Dossier Constas CARRIÈRES ET SABLIÈRES DES RESSOURCES ESSENTIELLES
La réglementation a beaucoup changé depuis l’entrée en vigueur du nouveau Règlement sur les carrières et sablières, en incitant davantage les entreprises qui les exploitent à diminuer leurs volumes de déchets et de rejets issus de leurs opérations. D’où l’intérêt aussi de les valoriser et du même coup d’explorer de nouvelles méthodes et technologies.
Les carrières et sablières québécoises peuvent bénéficier de diverses expertises et aides techniques pour l’implantation de procédés innovants, la mise en valeur de résidus miniers recyclés et le développement de nouveaux matériaux granulaires dans une perspective d’économie circulaire, durable et responsable. Pour en avoir un aperçu, nous présentons, ici, l’une des ressources faisant partie du réseau Synchronex qui regroupe 59 centres collégiaux de transfert de technologies (CCTT). Il s’agit du centre COALIA affilié au Cégep de Thetford.
Par Jean Garon
Ce centre de recherche et d’innovation spécialisé en technologie minérale, en plasturgie et en minéraux avancés offre une gamme de services qui comprend, entre autres, des tests et essais pour la préparation, le concassage, le tamisage, la classification, la caractérisation et l’analyse des minéraux et des granulats. Il supporte également la transformation de sous-produits de carrières en produits à haute valeur ajoutée. À cet effet, une caractérisation approfondie des sous-produits est nécessaire afin de déterminer par exemple, la composition chimique, la blancheur, la dureté, etc.
La directrice du secteur minéral du centre, Nassima Kemache, mentionne que les entreprises et organisations qui exploitent des carrières et sablières peuvent faire appel aux services de COALIA pour la caractérisation de leurs minéraux, par exemple. « Parfois ces carrières se retrouvent avec des quantités importantes de sous-produits, comme des particules fines inutilisables dans la construction. On les aide à valoriser leurs sous-produits au lieu qu’ils soient envoyés à l’enfouissement. On essaie de voir quelles sont les possibilités de valorisation pour différents usages et quels sont les clients potentiels sur le marché. Ça correspond à un accompagnement dans la recherche de valorisation dans un esprit de circularité. »
Son collègue chargé de projet, Jean-François Grenier, donne l’exemple d’un client qui a développé des granulats dans son gisement de carbonate de calcium, notamment pour usage en génie civil. « Nous l’avons accompagné dans ses démarches d’élaboration et de valorisation de produits provenant de sa ressource, dont le degré de pureté variait dans différents secteurs du gisement. Outre la caractérisation chimique et minéralogique, nous avons réalisé des essais de micronisation, concassage/broyage, d’agglomération de particules fines par bouletage et divers procédés de purification du matériau et également des essais pour transformer le calcaire en nanoparticules de carbonate de calcium. » Dans ce cas-ci, son nouveau produit peut servir d’ajout dans l’alimentation animale en tant que rehausseur de PH dans les sols acides.
« [Plusieurs] carrières se retrouvent avec des quantités importantes de sous-produits, comme des particules fines inutilisables dans la construction. On les aide à valoriser leurs sous-produits au lieu qu’ils soient envoyés à l’enfouissement. On essaie de voir quelles sont les possibilités de valorisation pour différents usages et quels sont les clients potentiels sur le marché. Ça correspond à un accompagnement dans la recherche de valorisation dans un esprit de circularité.» — Nassima Kemache, directrice du secteur minéral du centre.
Le contexte géologique varie d’une carrière à l’autre, explique-t-il, et les particules fines et sous-produits qui résultent de leur exploitation vont être de nature différente. Une caractérisation minéralogique et chimique des roches et des résidus permet de brosser le portrait de ces matériaux, ce qui peut aider dans la recherche de valorisation. « On a la capacité de faire de telles analyses avec nos appareils spécialisés comme notre diffractomètre à rayon X ou notre microscope électronique à balayage et son système de minéralogie automatisée TIMA, renchérit Jean-François Grenier. On peut identifier les minéraux présents dans le matériau et on peut éventuellement détecter la présence de pyrite, de pyrrhotite ou d’autres minéraux délétères comme l’amiante. »
COALIA est un centre de recherche collégial qui accompagne les clients dans leurs problématiques de recherche et développement. Même si ses méthodes de travail et ses procédures sont les mêmes, COALIA ne peut se substituer à un laboratoire certifié, puisque ses laboratoires ne le sont pas. « Nos analyses permettent d’explorer la teneur d’un produit dans une démarche préliminaire, assure Nassima Kemache. On peut ensuite aiguiller le client vers d’autres ressources pour analyser plus en profondeur et obtenir la certification au besoin dans un laboratoire certifié. »
Valorisation de sous-produits
Il existe beaucoup de potentiel de valorisation des sous-produits inexploités dans les carrières et sablières. Nassima Kemache estime que ceux-ci pourraient être exploités davantage compte tenu de la raréfaction des ressources minérales et de l’attrait croissant pour les minéraux critiques et stratégiques qui entrent dans la fabrication d’équipements électroniques et de batteries, comme le lithium, le cobalt, le manganèse, le silicium, le calcium, etc. Il y a éventuellement d’autres possibilités de valorisation, tantôt dans le remblayage, tantôt dans la végétalisation de sites ou comme usage agricole.
Ces minéraux peuvent se retrouver dans les particules fines que seule une caractérisation approfondie peut détecter. « La caractérisation des minéraux est donc un préalable pour découvrir des options de valorisation, ajoute-t-elle. Si ce n’est pas dangereux et qu’il y a des métaux de valeur, est-ce qu’on peut aller les chercher de façon économique ? Est-ce économique d’ajouter une étape de broyage pour les extraire ? » Il y a là plusieurs aspects à considérer et à évaluer.
