Pénurie de main-d’œuvre : les clés de l’intégration
Entrevue avec Benoit Pouliot Directeur des ressources humaines chez Eurovia Québec
Dossier Constas La main-d’œuvre au centre de la relance Vers le congrès 2022 de l’ACRGTQ
Construire autour de quatre moments clés — le premier jour, la première semaine, le premier mois et les premiers « trois mois ».
Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre qui frappe l’industrie de la construction depuis quelques années, les entreprises doivent non seulement redoubler d’efforts lors de leurs embauches, mais doivent également se faire de plus en plus créatives pour retenir leurs nouveaux employés. Mais si le tout se jouait dans les premiers instants ?
Par Florence Sara G. Ferraris
Au-delà des difficultés rencontrées pour embaucher de nouveaux talents, l’un des principaux défis auxquels doivent faire face les gestionnaires et les services de ressources humaines des entreprises de l’industrie de la construction est de retenir les employés une fois le processus de sélection terminé. « Le taux de roulement est énorme dans le milieu, lance sans ambages le directeur des ressources humaines chez Eurovia Québec, Benoit Pouliot. Les gens restent à peine un an, et puis s’en vont ! C’est une véritable porte-tournante. »
Or, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre comme celui qui frappe l’industrie depuis quelques années — la Commission de la construction du Québec estimait à l’automne 2020 qu’il manquait environ 13 000 travailleurs pour combler les besoins sur les chantiers —, ces difficultés de rétention pèsent lourd. « Former quelqu’un pour le voir partir après quelques mois ou, au mieux, après un an, c’est énormément de temps et de ressources investis. C’est frustrant, mais surtout très décourageant », confesse celui qui occupe son poste depuis près de 6 ans.
Depuis son arrivée chez Eurovia Québec, une filiale de Vinci, ce spécialiste des relations de travail a beaucoup réfléchi à cette question si débattue au cours des dernières années, arrêtant son analyse sur les premiers mois de travail comme l’un des problèmes de rétention. « En s’intéressant de plus près aux raisons de départ des gens, on s’est rendu compte que ça se joue beaucoup dans les premières semaines, voire les premiers jours. Nous avons donc décidé d’intervenir à la source. »
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre comme celui qui frappe l’industrie depuis quelques années — la Commission de la construction du Québec estimait à l’automne 2020 qu’il manquait environ 13 000 travailleurs pour combler les besoins sur les chantiers —, les difficultés de rétention pèsent lourd.
Miser sur les débuts
Concrètement, l’entreprise québécoise, qui emploie environ 2000 personnes, dont près de 40 % sont issues du milieu de la construction, a complètement revu son programme d’accueil des nouveaux employés. « Notre but n’a jamais été de réinventer la roue, assure Benoit Pouliot. On a plutôt décidé de retourner à l’essentiel : soit sur le sentiment de bien-être et sur l’accueil des premiers instants. »
« Notre but n’a jamais été de réinventer la roue, assure Benoit Pouliot. On a plutôt décidé de retourner à l’essentiel : soit sur le sentiment de bien-être et sur l’accueil des premiers instants. »
Construit autour de quatre moments clés — le premier jour, la première semaine, le premier mois et les premiers « trois mois » —, le programme vise donc à mieux accompagner les nouveaux employés dans leurs débuts, tout en veillant à ce que les processus de rétroaction et de suivi soient plus efficaces. Cela se traduit notamment par une meilleure préparation des chefs d’équipe (qui doivent donc, eux aussi, être mieux accompagnés) afin qu’ils puissent recevoir adéquatement leurs nouvelles recrues. « L’objectif ici est de montrer à la personne qu’elle est attendue ! Que sa présence va faire une différence pour nous. »
Un système de mentorat en santé et sécurité au travail, de même que pour les tâches quotidiennes, a également été mis en place pour assurer une meilleure transmission des informations et, par le fait même, faciliter la formation des nouveaux. Des rencontres ponctuelles et échelonnées sur les quatre moments clés permettent aussi de porter attention aux besoins de l’employé, par exemple en termes de formation. « Nous souhaitons éviter que la personne se sente à l’écart, que ce soit au sein de son équipe ou parce qu’elle n’a pas tous les outils nécessaires pour son évolution. »
Résultats multiples
Bien sûr, tout n’est pas encore réglé, souligne le directeur des ressources humaines, « mais nous sommes sur la bonne voie ». Déjà, depuis l’implantation de la nouvelle mouture du programme — qui célèbrera sa première année d’existence en avril 2022 —, il remarque un taux de satisfaction beaucoup plus élevé chez les nouveaux employés. Le taux de roulement a lui aussi ralenti, mais il est encore trop tôt pour mesurer les réels impacts sur la rétention. « Avant l’implantation du programme, environ le tiers de nos employés nous quittaient avant la fin de leur première année. On sent que le vent est en train de tourner. »
Là où les résultats sont déjà tangibles, c’est du côté du sentiment d’appartenance, observe Benoit Pouliot. « En solidifiant dès le départ les liens entre les employés et leur nouveau lieu de travail, on crée des ambassadeurs de notre entreprise, explique-t-il avec sérieux. Avoir des employés heureux, c’est le plus grand gain qu’on peut faire. Ça peut paraître simple, mais au bout du compte, c’est une des meilleures façons de pouvoir recruter du nouveau personnel par la suite. » ■