cégep de Sept-Îles (CEFRAIL) une solution technologique prometteuse.

Par Stéphane Gagné

Aspect visuel des résultats d’analyse. CR: CEFRAIL

Depuis plus de 60 ans, le minerai de fer extrait à Fermont est acheminé par rail vers Port-Cartier. Pour s’assurer que ce transport se fasse de façon optimale, au point de vue technologique et sécuritaire, un véhicule doté de deux capteurs comprenant une caméra haute définition et un laser circule sur la voie. En roulant à 40 km/h sur la voie ferrée, il est capable de prendre plus de 450 millions de photos du rail qui sont par la suite analysées au CEFRAIL, afin d’identifier et de localiser de possibles défauts.

L’analyse de cette immense quantité de données prend trois jours. «Nous aimerions toutefois parvenir à faire l’analyse en temps réel dans le camion, affirme Luc Faucher, directeur du CEFRAIL qui croit que cela pourra se faire dans un horizon de trois ans. En attendant, le CEFRAIL se

procurera bientôt des serveurs plus puissants afin de faire une analyse plus rapide des données.

Le camion a été conçu par Pavemetrics, une entreprise de Québec spécialisée en inspection d’infrastructures de transport. L’entreprise utilise déjà un camion semblable pour faire l’inspection de routes, adapté pour faire le même travail sur les voies ferrées, affirme M. Faucher. En collaboration avec Pavemetrics, nous travaillons à améliorer la technologie. Une technologie qui pourrait être aisément utilisée sur plusieurs autres voies ferrées en Amérique du Nord car les normes sont les mêmes qu’ici. »



Une inspection minutieuse

Grâce à ce camion, plusieurs défauts du rail peuvent être détectés. Voici les principaux éléments examinés :

  • Le rail. Son épaisseur peut s’amincir et nuire au bon roulement du train.
  • Les traverses de bois. Elles doivent être en bon état pour bien soutenir le rail.
  • Le ballast. C’est la couche de roches qui se trouve sous le rail. Elle ne doit pas être trop compactée.
  • Les crampons. Ce sont les clous qui servent à fixer le rail après les traverses de bois. Ils doivent être bien fixés, pas soulevés.
  • Les éclisses. Ce sont les plaques de métal allongées qui servent à unir l’extrémité de deux rails. Il ne doit pas y avoir d’écart entre eux.

Déjà quatre autres exploitants ferroviaires sur la Côte-Nord profitent de l’expertise développée par le CEFRAIL et Pavemetrics. Il s’agit de Rio Tinto Canada, SFP Pointe-Noire, Transport ferroviaire Tshiuetin et la Société du port ferroviaire de Baie-Comeau (SOPOR). « Pour l’instant, nous leur offrons deux services : l’ins­ pection des éclisses et la vérification de l’état des traverses de bois, affirme le directeur du CEFRAIL. Éventuellement, nous aimerions leur offrir le même niveau de service dispensé à Arcelor Mittal.»



L’essentielle inspection visuelle

En plus de l’inspection faite à l’aide de l’intelligence artificielle, Arcelor Mittal fait une inspection visuelle complète du rail une fois par semaine à l’aide d’un camion roulant sur le rail. « Cette procédure est complémentaire à l’inspection faite par le CEFRAIL, dit Michael LaBrie, directeur général d’Arcelor Mittal Infrastructure Canada. Elle permet de déceler des composantes brisées (boulons, ancrages), des fissures dans les dormants et des joints défectueux. À la suite de cette opération, nos équipes entreprennent les correctifs né­cessaires aux défauts détectés par le camion du CEFRAIL. »

En plus d’Arcelor Mittal, déjà quatre autres exploitants ferroviaires sur la Côte-Nord profitent de l’expertise développée par le CEFRAIL et Pavemetrics. Il s’agit de Rio Tinto Canada, SFP Pointe-Nord, Transport ferroviaire Tshiuetin et la Société du port ferroviaire de Baie-Comeau (SOPOR).

Arcelor Mittal opère aussi un programme de stabilisation des parois des falaises, très nombreuses sur le parcours et parfois très escarpées. « Chaque année, nous procédons à leur inspection et entreprenons les correctifs lorsque nécessaires comme l’écaillage de la roche et la pose d’ancrages, » dit M. LaBrie.
Enfin, l’expérience d’inspection par intelligence artificielle de la voie ferrée d’Arcelor Mittal devrait faire des petits et profiter à d’autres sociétés ferroviaires dans le monde. C’est du moins ce qu’espère Luc Faucher. ■


Le rail entre Fermont et Port-Cartier en quelques chiffres.

Le rail entre Fermont et Port-Cartier, c’est :
Quatre trains par jour;
— une voie qui comporte 50 % de courbes sur une distance de 412 km (ce qui favorise l’usure du rail);
—  un trajet comportant plusieurs ponts et tunnels;
210 wagons traînés par trois locomotives à chaque voyage;
—  20 000 tonnes de minerai transporté à chaque voyage et 26 millions de tonnes au total chaque année.
Le tout est opéré par un chauffeur et un chef de train.