La CCNQ ou la mise en valeur de la Capitale
Entretien avec Françoise Mercure, sa présidente et directrice générale
En un peu plus de vingt ans, la liste des réalisations de la Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ) est impressionnante. Cet organisme public et mandataire du gouvernement du Québec, sous la responsabilité du ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, a été créé en 1995 à la suite d’un vote unanime de l’Assemblée nationale. Mme Françoise Mercure, avocate émérite impliquée depuis longtemps dans la communauté des affaires de Québec – elle fut notamment présidente de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec, de l’Office du tourisme de Québec et du Centre local de développement de Québec –, a été nommée présidente et directrice générale de la CCNQ en décembre 2012. Nous l’avons rencontrée pour discuter du rôle de la CCNQ, de son mode de fonctionnement, de ses réalisations, de ses projets actuels et futurs.
Par Jean Brindamour
Q. Ce qui frappe au premier abord, c’est le large éventail des interventions de la CCNQ (aménagements, édition, site archéologique, etc.). On peut dire sans exagérer que la ville de Québec s’est mise en valeur depuis vingt ans en partie grâce à la CCNQ. Pouvez-vous résumer le mandat de cet organisme ?
R. La Commission de la capitale nationale du Québec incarne la volonté du gouvernement du Québec de reconnaître l’importance qu’il accorde à sa capitale. Grâce à son équipe multidisciplinaire, la Commission s’acquitte d’une vaste mission en contribuant à aménager et à embellir la capitale, à préserver ses lieux riches en histoire et à la faire découvrir par diverses activités. Elle veille également à conseiller le gouvernement du Québec sur la mise en valeur de son statut et à planifier certaines interventions avec les acteurs du milieu. La Commission est l’un des plus grands propriétaires fonciers de la capitale, ayant sous sa responsabilité des sites historiques comme le parc du Bois-de-Coulonge, le domaine Cataraqui ou le parc des Moulins, des places publiques comme la place de l’Assemblée-Nationale, des boisés urbains, mais aussi de grands espaces verts comme la promenade Samuel-De Champlain. De concert avec ses partenaires, la Commission contribue sur l’ensemble du territoire de la communauté métropolitaine de Québec à la création d’une capitale résolument moderne, fière de son passé et confiante en son avenir.
« La phase 3 de la promenade deviendra un attrait touristique majeur dans la capitale. »
Q. De quel modèle s’est-on inspiré pour créer la CCNQ ?
R. Notre organisme a été largement inspiré de la Commission de la capitale nationale du Canada. La Commission de la capitale nationale du Québec est en quelque sorte l’héritière de la Commission d’aménagement de Québec, créée en 1961 afin de concevoir un projet de colline Parlementaire. Nous avons aujourd’hui un mandat beaucoup plus large d’aménagement et de promotion de la capitale, ainsi qu’un rôle-conseil auprès du gouvernement.
Q. Et l’organisation ? Vous êtes directrice générale mais aussi présidente d’un conseil d’administration. À qui fait-on appel pour le conseil d’administration ?
R. Le conseil d’administration est composé de 13 membres de la société civile dont la présidente et directrice générale, qui sont nommés par le gouvernement. Parmi les membres du CA autres que la présidente, au moins trois doivent résider sur le territoire de la Ville de Québec et au moins un sur le territoire de la Ville de Lévis. Depuis l’adoption de la nouvelle Loi accordant le statut de capitale nationale à la Ville de Québec, deux membres sont nommés sur recommandation de la Ville de Québec et un membre est nommé sur recommandation de la Nation huronne-wendat. Notre conseil d’administration veille notamment à ce que la Commission dispose des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission, détermine les politiques et les orientations générales de la Commission, établisse le plan de développement, adopte le budget, les états financiers et le rapport annuel d’activités, adopte tout règlement prévu par la loi, et puisse former, parmi ses membres, un groupe de travail chargé d’examiner des questions spécifiques.
Q. Et quel rôle joue le ministre François Blais ?
R. Notre organisation relève du ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, M. François Blais. Le ministre est responsable de l’application de notre loi constitutive, la Loi sur la Commission de la capitale nationale. Il approuve le budget que lui soumet la Commission. Il dépose également les états financiers, le rapport d’activités et le plan de développement à l’Assemblée nationale.
Q. Une des choses les plus frappantes, c’est le nombre de paliers de gouvernement et d’organismes qui peuvent être partie prenante d’un projet. Comment ça se passe pour harmoniser tout ça ?
R. La plupart des réalisations de la Commission se font en partenariat. Souvent avec la Ville de Québec, certes, mais aussi avec les autres entités municipales sur son territoire d’intervention, qui comprend les 28 municipalités de la communauté métropolitaine de Québec. Nous œuvrons avec divers ministères ou organismes provinciaux et fédéraux, mais également avec des partenaires privés. Tout dépend de la nature des projets et des sites d’intervention.
