MAGAZINE CONSTAS

Connecter l’Alberta à l’Atlantique

Entrevue avec Louis Bergeron, de TransCanada

Louis bergeron. Vice-président, TransCanada
DOSSIER DU NUMÉRO 37  / LES PIPELINES

Fort de l’expérience Keystone aux États-Unis, TransCanada poursuit son projet de nouvel oléoduc vers l’est du Canada. L’Oléoduc Énergie Est transportera près de 1,1 million de barils de pétrole brut par jour, sur une distance de 4 600 kilomètres, de l’Alberta et de la Saskatchewan vers les raffineries québécoises et celles du Nouveau Brunswick. Ce projet d’avenir prévoit aussi la construction et le développement de nouvelles installations de stockage et d’infrastructures portuaires.

Par Michel Joanny-Furtin

Énergie Est convertira un gazoduc existant en un oléoduc pétrolier entre l’Alberta et l’Ontario. De nouvelles sections de conduites seront construites pour relier le pipeline converti au Québec et au Nouveau Brunswick. « Énergie Est, filiale à 100 % de TransCanada, fera l’acquisition de 3000 km de gazoduc reliant l’Alberta à l’est de l’Ontario afin de le convertir en oléoduc pétrolier, précise Louis Bergeron, vice-président de TransCanada. Suivra la construction de 1600 km de conduite neuve et d’infrastructures complémentaires, comme des stations de pompage et des terminaux de stockage.

TransCanada. Tracé d'Énergie-Est
L’Oléoduc Énergie Est transportera sur une distance de 4 600 kilomètres près de 1,1 million de barils de pétrole brut par jour de l’Alberta et de la Saskatchewan vers des raffineries québécoises et celles du Nouveau Brunswick. Le projet Énergie-Est a représenté des contrats d’une valeur de plus de 100 millions $ conclus avec plus de 250 fournisseurs québécois, au cours des trois dernières années. « À ce jour, 181 entreprises québécoises ont manifesté leur intérêt pour soumissionner aux différents appels d’offres qui seront lancés dans les prochains 18 à 24 mois dans la province », complète Louis Bergeron.

Pour ce faire, « il faudra adapter les installations existantes aux exigences de notre projet , explique-t-il. Nous procéderons à une remise à niveau des équipements dans le cadre de la conversion du gazoduc existant en oléoduc. Sur ce point, il n’y a pas de changements fondamentaux; même si certaines infrastructures ont de 25 à 40 ans de vie, elles sont en excellent état.  Nous appliquons les Normes CSA Z662 (1) depuis plusieurs décennies et grâce aux technologies actuelles, comme les sondes intelligentes, il y a une amélioration du contrôle des structures », poursuit le vice-président.

« Nous faisons appel, pour l’inspection, à des technologies de pointe dignes de l’imagerie médicale, de même que des systèmes de détection multicouches des fuites en temps réel.»

« Nous faisons appel à des technologies de pointe dignes de l’imagerie médicale pour l’inspection puis des systèmes de détection multicouches des fuites en temps réel. Nous appliquons aux pipelines un contrôle aux ultrasons pour vérifier qu’ils sont exempts de défauts avant leur mise en service. Une pratique qui n’est pas nouvelle, grâce à notre expérience du projet Keystone, une autre conversion de pipeline. Ces résultats nous confortent pour compléter l’infrastructure existante en transformant les stations de compression du gaz en stations de pompage du pétrole. Il y aura 71 stations de pompage sur la longueur du tracé dont une cinquantaine  sont déjà en place sur les 3000 premiers kilomètres du pipeline existant. »

Le tracé exact ne sera déterminé qu’après avoir été soumis à l’examen du public et des organismes de réglementation selon le calendrier suivant.
Automne 2016 : Audiences publiques du BAPE (le mandat du BAPE dépend d’un avis de recevabilité). 2016-2017 : Processus CPTAQ 2016-2018 : Audiences publiques et dépôt des recommandations de l’ONÉ (Office national de l’énergie) Les ajustements de l’échéancier devraient entraîner une mise en service en 2021, conditionnelle aux approbations réglementaires et à l’obtention des permis nécessaires.

Indépendance énergétique et développement économique

« L’avenir vise l’abandon progressif des énergies fossiles au profit des énergies alternatives. Cette période de transition prendra quelques décennies, et d’ici là, nous devons exploiter nos énergies actuellement disponibles. On a beaucoup parlé des coûts d’extraction de notre pétrole et de sa rentabilité versus le pétrole importé. Il faut savoir que les raffineurs de l’est du Canada importent au moins 50 % du pétrole de l’étranger pour répondre à la demande des consommateurs. Or, peu importe le prix du pétrole, il faut le transporter », signale Louis Bergeron.

