MAGAZINE CONSTAS

Des industriels inquiets

Le Plan d’action 2035 d’Hydro-Québec et son incidence sur la grande industrie

D’ici 2035, Hydro-Québec prévoit ajouter 60 TWh d’électricité supplémentaire. Un investissement évalué à 200 G$. Les grands consommateurs industriels d’électricité, membres de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIE) et payant leur électricité aux tarifs L et M ou en vertu de contrats spéciaux conclus avec le gouvernement du Québec, s’interrogent sur les défis que représentera un tel investissement et l’impact que cela aura sur leurs activités. Discussion avec Jocelyn B. Allard, président de l’AQCIE.

par Stéphane Desjardins

 

 

D’entrée de jeu, M. Allard se demande d’où proviendra cet énorme investissement. Le président sortant d’Hydro-Québec, Michael Sabia, a déjà mentionné qu’il y aurait une hausse du tarif payé par les membres de l’AQCIE de 4 à 5 % par année pendant 10 ans. « Alors que la hausse des tarifs résidentiels est plafonnée à 3 % par année selon l’intention gouvernementale, nos membres risquent d’être les plus importants contributeurs financiers de ce plan d’action », dit M. Allard.

Selon le Plan d’action 2035 de la société d’État, un tiers de cet ajout d’électricité servira à décarboner l’industrie, qui est respon­sable du tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES). Une intention louable, qui fait cependant craindre au président de l’AQCIE que la contribution demandée à ses membres réduise les investissements qu’ils pourraient faire dans leurs installations. Cela se traduirait également par une perte de compétitivité des usines, ce qui risque d’entraîner des pertes d’emploi.

Jocelyn B. Allard, président de l’AQCIE.

Un effet majeur sur l’économie du Québec

Le président de l’AQCIE tient à rappeler le rôle important que ses membres jouent dans l’économie du Québec. Sur le site Internet de l’Association, il est mentionné que les entreprises membres sont présentes dans toutes les régions de la province et offrent des dizaines de milliers d’emplois parmi les mieux rémunérés du secteur industriel. Elles contribuent annuellement à la hauteur de plus de 3 G$ au PIB du Québec, produisent environ le tiers de ses exportations et y totalisent près des deux tiers des immobilisations. En fait, au cours des 10 dernières années, les consommatrices industrielles d’électricité ont investi plus de 20 G$ dans l’optimisation de leurs activités québécoises.

En plus des pertes d’emploi qui pourraient survenir si Hydro-Québec haussait le tarif L facturé aux membres de l’AQCIE, nous craignons les effets sur l’emploi des tarifs douaniers imposés par l’administration Trump.

— Jocelyn B. Allard

Examiner toutes les possibilités

M. Allard croit qu’il serait opportun d’examiner les avenues possibles pour que le financement du Plan d’action d’Hydro-Québec ne pèse pas trop sur ses membres. Dans cet esprit, il espère que le Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE), mentionné dans le projet de loi no 69 (à l’étude au moment d’écrire ses lignes) permettra d’examiner toutes les sources d’énergie pouvant être mises à contribution dans la mise en œuvre du plan d’Hydro-Québec.

Dans ce Plan d’action, on mentionne d’ailleurs la possibilité de mettre en opération la centrale au gaz de Bécancour, propriété de TC Énergie, en l’alimentant avec du gaz naturel renouvelable. D’une puissance de 550 MW, l’installation, inaugurée en 2006, n’a jamais été utilisée jusqu’ici. Un projet avec lequel M. Allard serait d’accord.

Des emplois menacés

En plus des pertes d’emplois qui pourraient survenir si Hydro-Québec haussait les tarifs facturés aux membres de l’AQCIE, M. Allard redoute les effets sur l’emploi des tarifs douaniers imposés par l’administration Trump. Par exemple, la surtaxe de 25 % imposée aux produits de l’aluminium, le 12 mars dernier, et la nouvelle menace de doubler celle-ci à hauteur de 50 % fait mal aux alumineries, toutes membres de l’AQCIE. 

 

Qu’est-ce que l’AQCIE ?

Fondée en 1981, l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIE) regroupe les plus gros consommateurs industriels d’électricité du Québec. Cela représente environ 175 établissements industriels qui bénéficient soit du tarif L (appelé tarif de grande puissance, dont la puissance minimale à facturer est d’au moins 5 000 kW), soit d’un contrat spécial de vente d’électricité conclu avec le gouvernement du Québec. L’AQCIE comprend aussi de nombreux membres industriels consommant leur électricité en moyenne puissance (généralement entre 2 000 et 5 000 kW). Les grands industriels représentent 20 % des revenus de vente québécois d’Hydro-Québec et comptent pour un tiers de la consommation d’électricité vendue par la Société d’État dans la province.