Q. Un mot sur le financement des projets. J’imagine que la CCNQ a un budget d’opération fixe, mais que chaque projet a un financement distinct.
R. La Commission reçoit une subvention gouvernementale qui évolue annuellement. Elle comprend un budget de fonctionnement, qui couvre les opérations courantes, et le service de dettes, qui permet de couvrir les sommes empruntées pour la réalisation des projets. La Commission génère également certains revenus autonomes de ses programmes, produits et attraits, par exemple les locations de salles au domaine Cataraqui ou les entrées à l’Observatoire de la Capitale. Dans le cadre de grands projets d’aménagement, elle sollicite également la participation de partenaires privés qui contribuent ainsi au rayonnement de notre capitale.
Q. Le premier grand mandat de la CCNQ, dès sa création, a été le réaménagement et la mise en valeur de la colline Parlementaire. Cela comprend un très grand nombre d’interventions. Comment ça se planifie ?
R. La requalification de la colline Parlementaire représente un vaste projet d’aménagement qui s’est réalisé en plusieurs phases, avec la collaboration de l’Assemblée nationale du Québec et de la Ville de Québec. Que l’on pense au réaménagement de l’avenue Honoré-Mercier et de la rue d’Auteuil, à l’aménagement de la place de l’Assemblée-Nationale, du secteur des glacis et de la promenade des Premiers-Ministres, à la requalification de la Grande Allée Est, à la mise en lumière de l’hôtel du Parlement ou à l’installation de la fontaine de Tourny, De façon générale dans ce type de projets, des ententes doivent d’abord être conclues avec les partenaires, lesquelles établissent les rôles et responsabilités de chacun. Lorsque le financement est attaché, on peut réfléchir au programme du projet et à son concept, et réaliser un avant-projet. Souvent, ces étapes sont réalisées à l’interne par notre équipe multidisciplinaire, mais parfois, des mandats externes sont donnés. Par la suite, selon la nature du projet et les besoins, des études sont réalisées avant l’élaboration des plans et devis. La Commission, dans la plupart des cas, effectue le suivi de la réalisation du projet, c’est-à-dire la gestion des appels d’offres, la coordination des travaux et le contrôle de la qualité jusqu’à la livraison finale du projet.
Q. Que vous reste-t-il à faire sur la colline Parlementaire ? Y a-t-il des projets en cours ou à venir ?
R. Dans le cadre de son plan directeur de la colline Parlementaire visant à compléter le projet d’aménagement du secteur, la Commission réfléchit sur la requalification de la rue Jacques-Parizeau, avec la collaboration de nombreux partenaires. Les directives issues de ce plan guideront les orientations pour le réaménagement futur des parcs de l’Amérique-Française et de la Francophonie, dont nous sommes propriétaires. Dans ce dernier, la Commission aménagera à l’été 2017, en collaboration avec la Ville de Québec, un monument en hommage à la Superfrancofête, poursuivant ainsi son programme de commémoration mettant en lumière des événements ou personnages importants de notre histoire. La Commission est aussi gestionnaire de l’Observatoire de la Capitale, situé au sommet de l’édifice Marie-Guyart. Cet attrait touristique offre la plus belle et la plus haute vue sur Québec, au cœur de la colline Parlementaire. Nous avons inauguré en 2016 notre nouveau parcours découverte Horizons, qui permet de découvrir l’histoire de la capitale, mais aussi ce qui a forgé l’identité des Québécois au fil des siècles de façon unique et originale, en écho au panorama visible depuis les larges baies vitrées. En un an, nous y avons accueilli un nombre record de plus de 90000 visiteurs! La Commission a ainsi gagné son pari de faire rayonner la capitale et son histoire au bénéfice du plus grand nombre.
Q. Le projet de la promenade Samuel-De Champlain a été entrepris par la CCNQ afin de réhabiliter un secteur des berges du fleuve. Il doit se réaliser en partenariat avec la Ville de Québec et le ministère des Transports (MTQ) en quatre phases. Pouvez-vous nous dire comment se sont passées les deux premières phases ?
