MAGAZINE CONSTAS

Au cœur de l’ARTM.
Comprendre l’Autorité régionale de transport métropolitain

Une recherche du bien commun

L’ARTM n’est pas arrivée en fonction dans une situation de zéro projet, elle a dû s’arrimer à ce qui était en voie d’être réalisé ou déjà projeté.

L’ARTM est en fonction depuis le 1er juin 2017. L’un de ses objectifs est de simplifier, d’ordonner, de synthétiser, d’harmoniser le transport collectif en cette grande région métropolitaine habitée par la moitié de la population québécoise En 2019, les dépenses totales prévues en transport collectif relevant de l’ARTM s’élèvent à plus de 3 milliards de dollars, tandis que son territoire correspond à la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), à laquelle il faut ajouter la réserve de Kahnawake et la ville de Saint-Jérôme. En tout 83 municipalités et une population d’environ 4,2 millions de personnes (la population totale du Québec avoisine les 8,4 millions).

Par Jean Brindamour

Le porte-parole de l’ARTM, Simon Charbonneau, a bien voulu nous éclairer sur l’organisme qu’il représente. Au niveau du transport collectif, un certain « morcellement des compétences » devenait de plus en plus évident dans la grande région métropolitaine, souligne-t-il d’emblée. Un grand nombre d’intervenants planifiaient chacun de leur côté et tiraient à hue et à dia. « Avec l’expansion de la région, les déplacements quotidiens des citoyens nécessitaient une vision métropolitaine intégrée, alors que la responsabilité du transport collectif demeurait en grande partie locale », ajoute le porte-parole. Une volonté de « dépolitiser la planification et faire en sorte que ce soit l’intérêt métropolitain qui prédomine plutôt que les intérêts locaux », avait déjà été exprimé en mai 2015 par le ministre des Transports d’alors, Robert Poëti, lors du Forum stratégique sur la mobilité urbaine et le transport intelligent organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CMM). C’est d’ailleurs lui qui a amorcé en 2015 cette importante réorganisation du transport en commun dans la grande région de Montréal.



L’ARTM a ainsi remplacé l’Agence métropolitaine de transport (AMT), responsable des trains de banlieue, mais qui avait déjà un certain rôle de planification : l’AMT abolie, son volet planification a été pris en main par l’ARTM dans un mandat élargi et synthétique.

Pour profiter d’une expertise précieuse et dépolitiser la planification et les investissements en transport en commun, le Conseil d’administration de l’ARTM est formé de 10 membres indépendants contre 5 membres élus, ces derniers désignés par la CMM. L’équipe de direction est composé de six gestionnaires dont le directeur général Paul Côté.

Carte du territoire de l’ARTM. CR : ARTM

Un mandat stratégique

L’ARTM et la CMM ont chacune des responsabilités de gouvernance distinctes: l’ARTM pour tout ce qui a trait à la mobilité et au transport collectif; la CMM pour ce qui est de l’aménagement du territoire. Un arrimage se fait entre les deux mandats. Pour résumer succinctement, un premier palier est constitué des orientations en matière de mobilité et de transport collectif pour la province. C’est la responsabilité du gouvernement du Québec. Un deuxième palier, celui sous l’égide de la CMM, est proprement politique (au sens de politique publique, en anglais policy). L’aménagement du territoire exige une vision globale de l’espace habité, de sa population, de ses activités, de ses équipements et des contraintes économiques et naturelles qu’il subit. Le troisième palier, celui de l’ARTM, est essentiellement stratégique : on demande à l’ARTM de planifier, d’organiser, de financer et de promouvoir le transport collectif. Finalement, le quatrième palier se situe au niveau de l’expertise opérationnelle. Quatre organismes publics de transport en commun (OPTC) desservent la région couverte par l’ARTM : exo (qui remplace l’AMT comme responsable des trains de banlieue ainsi que les quatorze organismes de transports des Conseils intermunicipaux de transport ou CIT), le Réseau de transport de Longueuil (RTL), la Société de transport de Montréal (STM) et la Société de transport de Laval (STL). Ces quatre organisations sont partenaires de l’ARTM et collaborent étroitement. Un cinquième opérateur s’ajoutera vers 2021 : le Réseau express métropolitain (REM).

