MAGAZINE CONSTAS

Concilier la protection de l’environnement et la prospérité

Constas rencontre le ministre de l’Environnement, Benoit Charette

« Pour le premier ministre Legault, la défense de l’environnement passe par l’hydroélectricité. »

Né en 1976, Benoit Charette est un témoin et un acteur des profondes transformations politiques qu’a connues le Québec au cours des dix dernières années. Élu député de Deux-Montagnes lors de l’élection générale de 2008 sous la bannière du Parti québécois, il se rallie à la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2011. Élu à nouveau, cette fois pour la CAQ, en 2014, et réélu en 2018 au moment de la victoire éclatante de son parti, Benoit Charette est nommé ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques le 8 janvier 2019. Il s’est confié à Constas.

Par Jean Brindamour

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Q. Le 21 juin 2019, le gouvernement du Canada a adopté le projet de loi C-69 qui constitue une réforme importante du régime fédéral d’évaluation environnementale au Canada. Le grand reproche que le premier ministre Legault et vous-même avez fait à ce projet de loi est de doubler les procédures environnementales – ce qui entraîne des coûts supplémentaires en temps et en argent. Est-ce le principal reproche ?

R. Effectivement, la réglementation suggérée par le fédéral viendrait en quelque sorte confirmer les dédoublements déjà présents. Cela entraine nécessairement des coûts, mais aussi des délais supplémentaires. Il s’agit de la position historique du Québec et qui a été défendue par les gouvernements précédents.

Q. La politique environnementale de votre gouvernement a été critiquée par certains activistes, quoique son pragmatisme, qui en a séduit plusieurs, soit apprécié par la population en général. La majorité des Québécois souhaite au fond que les politiques environnementales ne nuisent pas au développement économique. Est-ce irréaliste ?

R. Au contraire ! Ce qu’on voyait chez les gouvernements précédents, c’était que l’Environnement gérait ses dossiers de son côté, alors que l’Économie faisait sensiblement la même chose du sien. C’était, d’une certaine manière, deux ministères qui travaillaient en silo. Or, maintenant, on essaye de voir comment nos entreprises locales peuvent participer à la réduction de nos émissions de GES, à la préservation de notre environnement ainsi qu’à l’économie verte, dans un sens plus large. D’ailleurs, c’est principalement ce que nous faisons dans le cadre de notre tournée de consultation pour l’élaboration du nouveau Plan d’électrification et de changements climatiques.

« Cet automne, j’annoncerai une stratégie de gestion des matières résiduelles, un besoin qui date depuis bien trop longtemps. Je terminerai aussi une tournée de consultation pour l’élaboration du Plan d’électrification et de changements climatiques, un plan que j’aurai l’occasion de présenter au début de l’année 2020. » – Benoit Charette

Q. Pour le premier ministre Legault, la défense de l’environnement passe par l’hydroélectricité. Dans le « lobbying » du gouvernement québécois pour exporter son électricité vers nos voisins du sud, mais aussi vers l’Ontario, le ministère de l’Environnement ne pourrait-il pas jouer un rôle clé ?

R. Bien entendu, le ministère de l’Environnement a son rôle à jouer. L’exportation d’électricité propre est une des solutions que le Québec peut offrir à ses partenaires internationaux afin de réduire leur empreinte écologique.

« L’encadrement environnemental de l’activité de production de granulats a récemment été allégé, notamment en simplifiant les conditions de stockage des résidus, et ce, sur la base de nouvelles connaissances acquises. Cet allègement contribue à faciliter l’accès aux marchés pour les granulats produits.» – Benoit Charette

Q. Un mot sur une industrie souvent sur la sellette, celle des carrières et sablières, dont l’importance est généralement méconnue par le grand public. La synergie entre les acteurs de cette industrie (MRC, villes, Commission de protection du territoire agricole, ministère de l’Environnement), dans un contexte de gestion des troubles de voisinage, est-elle suffisante ? Ces instances collaborent-elles entre elles, et sont-elles à l’écoute d’une industrie qui fournit une matière première essentielle à nos infrastructures?

R. L’industrie des carrières et sablières est effectivement une industrie importante qui contribue à l’activité économique du Québec. La présence de carrières et de sablières sur l’ensemble du territoire interpelle différents intervenants dont les préoccupations peuvent être différentes. Le dialogue entre les intervenants concernés mène à une meilleure compréhension des réalités qui touchent les acteurs de l’Industrie. Justement, le Règlement sur les carrières et sablières a fait l’objet d’une refonte qui est le fruit d’une étroite collaboration des experts du Ministère avec différents partenaires. Nous considérons que ces échanges constructifs ont mené à un règlement qui concilie le développement de l’Industrie, la protection de l’environnement et le bon voisinage.

« Le Ministère et l’ACRGTQ ont réalisé, en collaboration, une étude portant sur le stockage des résidus d’asphalte en milieu contrôlé. Cette étude a généré des connaissances qui ont permis d’introduire des allègements à l’encadrement environnemental. » – Benoit Charette

Q. 65 % des membres du Regroupement professionnel des producteurs de granulats (RPPG) font actuellement de la récupération et du recyclage de béton et d’asphalte. Y a-t-il des incitatifs pour ce type de recyclage ?

