Un ministère plus stable
Entretien avec François Bonnardel Ministre des Transports du Québec
« La population a de l’appétit pour des projets [de transport collectif], bien qu’elle ne veuille pas d’un gouvernement qui fasse la guerre à l’auto ; les citoyens veulent des options supplémentaires en transport collectif et c’est positif. »
Acteur important de la politique québécoise, François Bonnardel, « le » ministre des Transports du gouvernement Legault, aura atteint, au milieu du mois de février 2022, le record de longévité pour un ministre des Transports du Québec en ce XXIe siècle. Le moment est bien choisi, à moins d’un an des élections, d’un premier bilan.
Par Jean Brindamour
Q / La stabilité que vous apportez à la tête d’un ministère qui en manquait cruellement a-t-elle eu des effets positifs ?
R / Cela nous permet assurément de rester concentrer sur les priorités que nous avions identifiées, à savoir de s’occuper de l’état du réseau routier et des régions ainsi que redorer l’image du MTQ pour en refléter fidèlement toute son expertise partout dans les régions du Québec. Nous avons travaillé fort depuis 3 ans, notamment sur la réforme des taxis, le dévoilement du REM de l’Est, le projet de loi sur les véhicules hors routes, la présentation du Réseau express de la Capitale, je dirais qu’avoir un seul ministre pendant une longue période de temps, ça signifie garder la même direction. Je suis très heureux d’avoir encore pleinement la confiance du premier ministre après tout ce temps.
Q / Le contrat pour la réfection du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine a été donné au consortium Renouveau La Fontaine en juillet 2020, en pleine pandémie. Comment se passent les travaux de ce projet d’environ 1,15 G$, dont la nécessité s’imposait ?
R / En ce moment, nous sommes dans la phase de déploiement des mesures d’atténuation. Le chantier va avoir des impacts significatifs sur les déplacements sur la Rive-Sud de Montréal et dans le secteur de l’autoroute 25; c’était important pour nous de mettre en place les mesures d’atténuation avant que les entraves majeures ne commencent. Historiquement, cet axe autoroutier a été mal desservi par le transport en commun, alors nous sommes contents d’avoir ouvert une voie réservée qui va jusqu’à Sainte-Julie et d’avoir augmenté les équipements pour autobus au métro Radisson.
Faire face à la pénurie de main-d’œuvre est une priorité pour notre gouvernement. La dernière mise à jour économique comporte d’ailleurs plusieurs mesures à cet effet. — François Bonnardel
Q / Est-ce que votre vision d’un Réseau express de la Capitale » (REC), s’accorde avec celle du maire Lehouillier et du nouveau maire de Québec, Bruno Marchand ?
R / Nous avons de très bonnes relations avec les deux élus concernés. Nos projets vont profiter aux deux villes et nous travaillons le tout en partenariat.
Q / On parle beaucoup de tramways actuellement. Pourtant, les centres-villes sont désertés, le télétravail est là pour rester et, à tort ou à raison, le transport en commun reste impopulaire parmi la population en général. Êtes-vous certains au gouvernement de ce choix stratégique ?
R / Le télétravail est là pour rester, mais on voit que les déplacements et la congestion sont en forte hausse. On aurait tort d’arrêter d’investir pour lutter contre la congestion en croyant que la nouvelle norme correspondra à ce que nous avons connu lors de la pandémie. Pour le transport collectif, je sens au contraire que la population a de l’appétit pour des projets, bien qu’elle ne veuille pas d’un gouvernement qui fasse la guerre à l’auto ; les citoyens veulent des options supplémentaires en transport collectif et c’est positif. Nous avons plusieurs projets qui répondent à des besoins spécifiques, que ce soit le tramway à Gatineau, le tunnel Québec-Lévis et le tramway à Québec ou les différents projets de REM de la grande région de Montréal.
Q / Quel bilan faites-vous de la Loi 66 ?
R / Rappelons-nous que l’objectif de la « Loi 66 » en était un de relance économique. Il fallait que le gouvernement donne un signal qu’on allait investir dans nos infrastructures et en regardant les chiffres de croissance économique qu’on voit actuellement, je pense qu’on a eu raison. Le meilleur succès qu’on a jusqu’à maintenant est le projet de reconstruction du pont de l’Île-aux-Tourtes. Avec la « Loi 66 » et la collaboration de la MRC Vaudreuil-Soulanges, on a gagné l’équivalent d’une saison de construction, plus de six mois donc. Ça, c’est seulement pour un des 181 projets à l’annexe de la Loi. Je vous laisse imaginer l’effet pour l’économie du Québec si on obtient de tels résultats sur l’ensemble des projets.
« Rappelons-nous que l’objectif de la Loi 66 en était un de relance économique. Il fallait que le gouvernement donne un signal qu’on allait investir dans nos infrastructures et en regardant les chiffres de croissance économique qu’on voit actuellement, je pense qu’on a
eu raison. »
Q / On sait que la pénurie de main-d’œuvre dans la construction est un enjeu majeur. On connaît aussi maintenant au Québec une pénurie de camionneurs. Le transport des marchandises, les infrastructures routières sont des besoins fondamentaux. Ne faut-il pas revaloriser ces métiers essentiels ?
R / Absolument. Faire face à la pénurie de main-d’œuvre est une priorité pour notre gouvernement. La dernière mise à jour économique comporte d’ailleurs plusieurs mesures à cet effet. L’an dernier, en collaboration avec la SAAQ, nous avons mis sur pied le Programme enrichi d’accès à la conduite de véhicules lourds afin de permettre aux jeunes adultes âgés de 17 ou 18 ans de participer à un programme d’études adapté et à un stage d’encadrement en entreprise. Nous avons aussi différentes mesures qui aident à réduire les impacts négatifs de la pénurie de main-d’œuvre.
Au Ministère, la Direction de politique économique a mis en place une table de concertation socio-économique sur le camionnage regroupant des acteurs de l’industrie. Dans ce cadre, un groupe de travail sur la main-d’œuvre est en place.
Le « Programme de soutien aux initiatives en main-d’œuvre pour le transport routier des marchandises » (Programme Main-d’œuvre Camionnage) prévoit des crédits de 400 000$ pour la période 2019-2022. Des travaux sont actuellement en cours pour prolonger d’un an ce programme, avec un budget de 400 000 $ pour l’année 2022-2023. Les objectifs principaux du programme sont d’élargir le bassin de main-d’œuvre, de contribuer à la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée et d’assurer une bonne connaissance des problématiques de la main-d’œuvre dans le secteur.
Q / Quelques mots sur la santé et sécurité au travail (SST) dans les chantiers ?
R / Les entrepreneurs et les travailleurs ont fait preuve d’une grande résilience en adoptant le protocole de la Covid-19. Je pense que l’introduction de ces mesures a créé un espace de collaboration qui sert désormais à discuter de santé et sécurité au travail. Cependant, il été porté à mon attention qu’avec la sortie de la pandémie et le retour de la circulation, un certain nombre d’automobilistes ont perdu leurs bonnes habitudes et font preuve d’impatience à l’approche des chantiers. On a tous un rôle à jouer pour protéger nos travailleurs. Nous allons poursuivre nos efforts en ce sens. ■