Les projets de recherche appliquée du secteur minéral de COALIA peuvent s’étendre aussi au secteur de la plasturgie. « Par exemple, on peut valoriser certains matériaux de nature minérale en les intégrant dans la composition de certains plastiques, souligne Jean-François Grenier. L’ajout de charge minérale peut notamment influencer les propriétés mécaniques des plastiques. »
Il existe d’autres opportunités de valorisation des résidus miniers. Par exemple, les poussières, qui contiennent beaucoup de calcium, permettraient de capturer le dioxyde de carbone (CO2) des industries par carbonatation. Nassima Kemache a elle-même déjà travaillé sur la captation de CO2 en utilisant des résidus de démolition, à partir du recyclage de béton par exemple.
Développement de nouveaux procédés
La réglementation a beaucoup changé depuis l’entrée en vigueur du nouveau Règlement sur les carrières et sablières, en incitant davantage les entreprises qui les exploitent à diminuer leurs volumes de déchets et de rejets issus de leurs opérations. D’où l’intérêt aussi de les valoriser et du même coup d’explorer de nouvelles méthodes et technologies.
« C’est sûr que les entreprises font des efforts en ce sens afin de réduire leur empreinte environnementale, affirme Nassima Kemache, notamment en adoptant une technologie moins énergivore et moins polluante. » Elle croit néanmoins qu’il y a encore des efforts à faire parce que les entreprises ne peuvent pas remplacer tous leurs procédés du jour au lendemain.
À ce propos, Jean François Grenier souligne le fait que COALIA expérimente un nouveau procédé d’électro-fragmentation qui utilise des ondes électriques de haute puissance pulsées sur des échantillons de roche immergés dans l’eau. « Des arcs électriques sont générés dans l’eau et entraînent une onde de choc qui va fragmenter la roche. Ce procédé dont les usages pourraient être investigués semble produire des fragments concassés très anguleux par rapport aux procédés mécaniques habituels. » Il s’agit d’un nouveau procédé en développement à l’aide d’un appareil prototype de la compagnie française ITOPP, une filiale du groupe Alcen.
Il y a aussi l’aspect énergétique qui entre en considération en proposant un procédé moins énergivore, fait valoir Nassima Kemache. « Parce que tout ce qui constitue du concassage et du broyage conventionnels, ça requiert beaucoup d’énergie. On peut donc l’utiliser pour réduire la consommation d’énergie et pour libérer les minéraux de valeur sans broyer la roche finement. »
En ce moment, ce procédé n’offre pas une capacité de traitement industrielle. Il permet de fragmenter des quantités très limitées entre 10 et 400 kilogrammes. Mais il devrait déboucher éventuellement sur une exploitation industrielle avec le concours de deux compagnies européennes (ITOPP et SELFRAG), qui travaillent au développement de cette technologie. Selon Nassima Kemache, diverses études tendent à démontrer que l’électro-fragmentation pourrait s’avérer une alternative au dynamitage conventionnel.
D’autres ressources accessibles
La croissance de la consommation de métaux et de minéraux pose des enjeux de développement et d’exploitation des mines, des carrières et des sablières, notamment en ce qui concerne le recyclage, l’extraction, la gestion des déchets, l’efficacité énergétique et la protection de l’environnement.
Tout comme COALIA, d’autres ressources s’affairent dans la recherche de nouveaux procédés industriels de traitement de minerais et de minéraux ainsi que dans la valorisation des résidus miniers dans une perspective d’économie circulaire. C’est le cas du Centre technologique des résidus industriels (CTRI) qui offre une expertise et des services techniques aux entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec. Le CTRI donne également accès à plusieurs équipements à la fine pointe de la technologie permettant, entre autres, de mettre à l’essai la fragmentation et le broyage à l’aide de la technologie des hautes puissances pulsées (HPP).
Il y a aussi le Centre d’excellence sur les métaux critiques et stratégiques Éléments08 de Ressources naturelles Canada, qui élabore et coordonne des politiques et des programmes canadiens sur les minéraux critiques. Il s’agit d’un regroupement de partenaires qui vise à promouvoir l’exploitation responsable de minéraux critiques et stratégiques.
Mentionnons finalement que le ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec n’est pas en reste avec son Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020‑2025 (PQVMCS) et ses outils pour soutenir l’innovation et la recherche appuyés par des programmes d’aide financière pour le développement du potentiel minéral. ■
Types d’aide et d’assistance offerts aux entreprises par COALIA
. Développer ou optimiser leurs procédés de fabrication, diminuer leurs rejets, augmenter leur capacité de production et diminuer leurs coûts d’opération.
. Écoconcevoir leurs produits et augmenter leurs marges de profit, améliorer leur image corporative.
. Résoudre leurs enjeux techniques (matériaux et procédés), afin d’améliorer la qualité de leurs produits et augmenter la confiance de leurs clients.
. Améliorer les performances de leurs matériaux et détenir de nouveaux avantages concurrentiels.
. Développer des produits à valeur ajoutée afin d’accéder à de nouveaux marchés.
. Connaître précisément la composition, les propriétés et la pureté de leurs produits et matériaux et mieux contrôler la qualité de leurs intrants/extrants.
. Être mis en relation avec de nouveaux partenaires d’affaires potentiels.
. Prévoir et améliorer la fin de vie de leurs produits, valoriser leurs sous-produits, intégrer des boucles d’économie circulaire et réduire leurs coûts.
Source : COALIA