R. L’encadrement environnemental de l’activité de production de granulats a récemment été allégé, notamment en simplifiant les conditions de stockage des résidus, et ce, sur la base de nouvelles connaissances acquises. Cet allègement contribue à faciliter l’accès aux marchés pour les granulats produits. Par ailleurs, des critères de qualité environnementale des granulats ont été établis par le ministère de l’Environnement. Ces critères, qui conduisent à une classification des matériaux établie selon leur nature et leur provenance, ont pour effet d’informer et rassurer les clientèles utilisatrices, contribuant de ce fait à faciliter l’accès aux marchés pour ces granulats.

Q. La gestion des eaux usées a fait beaucoup de bruit dans l’actualité ces dernières années. Plusieurs municipalités rejettent encore leurs eaux usées sans traitement dans des cours d’eau. Où en sont les projets d’assainissement des eaux pour les petites municipalités ? Est-ce que les programmes gouvernementaux fonctionnent ? Et la situation dans les grandes agglomérations quant au traitement des eaux usées est-elle satisfaisante ?

R. Des progrès considérables ont été accomplis au cours des dernières années en ce qui concerne la gestion des eaux usées municipales. À titre d’exemple, plus de 99 % de la population qui est desservie par un réseau d’égout est maintenant raccordée à un ouvrage municipal d’assainissement des eaux usées; au début des années 80, ce pourcentage était à 2 %. Le Ministère effectue du suivi et de l’accompagnement auprès des municipalités visées afin que toutes se dotent des équipements de traitement permettant de satisfaire aux exigences de protection de l’environnement. Il est à noter que les programmes d’aide visant les infrastructures d’eau relèvent du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH).

Q. Les entreprises sont souvent traitées par les activistes environnementaux comme des ennemis à abattre et non comme des pivots, par leurs investissements et leurs activités économiques, de notre bien-être collectif. Sans doute, les réglementations environnementales se doivent-elles d’être strictes et sévères, mais aussi compétitives. A-t-on toujours réussi à éviter au Québec les réglementations bureaucratiques, voire contre-productives ?

R. Une des priorités identifiées par le premier ministre à mon arrivée était les délais d’émission de certificat d’autorisation. Ceux-ci, comme vous vous en doutez, sont beaucoup trop longs. Voilà pourquoi, dès notre premier budget, nous avons accordé 19M$ pour l’embauche de ressources additionnelles. L’important, pour notre gouvernement, c’est de réduire les délais sans toutefois réduire les exigences environnementales. Nos entreprises font partie de la solution et nos politiques reflètent cela.



Q. Si l’on veut générer de la prospérité, ne devrait-on pas considérer la possibilité d’exploiter davantage nos ressources naturelles, incluant les ressources non renouvelables ?

R. La réalité québécoise est unique en Amérique du Nord : nous pouvons compter sur l’hydro-électricité fourni par Hydro-Québec, une énergie verte et renouvelable et ce, depuis plusieurs décennies. Présentement, exporter notre hydroélectricité demeure la meilleure façon de contribuer à réduire l’empreinte écologique de nos voisins et, du même coup, développer notre économie verte. Les Québécois gagneront à devenir la batterie de l’Amérique du Nord.

Q. Les relations du ministère de l’Environnement avec l’ACRGTQ et ses partenaires, mais aussi avec les organisations patronales en général sont-elles bonnes ?

R. Le Ministère entretient de bonnes relations avec ses partenaires. D’ailleurs, le Ministère tient différents comités conjoints, dont un avec l’ACRGTQ. Le mandat de ces comités est généralement de développer et de consolider les relations du Ministère avec les regroupements des clientèles industrielles et corporatives. À titre d’exemple, le Ministère et l’ACRGTQ ont réalisé, en collaboration, une étude portant sur le stockage des résidus d’asphalte en milieu contrôlé. Cette étude a généré des connaissances qui ont permis d’introduire des allègements à l’encadrement environnemental.

Q. Un mot en conclusion sur votre conception du rôle du ministère de l’Environnement dans le Québec d’aujourd’hui ?

R. De beaux défis m’attendent, mais nous sommes au travail depuis mon arrivée. Déjà, nous avons annoncé plusieurs mesures qui font avancer l’environnement au Québec. Que ce soit par la réforme du Fonds vert, qui permettra à l’argent récolté par le marché du carbone de finalement servir à réduire nos émissions de GES, ou même notre règlement de traçabilité des sols contaminés, qui responsabilise l’entièreté de la chaîne des intervenants. Cet automne, j’annoncerai une stratégie de gestion des matières résiduelles, un besoin qui date depuis bien trop longtemps. Je terminerai aussi une tournée de consultation pour l’élaboration du Plan d’électrification et de changements climatiques, un plan que j’aurai l’occasion de présenter au début de l’année 2020. •