Il est à noter que l’ARTM, compte tenu de sa compétence exclusive d’établir le cadre tarifaire des services de transport collectif sur son territoire, en incluant les services de transport adapté, a lancé une vaste réforme tarifaire qui devrait aboutir à une simplification de la tarification : des grilles tarifaires à intégrer dans une seule vision commune qui s’appliquera à l’ensemble du territoire.

L’ARTM ayant la compétence exclusive d’établir le cadre tarifaire des services de transport collectif sur son territoire, en incluant les services de transport adapté, elle a lancé une vaste réforme tarifaire qui devrait aboutir à une simplification de la tarification : des grilles tarifaires à intégrer dans une seule vision commune qui s’appliquera à l’ensemble du territoire. CR : ARTM

Le prolongement des lignes bleue et jaune et le projet de la ligne rose

L’ARTM n’est pas arrivée en fonction dans une situation de zéro projet, elle a dû s’arrimer à ce qui était en voie d’être réalisé ou déjà projeté. « Quand l’ARTM a été créée, indique M. Charbonneau, il y avait des projets en cours. Le 1er juin 2017, celui, colossal, du REM était déjà en marche, le SRB Pie-IX en était à sa dernière phase, le prolongement de la ligne bleue était en discussion, il était nécessaire d’en tenir compte, c’est pourquoi on a créé un Plan d’initiatives pour le court terme. » Le Plan des initiatives de développement du transport collectif 2018-2021 (PIDTC) comporte un portait global de ce qui se fait et de ce qui se prépare dans le domaine du transport collectif. Non seulement sert-il à identifier les nombreuses initiatives de transport collectif en cours d’élaboration dans la région, mais aussi celles qui méritent d’être étudiées. « C’est plus un processus, qu’un programme, poursuit le porte-parole. On est branché sur les demandes du milieu. Notre mode de gouvernance fait appel aux élus locaux et au milieu dans les cinq secteurs du territoire : Montréal, Laval, Longueuil, la couronne Nord, la couronne Sud ».
Dans le premier budget du gouvernement Legault, un montant de 4,3 milliards $ pour l’ensemble de la province sera réservé au cours des dix prochaines années pour des projets à l’étude et dont l’évaluation des coûts est trop sommaire pour en faire une évaluation précise. Concrètement, le gouvernement a affirmé sa volonté d’établir un réseau de transport collectif structurant, sur le boulevard Taschereau, dans l’est de Montréal et dans l’axe du prolongement de la ligne jaune du métro à Longueuil.



« Le prolongement de la ligne bleue était à l’étude au moment de l’entrée en fonction de l’ARTM, souligne M. Charbonneau. Le dossier d’affaires est présentement en voie de se réaliser. C’est un bureau de projet de la STM qui en est responsable. » Une sorte de principe de
subsidiarité s’applique ici : «Nous opérons au niveau métropolitain, poursuit le porte-parole. Au stade où en est rendu le projet de la ligne bleue, un tel projet tombe sous une responsabilité conjointe avec l’opérateur. La ligne jaune, elle, en est au niveau des études : des montants ont été attribués à ces études au moment du dernier budget. C’est entre les mains de l’ARTM.»

 

 

Simon Charbonneau précise toutefois que ces études ne sont pas faites en fonction d’une ligne de métro : « On ne fonctionne pas avec l’idée d’un mode en particulier, précise-t-il. Pour nous, il s’agit d’axes de déplacement. Grâce à une approche multidisciplinaire, nous apportons, dans ce débat, notre expertise. On considère l’ensemble du territoire, ses besoins, les réseaux déjà en place, la densification en termes de population et de gens qui y travaillent. Pour nous, ce n’est pas un projet dont il est question, mais un dossier que nous établissons en fonction d’un axe de déplacement. C’est plus tard que l’on propose des solutions. En considérant l’impact qu’elles auront sur le réseau en place. »

Même processus pour le projet de la ligne rose. « Pour nous, encore une fois, la ligne rose, c’est d’abord un axe de déplacement. Nous n’en sommes pas rendus à parler de métro, ou de train léger sur rail ou d’autre chose. On évalue les modes possibles. Ça peut être un métro, ou un service rapide par bus (SRB). Ce n’est pas décidé d’avance. La décision est prise à une étape ultérieure. » On comprend qu’une telle étude, qui ne préjuge pas du mode de transport le plus souhaitable, ne part pas a fortiori de l’hypothèse qu’une ligne rose est prioritaire. Elle propose un état des lieux qui permet une décision éclairée.

