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Deux cents ans d’innovation: le fil conducteur du véhicule électrique

L’intérêt pour les véhicules électriques ne date pas d’hier !

Pour beaucoup, les véhicules électriques incarnent l’avenir du transport automobile et symbolisent l’innovation de notre époque. Or, si ces voitures sont plus nombreuses sur nos routes depuis peu, on est en mesure d’en retracer les origines au 19e siècle.

par Marie-Ève Martel

 

 

«La voiture électrique est une combinaison de différentes technologies: la pile électrique, créée en 1800 par Alessandro Volta, et le moteur électrique, par Faraday, en Angleterre, en 1821», explique Dumaresq de Pencier, coordinateur des expositions et de projets au Musée canadien de l’automobile et auteur de l’exposition numérique Du courant au volant: les véhicules électriques au Canada et au-delà.

Plusieurs prototypes de véhicules électriques ont par la suite été mis au point. On pourrait attribuer au Hongrois Ányos Jedlik l’invention de la toute première voiture électrique, en 1828, mais celui-ci n’a pas documenté le processus.

La première voiture électrique fabriquée au Canada était la Fetherstonhaugh. Photo : Collection du Musée canadien de l’automobile

C’est donc au Français Gustave Trouvé qu’on attribue la paternité de la première voiture électrique de promenade, en 1881. «Il a pris un tricycle commercial, y a ajouté un moteur électrique et un système de contrôle, puis il l’a conduit dans les rues de Paris, relate M. de Pencier. Ça a créé une commotion.»

 

Un premier record de vitesse est établi par une voiture électrique en 1899 par le Belge Camille Jenatzy, qui atteint 106 km/h à bord de la Jamais Contente, un véhicule qui ressemble davantage à une boîte à savon ou à un obus sur roues qu’aux voitures d’aujourd’hui. À cette époque, seuls les trains roulaient aussi vite.

Les fabricants nord-américains ont tôt fait d’entrer dans la course. Plusieurs entreprises se sont mises à construire des véhicules électriques, qui ont rapidement connu le succès au tournant du 20e siècle.

La paternité de la première voiture électrique est encore contestée. Plusieurs inventeurs américains et européens ont conçu divers modèles à la même époque.

Sanitaire, silencieux et simple

Au Canada, les premiers véhicules électriques sont observés dans les grandes villes, en raison du réseau électrique plus développé. Photo : Collection du Musée canadien de l’automobile

Comme le réseau électrique de l’époque était loin d’être celui qu’on connaît aujourd’hui, c’est dans les grandes villes qu’on voyait circuler ce type de véhicules.

 

Par ailleurs, la voiture électrique était une réponse aux enjeux environnementaux et sanitaires de l’époque. «Les transports se faisaient à vapeur ou à cheval, rappelle le coordinateur. Il fallait donc constamment nettoyer les rues des excréments de cheval. On estimait que si on ne les nettoyait pas, c’était environ six pieds de boue et de déjections animales qui s’accumulaient, avec des problèmes d’odeur, de pestilence et de contamination de l’eau.»

Le tout premier véhicule commercial de la Still Motor Company, une camionnette de livraison électrique (à gauche), vers 1903. Photo : Collection du Musée canadien de l’automobile

Les véhicules à essence, eux, engendraient de la fumée et des cendres dans l’air. Ils pouvaient aussi exploser.

«Le véhicule électrique était sécuritaire, sanitaire, silencieux et facile à réparer, de poursuivre M. de Pencier. De plus, il était si facile à conduire que certains fabricants faisaient leur publicité en disant que même les enfants pouvaient les opérer.»

Une histoire en montagnes russes

Un premier record de vitesse est établi par une voiture électrique en 1899 par le Belge Camille Jenatzy, qui atteint 106 km/h à bord de la Jamais Contente. Photo : « Jamais Contente – Compiègne – 2011 » de Afernand74, sous licence CC BY 3.0.

Ce premier âge d’or du véhicule électrique sera cependant de courte durée: l’avènement de la Première Guerre mondiale a tôt fait de mettre les véhicules électriques à l’arrière-plan au profit des voitures à essence.

«Il y a une demande gigantesque pour ces véhicules, et l’industrie réalise, avec l’augmentation de la production, que les véhicules à essence sont moins chers et qu’il est plus efficace de les construire et de les entretenir», indique le coordinateur.

La Citicar triangulaire biplace de Sebring-Vanguard, vendue dans toute l’Amérique du Nord, est l’une des voitures électriques les plus populaires des années 1970. Photo : Collection de Charlie Beesley

L’engouement pour les véhicules électriques renaît toutefois au terme de la Deuxième Guerre mondiale. «C’est aussi en lien avec l’intérêt pour les nouvelles technologies nées dans les années 1950 avec Spoutnik, note M. de Pencier. Il y a alors beaucoup d’intérêt à fabriquer des appareils électriques pour faire progresser l’humanité.»

 

Les véhicules à essence reprennent toutefois la pole position pour le reste des Trente Glorieuses, mais la crainte d’une pénurie de pétrole fait renaître le goût d’innover du côté de l’électrique.

 

Camion électrique Marathon C-300 de 1980. Photo : Aldenjewell, sous licence CC BY 2.0.

Des enjeux qui perdurent

 

Qu’ils aient vécu au 20e ou au 21e siècle, les propriétaires d’une voiture électrique ou ceux qui songent à s’en offrir une partagent les mêmes préoccupations.

 

«Déjà, dans des archives de 1899, on peut lire des personnes qui disaient aimer l’idée d’avoir une voiture électrique, mais craindre de ne pas avoir assez d’énergie pour aller visiter leur famille à 200 km de là, ou ne pas pouvoir se charger», énumère Demaresq de Pencier.

La lourdeur des véhicules est aussi un enjeu. Dans la première moitié du 20e siècle, certaines entreprises ou compagnies de taxis se sont découragées d’acquérir un parc entièrement électrique en raison du poids des batteries. «Les véhicules étaient relativement peu coûteux, mais il leur en coûtait cher pour remplacer les roues et les pneus», explique le coordonnateur.

Puis, il y a l’hiver. Comme aujourd’hui, le froid qui règne diminue l’autonomie de la voiture et les pneus des véhicules électriques, plus souples, adhèrent moins à un sol gelé.

Les véhicules électriques tels qu’on les connaît aujourd’hui ressemblent peu à leurs ancêtres. Deux siècles d’innovation ont été nécessaires pour en arriver au produit qu’on trouve actuellement sur nos routes.

Enfin la place qui lui revient

L’invention de la batterie lithium-ion, dans les années 1970, et sa commercialisation une vingtaine d’années plus tard, permet à l’industrie du véhicule électrique de prendre son envol une fois pour toutes. «Il s’agit de la batterie miracle que les inventeurs cherchaient depuis les années 1920: dense en énergie, relativement légère et durable», note M. de Pencier.

On connaît la suite de l’histoire…