MAGAZINE CONSTAS

Impact de la nouvelle classification des bitumes

L’essai MSCR et les municipalités

Pour les municipalités et les entrepreneurs en voirie, les nouveaux bitumes plus polymérisés représentent une source de défis.

En vigueur depuis décembre dernier, la nouvelle classification des bitumes basée sur l’essai MSCR représente une avancée significative par rapport au système précédent. Elle corrige certaines lacunes et évalue mieux la capacité des bitumes à résister aux déformations permanentes découlant de sollicitations répétées. Entrepreneurs et donneurs d’ouvrage, voici ce qu’il faut en retenir.

Par Marie Gagnon

« Ce qu’il faut retenir, c’est que le ministère des Transports du Québec (MTQ) a modifié tous ses documents contractuels pour inclure des nouvelles classes de bitume, et comme le MTQ est le principal acheteur de bitume au Québec, les bitumiers vont s’adapter à la demande», a mentionné d’entrée de jeu Samuel Lépine-Thériault, ingénieur junior à l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

« En conséquence, poursuit-il, comme le prix des bitumes affichés sur le Système électronique d’appel d’offres (SEAO) est établi par le MTQ, il n’y aura plus de prix de référence pour exercer la clause d’ajustement du prix du bitume PG H-L afin de tenir compte de la volatilité du marché. Dans le même ordre d’idées, les municipalités qui fonctionneront selon l’ancien système devront s’attendre à débourser davantage pour du bitume PG H-L. Pour les entrepreneurs en voirie, ces bitumes plus polymérisés représentent également une source de défis. Ils sont plus visqueux et se travaillent moins facilement,. Par exemple, à l’automne, la finition sera plus difficile à faire. Sur un réseau fortement sollicité, il faudra employer un bitume plus robuste, dans les 70 degrés et plus, ce qui représente un bon défi sur le plan de la mise en œuvre. »

« Ce qu’il faut retenir, précise Samuel Lépine-Thériault de l’ACRGTQ, c’est que le MTQ a modifié tous ses documents contractuels pour inclure les nouvelles classes de bitume. »

L’essai MSCR

Plusieurs états du Nord-Est et du centre des États-Unis ont adopté l’essai MSCR et le système de classification « AASHTO M332 » qui y est associé. À ce sujet, l’objectif poursuivi par le MTQ en implantant ce nouveau système est de retarder l’apparition et réduire la gravité des ornières de fluage sur le réseau routier sous sa gestion, qui est de plus en plus sollicité par le trafic routier », souligne M. Lépine-Thériault.

De fait, la méthode MSCR vise à corriger certaines lacunes du système actuel « PG » et mieux classifier les bitumes selon leur aptitude à résister aux déformations permanentes, soit leur comportement à l’orniérage, et par le fait même de les mieux sélectionner selon leur usage. De plus, l’essai pourrait mieux et plus rapidement détecter la présence de polymère, soit un élément clé quant aux comportements recherchés des bitumes et la performance des chaussées. Il en résulte donc que les donneurs d’ouvrage ayant fait ladite transition auront de meilleurs bitumes et des chaussées plus durables.

Classes de performance MSCR en fonction des zones climatiques Source : MTQ, Direction des matériaux d’infrastructures

Ces changements importants apportés par le MTQ à ses documents contractuels et d’ingénierie relativement à la classification des bitumes, sont en vigueur depuis décembre 2018. Conséquemment, en vue de la saison de pose d’enrobés bitumineux, les donneurs d’ouvrage municipaux, en parallèle aux efforts déployés par le MTQ, doivent se mobiliser pour assurer une transition efficace du nouveau système de classification des bitumes, principalement via la modification de leur devis technique.

M. Lépine-Thériault nous rappelle « que le système de classification actuel des bitumes est basé sur la norme AASHTO M320, plus connu sous le nom de « Superpave Performance Grading (PG) » qui permet d’évaluer les caractéristiques rhéologiques des bitumes ainsi que leurs performances aux températures de service. Or, les procédures, les spécifications et les conditions de réalisation de ces tests étant très variables entre les différents ministères et départements de transport, sans compter que la corrélation entre les résultats et la performance des enrobés bitumineux s’est révélée faible, la caractérisation des bitumes devait être revue. »

M. Lépine-Thériault a conclu : « L’ACRGTQ souhaite que les chaussées revêtues du réseau routier puissent, au profit des citoyens, avoir une plus grande pérennité et ce, via l’utilisation des nouveaux bitumes classés selon l’essai MSCR. Par le fait même, l’industrie pourra profiter de documents contractuels sans ambiguïté, permettant à tous les compétiteurs de travailler sur un pied d’égalité et réduisant ainsi le risque de différends lors des travaux.» •


L’essai de fluage-recouvrance sous contraintes répétées.

Un rhéomètres MCR, outillé d’un logiciel de test et d’analyse des données. CR: Anton Paar
Le rhéomètre à cisaillement dynamique (DSR) est utilisé pour réaliser l’essai de fluage-recouvrance sous contraintes répétées, également appelé MSCR. Cette méthode d’essai est décrite dans la norme AASHTO M332, qui aborde la réponse élastique et la sensibilité à la déformation permanente des liants bitumineux ainsi que leur dépendance sous la contrainte.
Le procédé est relativement simple : l’échantillon est placé entre deux plateaux parallèles et chargé avec une contrainte constante pendant un temps déterminé, suivie d’un temps de repos sans aucune contrainte. Plusieurs cycles de fluage et de récupération sont effectués, à partir desquels le pourcentage de recouvrance et de fluage du liant sont calculés. Le test utilise différents niveaux de contraintes, d’où le nom de fluage-recouvrance sous contraintes répétées.