Transition vers l’économie circulaire
Tous les acteurs de la construction y sont conviés
Le Lab Construction au CERIEC
Dans le domaine des infrastructures routières, le Lab mène des expériences sur la valorisation du bardeau d’asphalte postconsommation pour les chaussées non revêtues.
La construction de bâtiments et d’infrastructures consomme beaucoup de ressources épuisables et produit quantité de matières résiduelles en pures pertes. Recyc-Québec estime que seulement 3,5 % des ressources utilisées sont remises en circulation. Ce gaspillage entraîne de lourds impacts sur l’environnement et les changements climatiques. Une des solutions offertes aux acteurs de la construction serait de participer au développement de l’économie circulaire à l’échelle locale.
Par Jean Garon
La plateforme de référence Québec Circulaire définit l’économie circulaire comme étant « un nouveau modèle économique qui vise à découpler la croissance économique de l’épuisement des ressources naturelles et des impacts sur l’environnement. » Pour l’industrie de la construction, cela suppose une révision du système de production et de consommation de manière à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service tout en réduisant l’empreinte environnementale. Autrement dit, éviter le gaspillage en faisant plus et mieux avec moins.
Le Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) assiste les acteurs de diverses sphères d’activité dans des projets d’études et d’expérimentations sur le terrain qui permettent d’élaborer des stratégies de transition vers l’économie circulaire. Le Lab Construction, par exemple, soutient une quinzaine de projets de recherche touchant surtout le bâtiment, mais aussi les infrastructures.
L’économie circulaire en construction, rappelons-le, s’étend de la conception d’un ouvrage, à sa construction et son opération jusqu’à sa fin de vie utile menant à sa déconstruction et au recyclage de ses matières résiduelles ou au réemploi de certaines de ses composantes. Ça ne repose donc pas essentiellement sur la notion de recyclage.
Comme nous l’explique la chargée de projet du Lab Construction au CERIEC, Hortense Montoux : « On travaille dans une approche systémique sur la fin de vie utile des composantes des projets, mais aussi en amont, dès la conception des projets. Par exemple, on travaille sur les façons de concevoir et de construire des bâtiments qui soient plus adaptables dans leur cycle de vie sans devoir tout mettre à terre et envoyer les résidus à l’enfouissement, comme c’est le cas avec l’approche de démolition classique. »
« En fait, ajoute-t-elle, ce qui est fait au moment de la conception d’un projet a des impacts sur l’ensemble de la chaîne de valeur de construction jusqu’à la fin de vie de l’ouvrage. Ça va du choix des matériaux, aux méthodes de montage et de démontage, jusqu’à la récupération des composantes réutilisables et des matières résiduelles pour les rediriger vers leurs filières respectives pour les recycler. »
Des exemples d’applications concrètes
À titre d’exemple, le Lab Construction soutient un projet sur une feuille de route vers des bâtiments adaptables et démontables, porté par un chercheur de l’Université de Montréal et une chercheuse de l’ÉTS. Ce projet définit spécifiquement les principes de conception et établit une feuille de route pour l’industrie de la construction au Québec.
Un autre projet touchant le bâtiment porte sur la mise en place d’une plateforme de démantèlement des portes et fenêtres issues des étapes de déconstruction en vue de leur valorisation avec des spécialistes en recyclage afin de minimiser les quantités de matières envoyées à l’enfouissement.
Dans le domaine des infrastructures routières, un des projets du Lab mène des expériences sur la valorisation du bardeau d’asphalte postconsommation pour les chaussées non revêtues en partenariat avec la Régie intermunicipale de traitement des matières résiduelles de la Gaspésie. Un autre partenariat avec la municipalité de Saint-Hippolyte se penche sur l’incorporation de granulats bitumineux récupérés dans les travaux routiers municipaux au Québec.
L’expérimentation de ces projets permet d’identifier les conseils, les lignes directrices et les meilleures pratiques pour les acteurs qui voudraient explorer et mettre en application les principes de l’économie circulaire. Elle peut permettre, par exemple, d’établir des spécifications d’usage par les villes et municipalités dans les devis de leurs projets, ainsi que les meilleures pratiques à mettre en place.
Des bénéfices pour tout le monde
Selon une étude des retombées économiques, l’économie circulaire apporte des bénéfices à l’échelle nationale en diminuant la pression sur les ressources, en accroissant le produit intérieur brut (PIB), en créant des emplois locaux et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Tous les acteurs de la chaîne de valeur peuvent en bénéficier : les fabricants, les distributeurs, les concepteurs, les constructeurs, les donneurs d’ouvrage, etc. Même les promoteurs et gestionnaires immobiliers, souligne la chargée de projet, en privilégiant certaines stratégies dans l’exploitation de leurs bâtiments, comme le recours à une boucle de chaleur d’un réseau d’énergie au lieu de posséder leur propre chaudière pour le chauffage.
Des freins qui font encore hésiter
« Effectuer une transition vers l’économie circulaire ne se fait toutefois pas en criant ciseaux, convient la spécialiste. Ça peut nécessiter des investissements pour les entreprises et du temps, car il faut d’abord réfléchir sur la façon d’adapter ou de transformer ses façons de faire. Ce n’est pas évident de combiner cet exercice avec les carnets de commandes et les enjeux d’échéanciers des entrepreneurs. Ça représente souvent un frein très important pour les entreprises qui doivent livrer leurs projets à temps. »
« En fait, poursuit-elle, il existe des freins à chaque étape d’un projet :
- Il y en a qui sont assez techniques impliquant des nouvelles façons de faire.
- Il y en a d’autres qui relèvent du marché parce qu’il n’y a pas toujours les acteurs ou les filières en place pour utiliser des matériaux qui ne sont pas disponibles.
- Il y a aussi les freins réglementaires qui limitent certains usages de matériaux.
- Il y a un manque de connaissances sur ce qui est possible de faire, faute d’exemples locaux convenant au contexte québécois en termes de bonnes pratiques.
- Il y a finalement un manque de formation de certains corps de métier impliquant de la déconstruction, par exemple. »
Nonobstant ces obstacles, Hortense Montoux croit que les acteurs de l’industrie de la construction n’auront tôt ou tard pas le choix d’adhérer aux pratiques de l’économie circulaire. Parce que les ressources se raréfient et coûtent de plus en plus cher. D’autant plus que certains maillons de la chaîne d’approvisionnement sont trop éloignés. Il y a donc un enjeu de développement de boucles locales pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement.
En outre, il faut s’attendre à l’imposition éventuelle de nouvelles obligations réglementaires visant à réduire les impacts environnementaux, comme celle liée à la décarbonation des bâtiments impliquant la divulgation de données sur les GES et la cotation énergétique. Pour commencer à s’engager dans cette voie, elle encourage les entreprises à amorcer leur réflexion, à se renseigner auprès des ressources disponibles des associations professionnelles, à consulter les études de cas et les fiches techniques du Lab Construction qui montrent ce qu’il est possible de faire.■