Réutilisation des résidus de bauxite
Une voie d’avenir
Les 80 ans de l’ACRGTQ Un héritage en construction
Dans un souci de réduction de son empreinte environnementale, Rio Tinto s’est associée avec l’entreprise Inter-Cité Construction pour élaborer un nouvel enrobé qui permettrait de réutiliser une partie des résidus de bauxite et des sous-produits carbonés produits par l’entreprise. Les premiers essais réalisés en 2022 sont prometteurs.
par Stéphane Gagné
Les avancées dans ce projet ont valu à Inter-Cité Construction de remporter le prix Génie-voirie en développement durable, lors du congrès 2024 de l’ACRGTQ.
En plus d’Inter-Cité Construction, les partenaires impliqués dans ce projet sont le Centre universitaire de recherche sur l’aluminium (CURAL), de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et le ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec (MTMD).
Julien Poulin, directeur des carrières des régions du Saguenay et de Québec chez Inter-Cité Construction est très impliqué dans le projet. Il mentionne que la première planche d’essai avec ce mélange a permis de remplacer une partie du sable et du gravier utilisés dans la formulation de l’enrobé par des résidus de bauxite et des sous-produits carbonés. À noter que les résidus de bauxite sont les sous-produits générés lors de l’extraction de l’alumine à partir du minerai de bauxite.
Une planche d’essai prometteuse
«À l’automne 2022, l’essai s’est fait sur la rue Hall du Complexe Jonquière, à Saguenay, sur une longueur de 450 mètres, et dans une partie de l’aire de stationnement sur le site du Centre de recherche et de développement Arvida (CRDA) de Rio Tinto, affirme le directeur. Deux enrobés de recherche différents ont été testés et comparés avec un enrobé utilisé habituellement par le MTMD pour le pavage des routes. L’un des enrobés contenait 5% de résidus de bauxite et de sous-produits carbonés.» Au total, c’est 800 tonnes de ce mélange qui ont été utilisées pour cet essai.
Les premiers résultats sont encourageants, car ils ont démontré une résistance à l’orniérage égale ou supérieure aux enrobés traditionnels. Dans la fiche explicative du prix remis par l’ACRGTQ, on mentionne que l’essai permettra de tester «dans des conditions réelles, la faisabilité technique du projet, notamment en mesurant les impacts de la circulation, de l’entretien hivernal et du gel sur la couche supérieure de la route».
L’application commerciale de ce mélange est-elle pour bientôt? «La commercialisation de cette formulation pourrait prendre encore plusieurs années d’essais», affirme Julien Poulin. Au cours des prochaines années, Rio Tinto et ses partenaires, dont le MTMD, qui a fait des essais de laboratoire usuels sur la formule d’enrobé avant sa pose, recueilleront des données et réaliseront des essais de performance en laboratoire afin de vérifier la performance de l’enrobé contenant des résidus de bauxite et de sous-produits carbonés en respectant les exigences de la norme sur les enrobés du MTMD.
Inter-Cité Construction joue un rôle important dans ce projet de recherche. Dans une vidéo, réalisée par Rio Tinto sur le projet et disponible sur YouTube, il est mentionné qu’Inter-Cité met à la disposition de l’entreprise son laboratoire, sa machinerie, ses employés, ses usines et son expertise.
À terme, la valorisation des résidus de bauxite pourrait avoir pour effet de retarder tout ajout futur de sites de dépôt de résidus de bauxite. Un site d’entreposage d’une superficie de 2,2 km2 existe déjà au sud du complexe Jonquière de Rio Tinto et un deuxième est actuellement en construction.
Rio Tinto et le développement durable
L’entreprise minière transnationale qu’est Rio Tinto est déterminée à se lancer dans l’économie circulaire et le développement durable. La réutilisation à des fins commerciales de ces sous-produits provenant de la production d’aluminium fait partie de ses objectifs. Globalement, Rio Tinto a l’objectif ambitieux de réduire son empreinte carbone mondiale de 50% d’ici 2030. Or, la production d’aluminium totalise à elle seule 70% de toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la société minière.
Outre la valorisation de ses résidus de bauxite, Rio Tinto cherche aussi des avenues de valorisation de ses autres sous-produits résultant de sa production d’aluminium. La CHAC (qui signifie chaux hydratée aqua-catalysée) en est un bon exemple. La CHAC est un sous-produit issu de la captation du soufre généré lors de la calcination du coke vert au four de calcination du coke d’Arvida pour la fabrication des anodes, des tiges de carbone qui transportent le courant électrique et créent la réaction chimique nécessaire pour transformer l’alumine en aluminium liquide. Les scientifiques du Centre de recherche et de développement Arvida ont donc mis au point un procédé breveté pour combiner la chaux avec le dioxyde de soufre, créant ainsi la CHAC. Selon Rio Tinto, environ 17000 tonnes de CHAC sont recyclées chaque année pour être utilisées dans des applications industrielles.
Or, la présence de chaux et de soufre dans la CHAC peut aussi avoir une application intéressante en agriculture, car ce sont deux ingrédients importants pour la santé des plantes et des sols. Sur ce projet, Rio Tinto travaille en partenariat avec l’entreprise québécoise Viridis Environnement pour valoriser la CHAC dans les champs agricoles. On le constate, le partenariat de Rio Tinto avec Inter-Cité Construction n’est pas la seule option sur laquelle travaille l’entreprise minière pour valoriser ses résidus. ■
Qu’est-ce que le prix Génie-voirie en développement durable?
Le prix souligne l’excellence des pratiques innovantes dans une perspective de développement durable en récompensant une entreprise qui a eu recours à un procédé, une technique ou un produit innovateur et à une approche contribuant à la protection de l’environnement ou à la préservation des ressources naturelles, de même qu’à la création d’une économie innovante et prospère, écologiquement et socialement responsable.
Source: ACRGTQ