MTMD / Bilan et perspectives 2024
Entretien avec Geneviève Guilbault, vice-première ministre et ministre des Transports et de la Mobilité durable
« De nombreux projets d’infrastructures devront être réalisés à un rythme soutenu au cours de prochaines années, ce qui nécessitera plus d’agilité dans leur planification. On doit mieux se positionner pour attirer les meilleurs joueurs internationaux et contrôler de manière plus efficiente les coûts et les échéanciers. » — Geneviève Guilbault
Dans le cadre du 80e congrès de l’ACRGTQ, Constas a voulu rappeler, au bénéfice de ses lecteurs, les initiatives récentes du MTMD, ainsi qu’obtenir un aperçu de ses grandes priorités pour la nouvelle année. Huit questions en ce sens posées à la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault.
Par Claude Bourget
Q/ Madame la vice-première ministre, qu’est-ce que vous entendez concrètement par la mobilité efficace ? Comment le concept guide-t-il les décisions du Ministère ?
R / L’efficacité est une des conditions primordiales pour que la mobilité soit durable. C’est pourquoi le gouvernement du Québec en fait un principe directeur. L’un des résultats attendus d’une mobilité efficace est la diminution des temps de trajet pour se rendre d’un point A à un point B. Cette diminution peut être induite par l’efficacité du transport collectif en le rendant diversifié et accessible à l’ensemble de la population.
Afin de soutenir l’atteinte des cibles de la Politique de mobilité durable, notre gouvernement s’efforce d’offrir des options pour diminuer la production de GES ainsi que le voiturage en solo. Pour ce faire, il faut mieux connecter les différents services de transport existants afin de favoriser des déplacements multimodaux et proposer de nouvelles options, comme les navettes fluviales, qui ont enregistré 420 000 départs en 2023, ainsi que la réhabilitation des chemins de fer de la Gaspésie et Québec Central. Plus précisément, ces deux projets ferroviaires d’envergure amélioreront le transport de personnes et de marchandises et soutiendront la croissance économique dans les régions riveraines des rails.
« Un autre exemple réside dans tout le travail de coordination que nous réalisons pour réduire les entraves sur nos routes. J’ai doté les comités consultatif et directeur de Mobilité Montréal d’orientations mettant de l’avant l’innovation et la communication afin de planifier plus efficacement les chantiers et de mieux communiquer les entraves routières. » — Geneviève Guilbault
Il ne faut pas oublier les contributions de la mobilité active dans l’atteinte de nos cibles environnementales. C’est pourquoi nous avons révisé le Code de la sécurité routière afin de favoriser l’intégration sécuritaire des appareils de transport personnel motorisés, comme les trottinettes électriques, sur nos routes, et que nous avons bonifié l’enveloppe du Programme d’aide financière au développement des transports actifs dans les périmètres urbains (TAPU).
Un autre exemple réside dans tout le travail de coordination que nous réalisons pour réduire les entraves sur nos routes. J’ai doté les comités consultatif et directeur de Mobilité Montréal d’orientations mettant de l’avant l’innovation et la communication afin de planifier plus efficacement les chantiers et de mieux communiquer les entraves routières.
« En dépit d’avancées notables, d’une part, dans les pratiques de gestion durant les 20 dernières années et, d’autre part, dans l’application de technologies innovantes, la conservation des chaussées du réseau routier sous la responsabilité du ministère des Transports et de la Mobilité durable présente des défis auxquels font face peu d’administrations routières dans le monde : un réseau étendu sur un vaste territoire, une faible densité de population et des conditions météorologiques difficiles et très variables. » — Geneviève Guilbault
Q / Quel projet réalisé dans la dernière année est une source de fierté ?
R / L’année 2023 a été faste en matière de transport et de mobilité durable. De nombreux projets méritent d’être soulignés. Parmi ceux-ci, on compte :
- notre Plan d’action en sécurité routière et ses 27 mesures phares, qui témoignent de tout l’engagement de notre gouvernement envers l’instauration d’une vision renouvelée de la sécurité routière;
- l’amorce des travaux sur le troisième et dernier tronçon du projet de réhabilitation du chemin de fer de la Gaspésie, soit celui entre Port-Daniel-Gascons et Gaspé. Des travaux qui, à terme, permettront le retour du train jusqu’à Gaspé, offrant ainsi aux Gaspésiens un service à la hauteur de leurs attentes et un outil supplémentaire pour soutenir la croissance économique de la région;
- l’annonce d’un investissement total de 440 M$ pour assurer la réhabilitation du chemin de fer Québec Central, situé entre Vallée-Jonction et Thetford Mines, d’ici la fin de l’automne 2025;
- les nombreux investissements dans les infrastructures maritimes de la province dans le cadre d’Avantage Saint-Laurent, le plan gouvernemental ambitieux prévoyant des investissements totaux de 927 M$ et visant à réaliser la vision maritime du Québec;
- finalement, il ne faut pas oublier, la mise en service historique d’un premier tronçon du Réseau express métropolitain. Ce mode de transport, le premier du genre au Québec, vient s’arrimer et s’intégrer à un vaste réseau de bus, de métro et de trains déjà très performant. Tous modes confondus, c’est maintenant 20 500 km qui seront entièrement consacrés au transport collectif. C’est majeur, et cela démontre bien notre engagement à promouvoir une mobilité toujours plus durable.
