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Des autoroutes intelligentes pour procéder à une recharge en roulant

VINCI Autoroutes teste cette approche innovante

Des autoroutes électriques qui permettent de recharger les véhicules en roulant, c’est ce sur quoi travaille VINCI Autoroutes. L’entreprise française teste présentement plusieurs façons de rendre les chaussées intelligentes. Une approche qui comporte plusieurs avantages.

par Leïla Jolin-Dahel

 

 

Photo: Caroline Gasch

Actuellement, le paysage du transport électrique est dominé par les bornes de recharge en environnement urbain, périurbain et à domicile, résume Pierre Delaigue, directeur des projets de mobilité autonome, connectée et électrique chez VINCI Autoroutes. «Et sur les autoroutes, on a des bornes à puissance très élevée parce qu’on veut que la charge soit limitée à la pause qu’on fait sporadiquement.»

Or, l’ambition de la France est que la recharge s’effectue tout en roulant. Cette approche comporte plusieurs avantages, spécialement pour les poids lourds. Le coût pour l’achat d’un véhicule sera réduit grâce à une batterie de taille plus modeste. Les camions seront plus légers et pourront ainsi transporter davantage de charges. Leur autonomie sera augmentée en raison de la recharge continue sur la chaussée. M. Delaigue ajoute que l’empreinte carbone de ces véhicules sera également diminuée, car moins de matériaux rares seront requis pour la fabrication de batteries plus petites. «C’est win-win pour tout le monde.»

Selon le gouvernement français, électrifier les autoroutes coûterait moins cher que d’étendre un réseau de bornes statiques à grande échelle. Le gouvernement souhaite donc un jour déployer ces technologies sur les autoroutes du pays.

Des bobines et des rails

VINCI Autoroutes teste actuellement deux méthodes. La première fait appel à des bobines émettrices sur la route, qui rechargent les véhicules munis de récepteurs. «C’est un peu la même technologie que lorsque vous rechargez votre téléphone cellulaire par le biais d’un appareil sans fil», illustre M. Delaigue.

Cette approche a également fait l’objet d’un projet de recherche au Canada, où VINCI a collaboré entre autres avec l’Université Laval et l’École de technologie supérieure de Montréal (ÉTS). En juillet 2022, une structure de chaussée d’essai d’environ six mètres de longueur par deux mètres de largeur a été testée à Québec. «En parallèle, on a mené des recherches en laboratoire à l’ÉTS et ici au Centre technique Amériques (CTA) d’Eurovia, filiale de VINCI», explique Amélie Griggio, directrice technique de la division Amériques et Océanie de VINCI Construction et directrice du CTA, situé dans la région métropolitaine.

En France, l’entreprise effectue aussi des expérimentations avec un rail métallique inséré dans la chaussée. «C’est une méthode qui est inspirée des transports ferroviaires. Il y a déjà plusieurs réseaux de tramways qui tournent de la sorte», ajoute Pierre Delaigue.

L’autoroute ne sera plus un simple tapis routier, mais un squelette énergétique qui alimente tous les véhicules.

— Pierre Delaigue

Mais ces approches posent plusieurs défis sur le plan de leur intégration dans la chaussée et de leur durabilité, mentionne de son côté Lionel Grin, directeur de l’innovation pour les divisions Route France et Réseaux France chez VINCI Construction. «Le deuxième enjeu concerne le collage. On doit s’assurer que ces matériaux sont bien collés et qu’il y a un fonctionnement continu. Et précisément pour la technologie de conduction avec des rails, il faut que son adhérence soit satisfaisante, pour des raisons de sécurité.»

Tranchage, rabotage… Les techniques sont celles traditionnellement utilisées dans l’industrie de la construction. «Ça demande de la formation pour monter en compétences, mais ce n’est pas non plus un changement complet de nos manières de travailler, ce qui constitue un atout pour ces techniques.»

 


 

 


 

Des autoroutes électriques au Québec?

Photo: Caroline Gasch

Alors qu’au Québec, les véhicules électriques se chargent notamment à l’aide de bornes du Circuit électrique sur la route, serait-il possible d’implanter ici, en climat nordique, une technologie qui aurait le même effet en roulant?

L’objectif du projet de recherche mené au Québec visait justement à comprendre le comportement mécanique d’une chaussée où sont intégrées les bobines, décrit Amélie Griggio. «Les conclusions préliminaires sont positives, comme quoi la solution est déployable et reproductible. C’est une technologie envisageable dans des circonstances précises, que l’on a encadrée dans notre contexte québécois.»

VINCI Construction souhaite, tôt ou tard, tester son innovation en milieu réel. «Ça nous donnerait l’occasion de confirmer et de confronter les résultats de nos expériences en laboratoire avec ces situations concrètes», poursuit Mme Griggio, tout en précisant que, pour ce faire, les chaussées doivent être en bon état. «L’intégration des bobines entraîne des travaux majeurs, et on doit s’assurer de le faire dans des conditions adéquates. Il faut aussi que l’équipement et les technologies sur les véhicules soient accessibles.»

Ces technologies rendent les chaussées intelligentes et feront partie intégrante de l’avenir de la mobilité décarbonée.

Cela permettrait donc de vérifier l’efficacité des bobines en climats extrêmes. «On en a déjà testé quelques-unes, mais, pour d’autres, c’était impossible parce qu’on ne pouvait pas les répliquer en laboratoire.»

Photo: Caroline Gasch

«Il n’y a pas de raison que les bobines ne puissent pas être adaptées avec les matériaux de chaussées habituellement utilisés [au Québec], croit de son côté Lionel Grin. «Une couche de neige, de glace ne perturbe nullement le transfert énergétique», renchérit Pierre Delaigue.

En ce qui a trait à la technologie de conduction avec les rails, des essais ont été réalisés en Scandinavie, notamment en Suède. «Mais il faut s’assurer que, même en conditions mouillées ou hivernales, l’adhérence est maintenue.»

Une petite révolution routière

De telles avancées technologiques pourraient avoir des retombées «colossales», estime M. Delaigue. Il rappelle que l’État français a pour ambition d’électrifier 75% des autoroutes et des plus grands axes du pays. «C’est un changement complet de paradigme. L’autoroute ne sera plus un simple tapis routier, mais un squelette énergétique qui alimente tous les véhicules.»

De nouveaux marchés seraient créés dans les secteurs de l’énergie et de la construction, notamment en génie civil et électrique. «Plusieurs expertises seront sollicitées dans ces prochains travaux.»

M. Grin abonde en ce sens. «Ces technologies rendent les chaussées intelligentes et feront partie intégrante de l’avenir de la mobilité décarbonée.» ■