« L’oléoduc Énergie Est permettra aux producteurs de vendre le pétrole canadien à un prix avantageux. Pour cela, le Canada doit avoir accès à des ports d’exportation. Le projet Énergie Est présente donc une double opportunité : équiper le pays en infrastructures en développant notre marché pétrolier vers le bassin atlantique. Nous avons un engagement de 20 ans pour transporter le pétrole à travers le pays. La production actuelle de pétrole brut de 3,8 millions de barils par jour va croître de 1 million de barils supplémentaires d’ici 2021. »

Le défi de l’acceptation sociale

Le projet Énergie Est traversera six provinces et donc autant de législations. « Chaque juridiction est unique », rappelle Louis Bergeron. « Au départ, nous nous sommes soumis à des audiences génériques (article 6.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement) du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Toutefois, suite à une entente intervenue le 22 avril 2016 avec le gouvernement du Québec, Oléoduc Énergie Est a soumis la portion québécoise de son projet à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue par la Loi sur la qualité de l’environnement (Art. 31.1 et suivants). Ainsi, dans le cadre d’une entente entre le Québec et TransCanada, cette procédure engage un processus plus détaillé comprenant de nombreuses démarches auprès des collectivités et des populations locales. »
« Au Québec, nous avons déjà organisé pas moins de 29 journées «Portes ouvertes», 8 journées «Sécurité active», 70 présentations locales et associatives. Nous avons rencontré près de 2 000 propriétaires terriens et nombre de membres de l’UPA (Union des producteurs agricoles) concernés par le tracé de l’oléoduc. Bref, sur les 648 km de construction du pipeline, ce sont à ce jour 300 km, soit près de 50 % du tracé initial, qui ont été modifiés afin de répondre aux attentes des collectivités locales », précise M. Bergeron, au moment d’écrire ces lignes. TransCanada a par ailleurs procédé à des ajustements au projet Énergie Est, à l’écoute des collectivités locales et des principales parties prenantes. L’entreprise a modifié sa demande pour Énergie Est, auprès de l’Office national de l’énergie (ONÉ), pour retirer du projet la construction d’un port au Québec.

Le pipeline reste le moyen de transport de pétrole le plus sécuritaire par rapport aux transports ferroviaire ou routier. Source : CEPA (Canadian Energy Pipeline Association)

Objectif : zéro incident !

« Le pipeline reste le moyen de transport de pétrole le plus sécuritaire par rapport aux transports ferroviaire ou routier. La sécurité reste toutefois notre priorité absolue à TransCanada, insiste son vice-président, et fait partie intégrante de notre culture d’entreprise. Formations permanentes, mises à niveau régulières, l’encadrement de nos travailleurs passe par une requalification de leurs acquis tous les trois ans avec des exercices de sécurité et des simulations pour analyser et améliorer la réactivité des membres du personnel », souligne Louis Bergeron.

« Par exemple, si une anomalie se présente, elle doit être identifiée et corrigée en moins de dix minutes. Si on ne peut la résoudre à l’intérieur de ce délai, on arrête le fonctionnement de la conduite par mesure préventive ! Qu’il y ait ou pas un risque, nous stoppons la conduite dès que nous avons le moindre doute. Sur l’oléoduc Keystone, nous avons suspendu l’activité du pipeline à titre préventif à 72 reprises depuis 6 ans pour bien vérifier la sécurité du système… »

« TransCanada s’est donné comme mission d’avoir zéro incident », affirme le vice-président. Nous avons d’ailleurs un excellent dossier avec un taux d’incident de 1 sur 2500 ans par km de pipeline. Et nous disposons d’une garantie minimale de 1 G$ pour compenser les conséquences d’un éventuel incident environnemental », complète Louis Bergeron qui conclut que, « dans le même sens, TransCanada a investi à ce jour pas moins de 5 milliards (5 G$) de dollars dans la production d’énergie à faible niveau d’émissions de gaz à effets de serre (GES). » •


À retenir / Le projet Énergie-Est a représenté des contrats d’une valeur de plus de 100 millions $ conclus avec plus de 250 fournisseurs québécois, au cours des trois dernières années. « À ce jour, 181 entreprises québécoises ont manifesté leur intérêt pour soumissionner aux différents appels d’offres qui seront lancés dans les prochains 18 à 24 mois dans la province », complète Louis Bergeron.
Les fournisseurs doivent s’enregistrer sur le site web (http://www.oleoducenergieest.com/benefices/entrepreneurs-et-fournisseurs) afin de proposer leur savoir-faire.