MAGAZINE CONSTAS

Déduction aux petites entreprises et revenu de placements

Les PME malmenées par la réforme fiscale canadienne

Chronique PME
QUESTION DE FISCALITÉ

La PME a subit récemment plusieurs assauts fiscaux qui, un après l’autre, la ralentit dans sa croissance, sa contribution à l’économie.

Les PME qui bénéficient du taux d’imposition réduit aux fins de la déduction pour petite entreprise pourraient voir leur impôt corporatif augmenter à partir de 2019 si elles tirent du revenu de leurs placements. Il s’agit d’une des mesures finalement retenues par le ministre fédéral des Finances Bill Morneau dans le cadre de sa réforme fiscale.

Par Benoit Riendeau *

Les sociétés canadiennes exploitant activement une entreprise sont imposées à un taux de 10 % au fédéral (ou au taux combiné de 18 % au Québec) pour la première tranche de 500000 $ de revenu imposable. Ces taux ont varié au fil des années, mais le principe de base, qu’on appelle déduction accordée aux petites entreprises (DAPE), est resté intact depuis quelques générations d’entreprises familiales. Ce principe permet aux PME canadiennes de disposer de bénéfices après impôts sur le revenu plus élevé et ainsi accélérer leur croissance en réinvestissant dans leur équipement, leurs comptes à recevoir, leur niveau d’inventaire ou encore de conserver le capital dans l’attente d’une nouvelle opportunité d’affaires ou du moment idéal pour réaliser un investissement majeur. Ce capital peut être conservé à même le bilan de l’entreprise ou dans un holding (société de gestion).

Or le ministre Morneau a annoncé qu’une société exploitée activement verrait son plafond des affaires de 500000 $ abaissé, et par le fait même son taux d’impôt augmenté de 5%, lorsque celle-ci, et/ou son holding associé, génère des revenus de placements de plus de 50 000 $ dans un exercice donné. Cette réduction de plafond (ou augmentation de taux) est progressive et annule toute DAPE à partir de 150 000 $ de revenu de placement.

Le ministre Morneau a annoncé qu’une société exploitée activement verrait son plafond des affaires de 500 000 $ abaissé, et par le fait même son taux d’impôt augmenté de 5%, lorsque celle-ci, et/ou son holding associé, génère des revenus de placements de plus de 50 000 $ dans un exercice donné.

Explications

La mesure peut paraître anodine, voire normale pour le contribuable moyen, mais elle est particulièrement dommageable pour la PME, notamment la PME des domaines de la construction, des services ou de la distribution qui ne bénéficient généralement d’aucune aide gouvernementale pour assurer son apport incomparable dans le PIB canadien. La DAPE est le contrepoids structurel de cette absence de support gouvernemental. L’affaiblir est une preuve d’un manque de vision à long terme pour la force économique d’un pays. D’ailleurs, contrairement à ce que laisse croire la nouvelle règlementation, le revenu de placement lui-même ne tire pas sa source de l’oisiveté économique. Il peut provenir de l’investissement en immobilier ou d’une société cotée en Bourse et qui est aussi exploitée activement (et occasionnellement subventionnée). Pourquoi donc définir le revenu de placement comme un objectif non louable ?

Un frein à la croissance

La PME a subit récemment plusieurs assauts fiscaux qui, un après l’autre, la ralentit dans sa croissance, sa contribution à l’économie. À titre d’exemple, le plafond de DAPE disparait également lorsque le capital (propre et emprunté) d’une société excède 10 millions de dollars. Au Québec, les plus petites PME ont également vu leur DAPE disparaître lorsqu’elles ne peuvent cumuler 5 500 heures travaillées annuellement. De surcroît, l’exonération de gain en capital lors de la vente d’actions de PME, qui est déjà refusée aux entreprises qui envisagent le transfert générationnel, est également attaquée par de récentes règles et interprétations des ministères du revenu, aussi bien à Ottawa qu’à Québec.

L’exonération de gain en capital lors de la vente d’actions de PME, qui est déjà refusée aux entreprises qui envisagent le transfert générationnel, est également attaquée par de récentes règles et interprétations des ministères du revenu, aussi bien à Ottawa qu’à Québec.

Du côté de Québec, il faut toutefois se féliciter du dernier budget du ministre des Finances Carlos Leitao, où est annoncée une réduction progressive du taux d’impôt du Québec pour les PME, notamment pour les PME de l’industrie de la construction. Ainsi, le budget du 27 mars prévoit que le taux passera progressivement de 8 à 4 % entre 2018 et 2021. Saluons cette initiative qui est un pas dans la bonne direction.

Or, malgré tout, la tendance générale demeure, chez nos gouvernements, à réduire l’espace fiscal de la PME. Il faut sans cesse rappeler à nos politiciens et aux grands décideurs ministériels de mieux reconnaître la place capitale mais fragile qu’elle occupe dans l’économie, et à considérer sa contribution au bien-être de toute la population. Car la PME est elle-même un membre important de la communauté. •

* Benoit Riendeau, CPA auditeur, CA, Associé directeur et cofondateur du cabinet Joly Riendeau et Associé inc