Q / Quelles seront vos grandes priorités pour 2024 ?
R / Les actions du gouvernement en matière de transport au Québec sont multiples et souvent insoupçonnées. En 2024, nous travaillerons sur trois grandes priorités :
- la mise en place d’un financement pérenne du transport collectif;
- la création de l’agence consacrée à l’étude d’opportunité, à la planification ou à la réalisation de tout projet complexe de transport collectif afin, notamment, d’accélérer sa livraison;
- la réduction du nombre d’accidents sur les routes du Québec, notamment en déployant les mesures du Plan d’action en sécurité routière 2023-2028 et en réalisant des campagnes de sensibilisation.
Q / Où en est la mise sur pied d’une agence responsable des grands projets en matière de transport ?
R / C’est un secret de Polichinelle : de nombreux projets d’infrastructures devront être réalisés à un rythme soutenu au cours de prochaines années, ce qui nécessitera plus d’agilité dans leur planification. On doit mieux se positionner pour attirer les meilleurs joueurs internationaux et contrôler de manière plus efficiente les coûts et les échéanciers.
Avec la création d’une nouvelle agence responsable de l’analyse et de la réalisation de tout projet complexe ou de grande envergure, principalement de transport collectif, nous nous tournons vers l’avenir et réitérons notre détermination à transférer les déplacements vers des modes de transport plus durables et sobres en carbone, comme le transport collectif.
Nous serons en mesure d’informer davantage la population de l’avancement de l’agence au cours de l’année 2024.
« Les actions du gouvernement en matière de transport au Québec sont multiples et souvent insoupçonnées. En 2024, nous travaillerons sur trois grandes priorités :
la mise en place d’un financement pérenne du transport collectif;
la création de l’agence consacrée à l’étude d’opportunité, à la planification ou à la réalisation de tout projet complexe de transport collectif afin, notamment, d’accélérer sa livraison;
la réduction du nombre d’accidents sur les routes du Québec, notamment en déployant les mesures du Plan d’action en sécurité routière 2023-2028 et en réalisant des campagnes de sensibilisation. » — Geneviève Guilbault
Q / Comment peut-on contrer le déficit de maintien d’actifs des chaussées du réseau routier ? Le Ministère entend-il augmenter les investissements ou le nombre de projets de réfection en 2024 ?
R / Le rapport du Vérificateur général du Québec est très clair : on doit améliorer la gestion de nos chaussées. Les défis sont grands, mais nous élaborons actuellement un plan d’action. On s’engage à poursuivre nos efforts en matière de conservation des chaussées du réseau sur plusieurs fronts : en appliquant les meilleures pratiques en gestion d’actifs, en agissant en prévention des impacts socioéconomiques associés à la dégradation des routes, en favorisant l’innovation et en privilégiant l’utilisation efficiente des ressources.
En dépit d’avancées notables, d’une part, dans les pratiques de gestion durant les 20 dernières années et, d’autre part, dans l’application de technologies innovantes, la conservation des chaussées du réseau routier sous la responsabilité du ministère des Transports et de la Mobilité durable présente des défis auxquels font face peu d’administrations routières dans le monde : un réseau étendu sur un vaste territoire, une faible densité de population et des conditions météorologiques difficiles et très variables.
En 2022, 1 478 km de route ont été touchés par des travaux routiers :
- 897 km en travaux de réfection;
- 314 km de travaux palliatifs qui visent à rétablir temporairement le bon état des chaussées très détériorées;
- 267 km en travaux préventifs qui visent à retarder la détérioration d’une chaussée en bon état et, par conséquent, à prolonger sa durée de vie.
Ces travaux ont permis de maintenir l’état des chaussées sur le plan du confort de roulement et des fissurations.