Autres interventions du PIDTC 2018-2021

En plus de ses réalisations dans le développement d’un réseau structurant régional, le PIDTC 2018-2021 intervient dans l’amélioration des dessertes par autobus sur le réseau routier supérieur, dans l’aménagement urbain, dans le réseau cyclable métropolitain et les modes actifs (marche à pied et vélo) et naturellement dans la préparation à la mise en service du Réseau express métropolitain.

Le Plan des initiatives de développement du transport collectif 2018-2021 (PIDTC) comporte un portait global de ce qui se fait et de ce qui se prépare dans le domaine du transport collectif. Non seulement sert-il à identifier les nombreuses initiatives de transport collectif en cours d’élaboration dans la région, mais aussi celles qui méritent d’être étudiées.



Un exemple concret du rôle de l’ARTM peut être illustré par le projet intégré de SRB sur Pie-IX, un projet discuté pendant plus de 12 ans, abandonné deux fois, revu, réécrit, promis, finalement avalisé par le comité exécutif de la Ville de Montréal, qui a octroyé en septembre dernier des contrats d’une valeur de plus de 220 millions de dollars pour lancer les travaux. La part du lion incombera à EBC qui construira les nouveaux aménagements routiers (ils comprendront des saillies de trottoirs et un système d’aqueduc remis à neuf) et des stations destinées aux 70 000 passagers du transport collectif qui devraient dans l’avenir circuler quotidiennement sur ce trajet. L’ARTM en assumant 65 % d’une facture totale évaluée à près de 400 millions de dollars, réalise son mandat de financement. En outre, l’ensemble de ces travaux et de ces interventions sur le territoire, ainsi que ses résultats, serviront d’intrants au Plan stratégique de développement (PSD). Car chaque projet réalisé s’insère dans un projet global et unifié, qui, pour conserver sa cohérence, doit sans cesse se corriger, se repenser, s’adapter. « À l’image d’un chef d’orchestre, l’ARTM est là pour s’assurer d’une cohérence d’ensemble en gardant le citoyen au cœur de l’action de tous les partenaires. Dans une approche collaborative, notre rôle en est un de fédérateur et de facilitateur », résume le porte-parole. •


Étapes préliminaires à la réalisation d’un projet d’infrastructure de la part d’un organisme public initiateur de projets (OPIP), tel que l’ARTM.
Tout débute avec l’avant-projet au cours duquel une fiche d’avant-projet est constituée. Elle décrit notamment, étayée par des données factuelles et vérifiables, la situation générale et le besoin d’infrastructures qui en découle. Le besoin doit être identifié clairement et situé dans le cadre des objectifs stratégiques de l’OPIP. S’ajoute une estimation du coût total du projet ainsi que de la production de chacun des éléments du dossier d’opportunité. À la suite de l’autorisation du Conseil des ministres, le projet sera inscrit au prochain Plan québécois des infrastructures (PQI) dans la catégorie « Projets à l’étude ». Le montant inscrit dans le PQI correspond à ce stade à l’investissement nécessaire à l’élaboration du dossier d’opportunité requis à la première phase de gestion du projet.
L’étape de la gestion du projet proprement dit est entre les mains du gestionnaire du projet. Normalement, dans le cas qui nous occupe, c’est l’exploitant de la nouvelle infrastructure à qui incombera cette responsabilité. Elle comporte quatre grandes étapes : le démarrage, pendant lequel le dossier d’opportunité est préparé, suivi de la planification, où c’est le dossier d’affaires qui est élaboré, puis la réalisation proprement dite et finalement la rédaction d’un dossier de clôture.