Effet minime de la décote de crédit du Québec sur les infrastructures
Deux experts se font rassurants sur l’impact de la baisse de la cote de crédit du Québec
Le 16 avril dernier, l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) abaissait la cote de crédit du Québec et d’Hydro-Québec, d’AA- à A+. Les répercussions sur les travaux d’infrastructures à venir seront toutefois minimes, disent des experts.
par Stéphane Desjardins
S&P a justifié sa décision en raison des déficits d’exploitation persistants et d’autres facteurs, comme la hausse des dépenses salariales, la baisse des revenus et le ralentissement de la croissance démographique. Pour Hydro-Québec, l’agence cite le plan de décarbonation, qui nécessitera des investissements de plus de 150 G$ et qui fera grimper sensiblement la dette.
« Cette décote aura de toute évidence un impact sur les coûts de financement des travaux d’infrastructures, mais il sera marginal. Et ça ne devrait pas fondamentalement changer les orientations du gouvernement, notamment en ce qui a trait au Plan québécois des infrastructures (PQI) », commente Francis Gosselin, consultant, économiste et chroniqueur pour le Journal de Montréal.
Une nouvelle décote d’une autre agence de notation pourrait toutefois changer la donne.
L’économiste estime l’incidence de la décote à seulement quelques millions, annuellement. « Sur un budget total de dépenses de l’État québécois de 154 G$, c’est infime », dit-il.
Le coût d’emprunt risque de grimper de 0,02 % pour les
prochains projets d’infrastructures, estime François Gagnon, chroniqueur à Cogeco et analyste économique du secteur de la construction. Rien pour inquiéter les entreprises du secteur.
« Ce n’est pas gravissime, mais ils vont devoir serrer les dents et surveiller les dépenses à Québec ; ils n’auront pas le choix », estime-t-il.
Quelques chiffres (2025)
La dette du Québec :
Dette totale (État québécois, Hydro-Québec,
municipalités, universités) : 355 G$
Dette nette (31 mars) : 236 G$ (38,5 % du PIB)
Dette brute (31 mars) : 258 G$
La dette brute correspond à la dette
sur les marchés financiers,
plus les engagements des régimes de retraite,
moins le solde du Fonds des générations.
Dépenses de l’État québécois :
153,4 G$ (+ 56,2 % depuis 2018)
Dette à long terme d’Hydro-Québec
(31 décembre 2024) : 60,4 G$
PQI : 164 G$
Sources : ministère des Finances du Québec,
Conseil du trésor, Institut économique de Montréal, Hydro-Québec.

Marge de manœuvre
Francis Gosselin croit que Québec a une certaine marge de manœuvre : « Les feux de circulation à 1 M$, ça fait jaser, dit-il. Le secteur public doit s’engager dans une stratégie d’adaptation pour contrôler les coûts. Sinon, Québec pourrait faire face à d’autres décotes. S&P a d’ailleurs averti qu’elle pourrait le faire. »
Évidemment, si nous avions la meilleure cote (AAA), comme l’Allemagne, ça se traduirait par une bonification de 1 % du taux s’appliquant sur l’ensemble de nos obligations, selon lui. « Ça représenterait des milliards de dollars d’économie, ajoute-t-il. Mais, dans le contexte actuel, où il n’y a pas de plan sérieux de retour à l’équilibre budgétaire, on prend le chemin inverse. »
L’économiste précise que la décote ne s’applique qu’aux emprunts futurs, et non à l’ensemble de la dette. Comme le Québec renouvelle annuellement autour de 10 % de sa dette, on parle d’une trentaine de milliards qui seraient concernés par la décote. Et les infrastructures ne concernent pas tout l’endettement total de l’État québécois.
« Évidemment, si cette décote se maintient sur une décennie, l’impact sera considérable », reconnaît-il.
Cette décote aura manifestement un impact sur les coûts de financement des travaux d’infrastructures, mais il sera marginal.
— Francis Gosselin

Infrastructures
« Le gouvernement Charest s’est réveillé lorsque le viaduc de la Concorde s’est effondré, en 2006, reprend François Gagnon. Il a voté un plan d’infrastructures. Concrètement, ça a permis de générer de l’emploi et, par extension, des revenus fiscaux qui ont amoindri le choc de la récession de 2008. Je m’attends à ce que les projets d’infrastructures annoncés en réaction à la guerre commerciale de Trump, ainsi que le plan d’Hydro-
Québec, moussent l’emploi de la même manière. »
L’analyste croit toutefois que l’incertitude entourant la guerre commerciale est une épée de Damoclès quant aux infrastructures. Et l’inflation aura davantage de répercussions que la décote, car le coût des matériaux risque de grimper. « Il y a aussi de la rigidité dans la gestion de la main-d’œuvre, qui fait gonfler les coûts des projets. Les retards sur plusieurs années des grands travaux gonflent sensiblement la facture », insiste-t-il

Les méthodes de construction seraient également à revoir : « On parle beaucoup d’intelligence artificielle, mais l’industrie de la construction tarde à l’adopter, tout comme l’automatisation et la préconstruction. », signale-t-il.
L’explosion des dépenses, notamment salariales, a une conséquence bien plus grande pour l’industrie de la construction que la décote, complète Francis Gosselin, qui ne croit pas que les entreprises du secteur seront affectées par l’annonce de S&P.
Au moment de mettre sous presse, les autres agences de notation, Fitch et Moody’s, avaient maintenu la cote du Québec. ■