Pour les années 2022-2024, 6,77 G$ seront investis pour la réalisation de projets routiers, maritimes, ferroviaires et aéroportuaires partout au Québec. Il s’agit d’une somme record ! À titre d’exemple, la somme était de 6,42 G$ pour la période 2021-2023.
Q / Les mesures d’atténuation pour pallier la fermeture partielle du pont de l’Île-aux-Tourtes sont-elles suffisantes ? Sera-t-il possible de garder le pont en fonction jusqu’à ce que le nouveau pont soit opérationnel en 2026 sans faire exploser les coûts de son entretien ?
R / On le sait, le pont de l’Île-aux-Tourtes est une infrastructure névralgique en soutien aux échanges commerciaux du Québec. Parce que le pont est une structure en fin de vie utile, un budget de plus de 376 M$ est consacré au maintien de l’actuel pont jusqu’à son démantèlement, prévu en 2029.
Au total, la planification du projet de construction du nouveau pont aura été écourtée d’environ 18 mois grâce à l’optimisation de l’échéancier ainsi qu’aux mesures d’exception prévues par notre Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure.
Par ailleurs, des discussions ont été entamées avec le consortium pour voir s’il est possible d’optimiser les travaux pour accélérer la reconstruction. Pour le moment, il est trop tôt pour s’avancer davantage sur ce qui sera fait. Nous sommes conscients des répercussions, entre-temps, de la fermeture partielle du pont sur les temps de parcours des usagers.
De nombreuses mesures d’atténuation ont été déployées au plus fort des entraves, dont la gratuité de lignes de bus et de trains des secteurs touchés, en plus de la bonification de ces lignes, l’exemption de péage sur l’A-30, la synchronisation des feux sur l’A-20 et l’utilisation de l’accotement par les autobus sur l’autoroute 40.
« Il est nécessaire de revoir la mobilité dans la Capitale-Nationale. Nous avons mandaté CDPQ Infra pour étudier et proposer le meilleur projet de transport structurant pour la grande région métropolitaine de Québec. CDPQ Infra devra également inclure, dans son analyse, l’opportunité que le projet puisse relier les deux rives de la région de Québec en considérant l’évolution projetée de la mobilité ainsi que les besoins à combler en ce qui a trait au tourisme, au transport lourd et à la fluidité. Il ne s’agit pas d’une mince affaire.» — Geneviève Guilbault
Q / Doit-on s’attendre à une nouvelle mouture du projet de troisième lien à Québec en 2024 ?
R / Il est nécessaire de revoir la mobilité dans la Capitale-Nationale. Nous avons mandaté CDPQ Infra pour étudier et proposer le meilleur projet de transport structurant pour la grande région métropolitaine de Québec. CDPQ Infra devra également inclure, dans son analyse, l’opportunité que le projet puisse relier les deux rives de la région de Québec en considérant l’évolution projetée de la mobilité ainsi que les besoins à combler en ce qui a trait au tourisme, au transport lourd et à la fluidité. Il ne s’agit pas d’une mince affaire.
C’est à la suite du dépôt de cette analyse qu’il sera possible de se positionner plus précisément sur certains aspects de la mobilité de la région métropolitaine de Québec.
Q / Les automobilistes ont-ils de meilleures habitudes de conduite autour des chantiers routiers ? Quelles mesures supplémentaires ont été déployées en 2023 pour protéger les travailleurs sur les chantiers routiers ? Quelles mesures supplémentaires seront déployées en 2024 ?
R / J’ai dévoilé, en août dernier, mon Plan d’action en sécurité routière 2023-2028. Ce plan d’action démontre toute la volonté de notre gouvernement de rendre les routes du Québec de plus en plus sécuritaires pour tous les Québécois, quel que soit leur mode de déplacement. Grâce aux mesures du plan d’action, les travailleurs, dont les signaleurs routiers, seront mieux protégés, notamment en réduisant leur exposition à la circulation routière et aux différents risques liés à la réalisation de travaux sur les routes, notamment par l’utilisation accrue de dispositifs automatiques, contrôlés à distance par un signaleur.
Aux abords des chantiers routiers, l’incivilité des usagers peut occasionner des enjeux de sécurité pour les travailleurs. La stratégie de communication vise donc à conscientiser la population à la courtoisie et à la vigilance lorsqu’elle circule à proximité d’un chantier routier. De plus, une surveillance policière accrue et davantage de radars photo dans les chantiers routiers et aux abords de ceux-ci favoriseront également le respect des limites de vitesse affichées. ■