R. La promenade Samuel-De Champlain est le fruit d’une décennie de réflexion sur l’avenir du littoral urbain. La première phase de la promenade était le legs du gouvernement du Québec à sa capitale pour ses 400 ans en 2008, afin de redonner le fleuve aux Québécois. C’est la Commission qui a réalisé le projet de façon exemplaire, en partenariat avec le MTQ, et grâce à des contributeurs financiers dont la Ville de Québec. Le défi consistait à reconquérir la bordure du fleuve pour laisser place à un boulevard urbain serpentant au cœur d’un vaste parc linéaire riverain. La promenade a reçu de nombreux prix en architecture à l’échelle internationale, et notre plus grande fierté réside dans le fait que la population s’est approprié ce nouvel espace. La promenade a accueilli plus de 3 millions de visites en 2015 et l’appréciation des usagers est presque unanime. Pour sa part, le prolongement de la promenade vers l’ouest a été complété à l’automne 2016. Il inclut le sentier des Grèves, un sentier piétonnier aménagé de façon naturelle pour permettre la découverte du fleuve et de la falaise. Les aménagements du secteur Champlain ont pour leur part été réalisés par le MTQ, dans la foulée des travaux de requalification du boulevard Champlain dans le secteur des ponts.
Q. Les travaux pour la réalisation de la phase 3 pourraient se mettre en branle sous peu. Pouvez-vous nous dire en quoi elle consistera ? Et qui sera le chargé de projet ?
R. C’est la Commission de la capitale nationale du Québec qui est responsable de ce grand projet, ce qui est très emballant pour notre équipe. La 3e phase de la promenade Samuel-De Champlain s’étendra de la côte de Sillery à la côte Gilmour, sur une distance de 2,5 km en bordure du fleuve. Ce projet inclut notamment le réaménagement du boulevard Champlain et le déplacement de la voie ferrée, des interventions sur les terrains municipaux en bas de la côte de Sillery, la consolidation du quai Frontenac et la mise en valeur des secteurs de l’anse Saint-Michel et de la plage du Foulon. Dans ce secteur, nous aménagerons un pavillon de services, un bassin de baignade et un miroir d’eau, bordés par une immense plage protégée. La phase 3 de la promenade deviendra un attrait touristique majeur dans la capitale. Notre bureau de projet travaille présentement à finaliser le dossier d’affaires, qui inclut notamment toutes les ententes avec les nombreux partenaires, le détail des coûts, l’échéancier et les plans et devis. Les travaux, qui dureront environ quatre ans, débuteront ensuite.
Q. Le gouvernement du Québec et la Ville de Québec ont proposé une 4e phase par laquelle la promenade Samuel-De Champlain se rendrait jusqu’au pont de l’Île d’Orléans. Est-ce que cette phase finale est en discussion ?
R. Lorsqu’on parle de la phase 4 de la promenade, on s’intéresse aux aménagements qui seront faits dans le secteur de Beauport sur 8 km, soit entre l’avenue D’Estimauville et le parc de la Chute-Montmorency. De concert avec les partenaires que sont la Ville de Québec et le MTQ, la Commission a réalisé un plan directeur de développement urbain et de mise en valeur du littoral est et de ses abords, qui représente une vision devant permettre, à terme, une plus grande appropriation des berges à des fins récréatives par le grand public, tout en restructurant un secteur au fort potentiel. Cette vision propose des points de rencontre avec le fleuve, afin de retisser des liens entre la ville et le Saint-Laurent. La Commission souhaite tenir des consultations auprès des citoyens et des discussions avec les partenaires sont toujours en cours.
Q. J’aimerais que vous me parliez de la CCNQ dans les années à venir. Beaucoup a été fait; qu’est-ce qui reste à faire ?
R. La Commission a dans ses cartons plusieurs projets emballants pour la capitale. Sans les nommer tous, elle veille notamment à la stabilisation et à la recherche de vocations des Nouvelles-Casernes, le plus grand bâtiment érigé par les autorités en Nouvelle-France, construites entre 1749 et 1752 afin de loger les troupes françaises envoyées en renfort à Québec. Il s’agit d’un site patrimonial d’exception et la Commission a le mandat de le consolider, puis de le faire revivre. Nous finalisons également la refonte complète de notre programme de circuits pédestres guidés destinés aux groupes scolaires et aux nouveaux arrivants de partout au Québec, afin de leur faire découvrir leur capitale nationale. Nous avons de nombreux projets de commémoration et d’édition sur notre planche à dessin. Au cours de l’été 2017, nous poursuivrons notre programme d’entretien et de mise en valeur des sépultures des premiers ministres du Québec qui se déploie aux quatre coins de la province depuis 2012. De plus, nous continuerons d’apporter une très grande attention à l’entretien de nos parcs et espaces verts, ainsi qu’au maintien des actifs dans nos propriétés qui, pour la plupart, ont une valeur historique et patrimoniale inestimable. L’objectif que la Commission poursuit à travers la réalisation de tous ses projets d’aménagement et de mise en valeur, est d’offrir à la population du Québec une capitale mémorable et inspirante. Une capitale dont les Québécois peuvent être fiers.